18 Brumaire au-dessus d’un nid de coucous...

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18 Brumaire au-dessus d’un nid de coucous...

Ceci n’a pas fait grand bruit sauf, au moins, auprès de WSWS.org : la menace du sénateur républicain Lindsay Graham, une des stars du War Party avec John McCain, d’un 18 Brumaire s’il était élu président, pour forcer le Congrès à voter une législation libérant le pauvre Pentagone des contraintes de la “séquestration” (effective après diverses évolutions législatives du Congrès depuis le début de 2013 [voir notamment le 20 septembre 2013].). Au contraire de diverses réactions, notamment de l’entourage du sénateur, qui tendent à faire de cette déclaration “une plaisanterie” ou une “image symbolique”, WSWS.org prend la déclaration de Graham littéralement au pied de la lettre et voit en lui une sorte de sénateur Buonaparte méditant une action militaire de la sorte auprès de l’auguste Congrès, – tout de même, après avoir été élu, démocratiquement comme chacun sait et comme vous & moi, 45ème POTUS, ou President Of The United States. (“Voici la première chose que je ferais si j’étais élu président des États-Unis : je ne laisserais pas le Congrès quitter Washington sans qu’il ait résolu le problème. J’irais littéralement jusqu’à utiliser la force militaire si nécessaire. Nous ne quittons pas la ville tant que nous n’avons pas rétabli les dépenses militaires ; nous ne quittons pas la ville tant que nous n’avons pas rétabli les dépenses pour le renseignement...”) (WSWS.org, le 13 mars 2015.)

«Appearing before a Republican audience in New Hampshire last Sunday, Lindsey Graham, the Republican senator from South Carolina and potential presidential candidate, let slip a remark that says much about the real relations within the US state apparatus. Asked about potential across the board cuts to military spending under sequestration, Graham replied that he was “sick to [his] stomach” about the potential cutbacks. He continued: “And here is the first thing I would do if I were President of the United States: I wouldn’t let Congress leave town until we fix this. I would literally use the military to keep them in if I had to. We’re not leaving town until we restore these defense cuts. We’re not leaving town until we restore the intel cuts.”

»Graham’s statement amounted to a modest proposal for a military coup. The apparent call for armed troops to ring the Capitol building until the Congress produced the budget that the Pentagon demanded was later brushed aside as a “joke,” though an audiotape of the event did not record much laughter. An aide to the Republican senator told Bloomberg news that Graham did not mean his call for the military to besiege Congress “to be taken literally,” even though “literally” is precisely the word Graham used in introducing his description of the extraordinary measures he would take as president.

»The prospect of helmeted troops forcing recalcitrant US congressmen to approve a military budget at bayonet point may sound far-fetched—something more appropriate to the many oppressed countries in Latin America, Africa and the Middle East, where the CIA and the Pentagon have orchestrated just such armed seizures of power, along with the bloody repression of the working class. But for anyone thinking that this kind of thing can’t happen here, Graham’s overly candid comment is only one more indication that the question of deploying he military in one form or another within the United States is not far from the minds of the political representatives of the ruling class. It takes place under conditions of both bitter conflicts within the ruling class and growing social tensions within the country as a whole.»

L’extrême énervement psychologique régnant aujourd’hui à Washington pourrait aussi bien expliquer la remarque de Lindsay Graham, ou encore la volonté également exacerbée de trouver une image frappante qui éveille l’attention de ses auditeurs, des militants républicains de base alternativement somnolents et vociférant. On restera donc prudent à l’égard de l’interprétation littérale de WSWS.org, tout en notant que l’hypothèse de “l’énervement psychologique” recèle la possibilité que naisse, dans un esprit malade parce qu’il ne reçoit plus guère d’aide d’une psychologie épuisée, l’idée d’une telle action de force.

Bien, il nous paraît tout aussi évident que la sortie de Graham constitue l’illustration d’une exaspération générale qui se décrit d’une façon assez paradoxale, comme la fureur impuissante de créatures du Système, agissant pour les entreprises du Système et complètement paralysées par le Système. En effet, jamais Washington et le Congrès n’ont été aussi bellicistes, aussi va-t’en-guerre, évidemment selon les consignes furieuses du Système et d’une façon qu’on décrira comme quasiment hallucinée sinon enfiévrée par une sorte de foi guerrière absolument incroyable ; et, à côté de cela, jamais Washington et le Congrès, qui sont évidemment complètement aux mains du Système, n’ont été aussi paralysés par eux-mêmes et par leurs propres impuissances, notamment dans cette entreprise basique, justement, de libérer le Pentagone des entraves de la séquestration (votée par le Congrès lui-même), qui empêche le Pentagone de gaspiller entre $30 et $50 milliards de quincaillerie de plus, ou bien $100 milliards, ou bien plus encore, dans les prochains mois, avec si vous voulez renouvellement automatique disons de 6 mois en 6 mois. Ainsi est-il bon de penser, à l’ombre amicale des baïonnettes, que si les hussards du Marine Corps entraient baïonnettes au canon dans l’enceinte du Sénat, ils seraient applaudis à tout rompre par les sénateurs qui imploreraient les soldats de les forcer à voter en toute liberté en faveur de nouvelles allocations budgétaires pour le Pentagone, comme ils tentent de le faire depuis plusieurs années. L’opération Vol au-dessus d’un Nid de Coucous, nom de code du 18 brumaire du président Graham, serait un succès complet et les forces ukrainiennes pourraient songer à envahir la Russie pour empêcher l’invasion de Washington par l’OTAN...

Non, sans rire et sans mélanger les logiques antagonistes, WSWS.org poursuit en expliquant que le contexte où Lindsay Graham vient de nous livrer son message bonapartiste est particulièrement enfiévré. Gulliver a beau s’agiter dans tous les sens, il ne parvient pas sortir son porte-monnaie que les lilliputiens bloquent dans sa poche-arrière... Est-ce que nous prenons l’exacte mesure de ce fait intéressant que Washington D.C. est devenu vraiment un asile d’aliénés à côté duquel la troisième saison de House of Cards fait figure de comptine pour les enfants sages qui ont quelque difficulté à fermer l’œil ?

«The immediate context of Graham’s remark, the prospect of cuts in the gargantuan US military budget through sequestration, has been the subject of a steadily escalating crescendo of hysteria on Capitol Hill, with the Pentagon’s civilian and uniformed chiefs warning of cataclysmic consequences. Typical was recent testimony offered by Marine Corps Gen. John Kelly, who warned: “It will be a catastrophe. It will put me out of business. We could be talking not about higher risk or severe risk, but defeat.” What country would inflict such a defeat, Kelly, the head of SOUTHCOM, which directs US military operations in Latin America, did not say. Presumably Venezuela.

»Senator John McCain and Congressman Mack Thornberry, the Republican chairmen, respectively, of the Senate and House Armed Services Committees, warned in a Wall Street Journal opinion column this week of inevitable “national security failures” resulting from sequestration, while pointing to prospects for US military action against Russia, China and Iran, in addition to the ongoing war in Iraq and Syria. They proposed that, instead of funds being cut for the US war machine, they should be taken out of “entitlements”—Social Security, Medicare and Medicaid—and that the Pentagon budget be increased to $577 billion.»


Mis en ligne le 14 mars 2015 à 11H44