9/11 en septembre 2011

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9/11 en septembre 2011

4 juin 2011 — Il est très connu, au moins depuis Saint-Augustin pour ceux qui s’en tiennent à une culture récente, que le chiffre 11 est, au contraire du chiffre 10 et comme pour s’y opposer, chargé de sens maléfique. Comme il nous est parfois arrivé de le rappeler, Augustin écrit dans sa Cité de Dieu, Livre XV, chapitre 20 sur l’exégèse de la descendance de Caïn :

«Mais de quelque façon que l’on compte les générations de Caïn, ou par les aînés, ou par les rois, il me semble que je ne dois pas passer sous silence que Lamech, étant le septième en ordre depuis Adam, l’Ecriture, qui lui donne trois fils et une fille, parle d’autant de ses enfants qu’il en faut pour accomplir le nombre onze, qui signifie le péché. En effet, comme la loi est comprise en dix commandements, d’où vient le mot décalogue, il est hors de doute que le nombre onze, qui passe celui de dix, marque la transgression de la loi, et par conséquent le péché.»

…Pour cette raison, septembre 2011, dix ans après le 11 septembre 2001, est un mois chargé de sens pour nombre d’esprits énervés ; pour quelques autres, inspirés éventuellement, il l’est également. Par conséquent, l’on peut d’ores et déjà rassembler quelques fils, reliant Israël, l’Iran, les USA comme “nouvelle Jerusalem” avec quelque plomb dans l’aile, et la situation générale qui est si catastrophique qu’elle pourrait donner l’idée d’une rupture si définitive dont il serait difficile d’attendre, même d’un coup d’audace neocon et postmoderniste, un rétablissement miraculeux. Nous ne sommes pas loin d’un temps où même les esprits en général apaisés peuvent eux-mêmes se trouver énervés par l’humeur des temps. Nous passons ici, non pas en mode prophétique mais simplement au constat que le système de la communication est à l’œuvre pour exacerber l’esprit et lui donner une orientation et un butoir pour développer son énervement ; septembre 2011 et l’anniversaire de 9/11, – que de 11, Augustin, – est une opportunité pour cela.

• Constatons que, depuis deux ou trois jours, existe en Israël une nouvelle “opposition”, presque une révolte contre l’équipe Netanyahou au pouvoir. Cette “révolte” est menée par Meir Dagan, l’ancien chef du Mossad (en fonction jusqu’en septembre 2010, autre date symbolique, après tout). Déjà très affirmé dans son opposition à “la folie” de l’équipe Bibi, Dagan place une attaque furieuse. La presse s’en fait l’écho ; voir, par exemple, le Guardian du 3 juin 2011.

«One newspaper quotes him as saying that he, as head of Mossad, Yuval Diskin, the head of Sin Bet – the internal security agency, and Gabi Ashkenazi, the head of the army, could prevent Netanyahu and Barak from making mistakes but all three have left their positions and have been replaced by men chosen by the current government. “I decided to speak because when I was in office, Diskin, Ashkenazi and I could block any dangerous adventure. Now I am afraid that there is no one to stop Bibi [Netanyahu] and Barak,” said Dagan…»

• Dagan accuse Netanyahou et son ministre de la défense Barak d’être “imprudents et irresponsables”, de chercher à déclencher une attaque contre l’Iran après avoir remplacé les principaux chefs des armées et des services de sécurité (dont lui-même) par des hommes sûrs, de bloquer tous les efforts de paix avec les Palestiniens. Dagan applaudit aux efforts de paix de certains pays arabes, notamment l’Arabie Saoudite avec son plan datant de quelques années. Le commentateur Ari Shavit, de Haaretz, cité par le Guardian, écrit : «Dagan is extremely concerned about September 2011. He is not afraid that tens of thousands of demonstrators may overrun the settlements. He is afraid that Israel's subsequent isolation will push its leaders to the wall and cause them to take reckless action against Iran.»

Le 3 juin 2011, saluant une nouvelle intervention tonitruante de Dagan, Haaretz proclame, en se rangeant derrière l’ancien chef du Mossad, qu’on trouve enfin une personnalité en Israël pour proclamer une opposition salutaire à la bande Netanyahou :

«Meir Dagan's warnings at Tel Aviv University Wednesday that Prime Minister Benjamin Netanyahu's leadership ‘is absent of vision and responsibility’ places him in opposition role, advocating ‘military restraint and political initiative.’

»Netanyahu is leading Israel into disaster places the former Mossad chief in a new role – head of the opposition. After two years of the prime minister's complete control over the political message coming out of Jerusalem, there is finally someone who is standing up and warning the public of the risks inherent in a leadership that “is absent of vision and responsibility.” Dagan's message during a speech Wednesday at Tel Aviv University can be summed up in a single phrase – “military restraint and political initiative.” In Dagan's view, Israel must not attack Iran, and it must accept the Arab peace initiative – a simple message that every Israeli can understand…»

• Le 2 juin 2011, un autre texte de Haaretz, du commentateur Amir Oren, introduit un autre élément, notamment avec la nomination du général Dempsey à la tête du JCS comme remplaçant de l’amiral Mullen (mais aussi, notamment, avec le remplacement de Gates par Panetta au Pentagone). Le texte de Oren est assez curieusement fait… D’abord, il détaille la carrière de Dempsey, montre ses relations avec Israël, son expertise de la situation au Moyen-Orient, – mais cela, pour en déduire implicitement, que certains “esprits énervés” en Israël vont prendre septembre 2011, toujours lui, comme date-butoir puisque c’est la date d’entrée en fonction de Dempsey, comme dernière possibilité pour Israël d’attaquer l’Iran. En d’autres termes, Oren observe que toute l’équipe de sécurité nationale d’Obama est en plein changement cet été, ce qui introduit une certaine confusion, dont les “durs” type Netanyahou voudraient profiter pour attaquer l’Iran sans interférences US. Dans ce cas, Dempsey, représentant l’U.S. Army épuisée par ses campagnes et refusant tout nouvel engagement, est décrit comme une sorte d’adversaire reflexe d’une attaque contre l’Iran, et les “durs” israéliens devraient vouloir agir avant qu’il entre en fonction…

«Therefore the changes in leadership at the Pentagon are not merely an American story. The chance that Dempsey, at the start of his term of office, would advise Obama to attack Iran, or to permit Israel to do so, is not high. The outgoing head, Mullen, is likewise not enthusiastic about that but his ties with the IDF's general staff are close and it can be assumed that, if Benny Gantz was persuaded to sign a plan by Benjamin Netanyahu and Ehud Barak, Mullen would not be happy but would also not torpedo it.

»The conclusion is that between the end of June and Gates' retirement, and the end of September and Mullen's retirement, the danger that Netanyahu and Barak will aim at a surprise in Iran is especially great, especially since this would divert attention from the Palestinian issue. As the Supreme Court explained to Moshe Katsav's lawyers, some plans for summer vacations might be canceled.»

• Un dernier élément, par lequel il s’agit à nouveau de septembre 2011. Ce mois-là sera un temps de grande activité de l’ONU et du Conseil de Sécurité, et un temps de référence pour une “menace” des dirigeants palestiniens de proclamer unilatéralement l’État palestinien, avec “menace” supplémentaire de demander à l’ONU d’instituer une “no-fly zone” au-dessus de la Palestine à l’image de l’argument de l’intervention en Libye, pour protéger le jeune État autoproclamé. Les sionistes pro-Netanyahou font grand cas de cette affaire, comme Shmuel Trigano sur le site Raison garder qui expose, le 5 mai 2011, une “simulation” du «complot palestinien de septembre 2011» ; simulation particulièrement horrible, conduisant à des interventions directes et à une guerre plus ou moins généralisée, avec dénonciation du traité de paix entre Israël et l’Egypte par le nouveau président égyptien (qui serait El Baradei), etc. Selon notre logique postmoderniste, lorsqu’on lit ce scénario, on est conduit par la main à se dire : “une attaque contre l’Iran serait préférable”.

• Cette alarme devant l’échéance de septembre 2011 n’est pas le fait des seuls partisans de Netanyahou. Ses adversaires sont également très inquiets devant cette perspective, craignant, eux, justement, une folle aventure du couple Netanyahou-Barak et c’est à ce “septembre 2011”-là que Dagan se réfère plus haut, dans son alarme bruyamment affichée. Voici le cas du chroniqueur Carlo Strenger, de Haaretz, le 3 juin 2011. Il ne parle rien moins que d’un redressement d’un “Israël démocratique” après la catastrophe…

«…The surge in support for Bibi in the polls after his return from the U.S. shows that many Israelis are buying into the story that Netanyahu is saving Israel. Nothing could be further from the truth. Never mind the European media, whether British, French or German, even U.S. mainstream commentators tell a very different story than Bibi’s spin doctors. Their analyses all boil down to one point: Netanyahu has made it clear that there is no use in the Palestinians returning to the negotiating table, because there is no one to talk to. And nobody buys Bibi’s line that the Palestinians are to be faulted for the breakdown of negotiations.

»Commentators around the world agree on the coming scenario: Palestinians will go for recognition by the UN General Assembly. They have the full support of the Arab League; they already have a two-thirds majority virtually assured. Netanyahu’s intransigence will make it that much easier for major European countries like France and Britain to support the Palestinian request.

»The script for the coming years, therefore, is clearly set out: Israel is bracing for a head-on collision with the rest of the world, and it won’t be a pretty sight. The Palestinians will use their newly won legitimacy to turn to international courts for legal help against Israel’s occupation. International opinion will support them, and we Israelis will pay the price legally, financially and with growing delegitimization. […]

»For us Israelis who want a democratic homeland for the Jews, this means that we need patience. We need to be aware that before our country wakes up, Israel might move even further to the right in reaction to UN recognition of Palestine. Meanwhile we have an important task: We need to nurture the pillars of Israel’s civil society – its legal system, its higher education, its professional associations, its culture and its art. The day will come when Israel comes to its senses. We will need to be ready for the Israel that will emerge after the catastrophe.»

• Il faut noter, pour ajouter une cerise de plus sur le gâteau, que l’école complotistes pro-sioniste (Raison garder) craint comme la peste l’appel à l’ONU à l’occasion de la proclamation d’un État palestinien. Dans cette logique, elle dénonce avec force, depuis des mois, l’intervention de l’ONU et de l’OTAN, et des Français comme des Anglais avec les autres mais un peu plus que les autres, contre la Libye de Kadhafi. L’attaque raisonne comme un fâcheux précédent et laisse entrevoir l’horreur des escadres otaniennes, françaises et sarkozystes en tête, allant policer le ciel nouvellement palestinien contre les hordes israéliennes. (Voir sur ce site Raison garder, l’article du 21 mars 2011 qui nous parle de ceci : «La Libye et la diplomatie de la contrainte armée»).

…Tout cela nous donne, évidemment, une situation extraordinairement confuse, où tout le monde joue plus ou moins à contre-emploi. Citons donc quelques situations, en commençant par l’extraordinaire division qui se fait jour en Israël, avec la mise en évidence d’une opposition extrêmement significative entre la bande Netanyahou-Barack et les dirigeants de l’appareil de sécurité nationale. (Même si Dagan est à la retraite, comme d’autres chefs militaires ou de services de sécurité, il est évident qu’il représente une opinion majoritaire dans l’appareil militaro-sécuritaire.) Dans un pays aussi militarisé qu’Israël, c’est une “première” intéressante, une fracture complètement hors des standards. Il faut noter que les “progressistes” (Haaretz) proclament ouvertement une opposition active à Netanyahou, avec Dagan comme chef de file, dans une situation qui ressemblerait à une insurrection au sein de l’establishment.

Les “autres” sont-ils plus à la fête ? Que dire des “Otaniens”, avec Sarko-Cameron en tête de file, qui guerroient en Libye au nom du droit international et risquent de se trouver devant l’alternative d’une attaque de cet Iran dénoncé comme le diable depuis 5 ans, et d’un État palestinien autoproclamé demandant du secours contre Israël à une “communauté internationale” qui soutient sa démarche ? Comment Sarko, l’homme hystérique de l’attaque contre l’Iran d’une part, l’homme de l’intervention pressée de la “communauté internationale” contre Kadhafi d’autre part, va-t-il expliquer cela à ses électeurs ? BHL lui suffira-t-il, pour qu’il comprenne, lui Sarko, qui, réellement, représente cet Israël qu’on ne peut pas ne pas soutenir, d’un Netanyahou ou d’un Dagan ?

“En face”, est-on plus à l’aise ? Pour le 22ème anniversaire de la prise du pouvoir par les ayatollahs, Ahmadinejad nous annonce que les USA et Israël vont s’effondrer sous peu. On veut le croira d’autant plus aisément qu’il rencontre notre conviction, et l’on se demande aussitôt où lui-même en sera puisque les parlementaires iraniens, qui ont voté dans ce sens, travaillent au développement d'une procédure de destitution contre lui, institutionnalisant l'approfondissement de son conflit avec la hiérarchie religieuse ; bref, le pouvoir iranien devient insaisissable. Au reste, Seymour Hersh, aux USA, nous dit que l’Iran ne développe pas d’armes nucléaires, – alors...

Les USA, tiens, où en sont-ils ? Il se confirme chaque jour qu’Obama est bien une “marionnette”, mais nullement de tel ou tel groupe, ni de tel ou tel complot. BHO est une “marionnette” des événements, et sans doute jamais tant de brio dans le chef d’une psychologie aussi sophistiquée n’aura servi autant d’insignifiance intellectuelle et d’inconséquence politique. Obama est l’accomplissement complet et presque sans parti pris du serviteur du Système, pour gesticuler avec une ardeur sans égale et ne rien produire, pour affirmer un zèle politique considérable servant à ne rien accomplir ni de marquant, ni de décisif en rien, – BHO, balançant soigneusement entre le zéro et l’infini où il s’abstient d’aller, en s’abstenant de ne rien inscrire entre les deux. Pour obtenir l’appui tacite de Washington par défaut, sinon par absence, la bande Netanyahou-Barack en est réduite à guetter le moment où il n’y aura plus personne aux commandes (un nouveau secrétaire à la défense avec l’esprit toujours à la CIA, un amiral sur le départ) pour manigancer son attaque. Dagan, l’homme du Mossad, se chargera de la dénonciation.

Tout cela, pour Israël, alors que la Syrie toute proche menace d’exploser sans le moindre égard pour l’équilibre de la région et que la Turquie soutient une nouvelle expédition d’une “flottille pour la paix” vers Gaza, que la marine israélienne a ordre d’arraisonner. Les USA, habiles à l’image de leur président, ont proposé à la Turquie d’accueillir une conférence de la paix Israël-Palestine, qui n’a aucune chance d’aboutir et dont personne ne veut, en échange de l’abandon de l’expédition de la flottille. C'est ce qu'ils nomment un “rôle central” de la Turquie dans les affaires du Moyen-Orient. Les Turcs sont proches des élections et ils affirment plus que jamais leur position au Moyen-Orient ; ils veulent d’abord des excuses des Israéliens pour l’attaque israélienne de la première “flottille” il y a un an. Evidemment, Netanyahou n'en veut pas entendre parler. Pendant ce temps et parce qu’ils sont mécontents de certaines promesses non tenues d’Assad, les Turcs cajolent l’opposition syrienne qui s’est réfugiée sur leur territoire, et qui prépare une éventuelle prise de pouvoir à Damas dont les Israéliens ne sauraient que faire ; il n’est pas nécessairement avantageux, aujourd’hui, pour Israël, de perdre un dictateur syrien en échange d’une inconnue pseudo démocratique dont il y a tout à parier qu’elle serait considérablement influencée par la Turquie...

…Est-il utile de poursuivre ? Est-il nécessaire de dévider la liste sans fin des crises ? …De parler de la chaîne crisique qui explose de partout, au Yemen où la guerre civile est proche d’éclater, à Bahreïn où les affrontements reprennent ? Même les plus ardents défenseurs des explications complexes des manigances complotistes des élites anglo-saxonnes, comme Anthony Wile, de Daily Bell, ce 4 juin 2011, reconnaissent que l’explication est si simple, – lorsqu’il nous annonce la chute du Yemen, avant celle du Bahreïn, avant celle de l’Arabie Saoudite, avant celle du dollar certes, – et tout cela, à cause de quoi ?

«Alternatively, the West seeks generalized chaos for some reason – or, more intriguingly, it has simply lost control of the situation. As we've stated before, Yemen is important because it may well indicate how much control the West actually has over the Arab Awakening. So far, what's been most apparent is dithering. The West hasn't shown a firm hand. There are reasons why. Yemen may be spinning out of Western control…»

…Est-il utile de poursuivre ? Est-il nécessaire de parler des crises générales, économiques, politiques, etc., qui alimentent chaos et désordre as usual ? L’essentiel à observer est qu’il n’existe plus aucune “ligne”, plus aucun regroupement sérieux, idéologique ou pas, plus aucun contrôle même sous la bannière de mots d'ordre grossiers. Tout se déroule dans le tourbillon du désordre qui se fait chaos par intermittences, où chacun tient à mettre sa marque dans la perte de contrôle générale.

Le puzzle “9/11 en septembre 2011”

La grande caractéristique de cette situation est qu’elle exprime sans aucun doute une vérité absolument fondamentale, qui est en train de changer les temps également fondamentaux que nous vivons, — et à quelle vitesse... Le désarroi et la confusion y prennent tous leurs aises et nul n’est plus capable d’avancer une prévision sérieuse. L’Histoire ne cesse plus d’accélérer, le temps crisique se contracte et semble faire éclater les positions diverses en autant de foyers de désordre où plus personne ne reconnaîtra les siens, encore moins ses alliés, ses complices, etc. Littéralement, la puissance et la rapidité du processus fragmentent la situation avant même qu’on ait pu en saisir les contours, réduisant à néant les capacités de synthèse des regards encombrés des schématismes du Système de nos dirigeants politiques. Cette impuissance à la moindre appréhension synthétique du phénomène, d’ailleurs retrouvés dans nombre de bureaucraties, est dévastatrice. Littéralement, ils ne voient plus rien parce qu’ils ont désappris à regarder, se contentant des automatismes passifs de perception de la projection de Disneyworld sur les parois de la caverne de Platon.

Que tout cela, le temps contracté et le désordre en expansion, forme un magma qui semble devoir se contracter lui-même dans cette date fatale de septembre 2011, où l’on commémorera si l’on y pense le 10ème anniversaire du non moins fatal 9/11, – le 10ème anniversaire de 9/11 en 2011, ou le nombre 10 contre le nombre 11, – voilà qui ferait penser à une proposition métahistorique du remplacement de la politique par la symbolique pure. Seul ce dernier point, – le remplacement de la politique par la symbolique, – paraîtrait effectivement comme un facteur d’ordre dans ce désordre sans fin, tant la politique générale des relations internationales s’est transformée en une bouillie pour les chats où les aveugles pataugent aux côtés des paranoïaques, selon les us et coutumes des services de la communications. L’ordre va-t-il venir de cette contraction formidable dans le désordre, qui serait alors décisivement transmuté en un “chaos créateur”, utilisant pour la retourner contre lui la recette préférée du Système ? La chose ne manquerait pas d’allure.

Contrairement à ce que pourrait être assez naturellement la première réaction devant tant de possibilités d’explosions diverses, nous recommanderions au contraire de voir dans cette situation d’une complexité en plein développement plus de promesses que de menaces. Le désordre étant général, la confusion complète, nous voilà dans une époque qui n’a plus aucun rapport avec celle, manichéenne, que nous connûmes à peu près de 2001 à 2007 ; notre époque se débarrasse de plus en plus vite de sa défroque d’idéologie terroriste qui interdisait à toute pensée convenable, non pervertie par le Système, de s’engager dans le dédale souvent contradictoire des détails fondamentaux des événements du monde, pour apprécier l’aspect fondamental caché de ces événements. Aussi habile qu’un buffle au galop, Obama continue à appliquer la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, selon les instructions du Système, mais cette politique ne cesse de perdre de sa substance jusqu’à sembler une outre complètement vide.

Le processus formidable de l’eschatologisation, à l’œuvre dans toute sa vitesse depuis 2010, a accompli des prodiges, jusqu’à détruire la structure même (déstructuration) de la pensée manichéenne qui caractérisait le galop de l’“empire” et/ou du bloc américaniste-occidentaliste (BAE) depuis 9/11. Devant cette perte des repères pour les simples, les serviteurs et les croyants du Système, plus personne ne peut dire où va nous mener tout ce désordre, y compris selon cette formule pourtant bien précisée de “9/11 en septembre 2011” : attaque de l’Iran ? Etat palestinien autoproclamé avec mêlée générale embrasant le Moyen-Orient et le reste ? Nous serions au contraire conduit à envisager que le complètement imprévu, l’absolument inattendu concluraient cette phase remarquable de la poursuite de l’effondrement du Système, – jusqu’à la possibilité que la montagne accouchasse d’une souris, – ce qui leur conviendrait parfaitement, en tournant en ridicule les agitations que les uns et les autres s’imaginent être tragiques, sans une seule idée acceptable de ce que c’est que le tragique en vérité. Ce qui importe, c’est cette transmutation du politique totalement vidé de toute substance en symbolique, avec toute la force de ce domaine pour agir sur les psychologies.

Il est évident que c’est tout le Système qui se trouve impliqué dans cette manœuvre titanesque du symbolique chassant la politique pour répondre aux vœux à peine secrets de la métahistoire. On est bien loin, très loin du “choc des civilisations”, des manigances du bloc américanistes-occidentalistes, de toutes ces descriptions poussives de leur narrative postmoderniste, marqué par des idéologies fort sommaires, réduisant la réflexion à un jeu de “cocher les cases non-oui”, – pour se voir emporté par un tourbillon de forces absolument supérieures à toutes les chicaneries humaines.

L’extraordinaire complexité et l’exceptionnelle confusion qu’on a décrites plus haut permettent d’abord, – et c’est bien une chose essentielle, – de nous débarrasser de quelques carcans terroristes qui maintiennent (maintenaient) en bonne place le diktat permanent du Système. Que devient la sainteté d’Israël dans la narrative courante de nos beaux esprits, face à cette nouvelle situation ? Il va devenir de plus en plus ardu, même pour un BHL, de nous faire accepter la cascade d’équivalences “critique d’une attaque contre l’Iran = critique d’Israël = antisémitisme = apologie de la Shoah”. Selon ce qu’on sait, Dagan, l’ancien patron du Mossad, qui ne cesse de répéter que Netanyahou est un voyou abruti, que son idée d’attaquer l’Iran est une folie absolue, – Dagan peut difficilement passer pour un tendre, un terroriste antisémite et “négationniste”. Ainsi, en même temps que les événements conduisent une prodigieuse accélération de l’Histoire sans que personne ne puisse interférer sérieusement sur eux, la narrative elle-même qui soutenait notre appréciation contrainte subit le même processus de déconstruction puis de déstructuration, rendant la psychologie peu à peu disponible à de nouvelles interprétations des événements. Ce travail de restauration de la perception est la condition sine qua non de tout changement essentiel.

Ainsi pouvons-nous désormais mieux apprécier ce prodigieux spectacle de la fin de notre contre-civilisation, au rythme des embardées du Système. Plus personne, dans aucune direction politique constituée, dans aucune bureaucratie responsable, ne semble capable d’exercer quelque contrôle que ce soit, par simple perte d’une perception synthétique du cadre où nous évoluons. Non seulement le Système s’effondre, mais nous, – ou plutôt “eux”, ne sont même plus capables de signaler une énorme voie d'eau de plus, au plus vulnérable de la coque de leur Titanic. Ainsi irons-nous donc jusqu’en septembre 2011, pour connaître un nouvel épisode de la déconstruction de la chose. Nous passerons tout notre été à nous y essayer, à ce point qu’avant même l’évènement, le puzzle “9/11 en septembre 2011”, l’essentiel de notre travail de termites du Système, volontaires ou involontaires c'est selon, sera accompli. Symboliquement, – mais qu’y a-t-il de plus fort, aujourd’hui, que le symbole, – “9/11 en septembre 2011” actera, pour son 10ème anniversaire, l’enterrement du 9/11 originel, et nous entamerons ainsi une nouvelle étape de notre Chute. Il est possible que ce soit le pas décisif, ou le dernier pas avant le pas décisif, – pourquoi pas et qui sait ? Patience et confiance...