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805Le très célèbre milliardaire US Warren Buffet, proche du non moins très célèbre milliardaire Bill Gates, fait une chronique (le 14 août 2011) dans le New York Times, se résumant à peu près à ceci : “Augmentez mes impôts, s’il vous plaît…” Il s’adresse au gouvernement, au Congrès, à Washington, pour leur demander de réviser leur politique commune qui consiste à ne pas taxer beaucoup les super-riches, et à taxer beaucoup plus les super-moins riches et les pauvres tout court.
CommonDream.org reprend AFP ce 15 août 2011, pour la présentation de la nouvelle.
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»The man known as the “Oracle of Omaha” said his federal tax rate was 17.4 percent last year, while some investment managers were taxed just 15 percent on income reaching into the billions. He then noted that the middle class is taxed up to 25 percent in its income bracket, along with “heavy” payroll taxes. In contrast, Buffett recalled “far higher” taxes rates for the rich in the 1980s and 1990s, and yet nearly 40 million jobs were added from 1980 to 2000. “You know what's happened since then: lower tax rates and far lower job creation,” he said. “People invest to make money, and potential taxes have never scared them off.”
»Americans are losing faith with Congress's ability to tackle the country's financial woes, Buffett warned, calling for “immediate, real and very substantial” action. […] “My friends and I have been coddled long enough by a billionaire-friendly Congress,” he added. “It's time for our government to get serious about shared sacrifice.”»
Les déclarations de Buffet ont eu un écho national extrêmement important, dans la mesure où elles interfèrent sur le débat fondamental en cours aux USA sur la question de l’inégalité des impôts, qui accentue l’inégalité sociale aux USA. Le 15 août 2011, Reuters donne d’autres précisions sur ce sujet. Reuters cite un autre “super-riche”, le président directeur général de Starbucks Corp Chief Executive, Howard Schultz, qui a parallèlement parlé dans le même sens. Reuters poursuit sur cette question de la position d’individus de cette catégorie “sociale“, dans la mesure où Buffet a écrit dans son articles qu’il parlait au nom de nombre de ses pairs.
«While there are plenty of “super-rich“ who have been outspoken on tax issues in past, like Carlyle Group co-founder David Rubenstein and Congressman Darrell Issa, only one of the country's notably wealthy people who was contacted by Reuters was immediately willing to respond to Buffett's call. “George Soros says he agrees and congratulates Warren Buffett,” his spokesman said. “The rich are hurting their own long term interests by their opposition to paying more taxes.”
»From the general taxpaying public, the reaction was almost instantaneous. “Warren Buffett” was one of the single most mentioned topics on Twitter as of Monday afternoon, as was the title of his op-ed piece, “Stop Coddling the Super-Rich.” Nearly 55,000 people voted in an MSNBC.com poll on his comments, and 95 percent agreed with him.
Reuters donne des indications beaucoup plus précises sur la situation fiscale de Buffet, avec des indices comparatifs très précis, dans sa propre société : «Buffett, chairman of the conglomerate Berkshire Hathaway, said his federal tax bill last year was $6,938,744, the equivalent of 64 shares of Berkshire Class A stock. “That sounds like a lot of money. But what I paid was only 17.4 percent of my taxable income – and that's actually a lower percentage than was paid by any of the other 20 people in our office. Their tax burdens ranged from 33 percent to 41 percent and averaged 36 percent,” he said.»
…Nous sommes absolument convaincus qu’il y a dans cette plaidoirie du type “Augmentez mes impôts, s’il vous plaît” la plus grande sincérité possible de la part de Warren Buffet. Et, ainsi, l’absurdité d’une situation où les psychologies sont emprisonnées par les pressions du Système est ainsi mieux mise en évidence.
Il y a en apparence dans la démarche de Buffet une démarche classique aux USA, de la part des grandes fortunes. L’époque la plus “classiques” de cette situation se situa entre les années 1880 et la Grande Dépression, quand s’établirent les grandes fortunes US, fondées sur des activités industrielles et de service extrêmement profitables (pétrole, sidérurgie, chemins de fer, banques, etc.), et très rapidement profitables à des individus à cause toujours de ces législations axées sur la préservation du profit individuel. Ces grandes fortunes suivirent ce qu’on pourrait désigner comme une “politique civique” consistant à consacrer une partie de leur fortune à un substitut de bien public sous la forme de donations massives, notamment pour l’établissement d’instituts, d’établissement d’enseignement, etc. Le but était d’assurer la formation de cadres de haut niveau pour le pays, notamment dans des domaines comme la diplomatie, la science, les affaires, etc. Une variante de cette attitude était celle de Henry Ford et de la dimension sociale du “fordisme” : avantages sociaux et hauts salaires pour les employés de Ford, de façon à assurer un pouvoir d’achat et des conditions de vie acceptables pour les classes moyennes, ou pour favoriser l’ascension des pauvres vers la classe moyenne.
Dans tous les cas, le but était clair, et la “générosité” nullement désintéressée. Il s’agissait de renforcer, de structurer, d’entretenir le cadre général de la “nation” américaine, c’est-à-dire, pour ces grandes fortunes, le cadre de l’américanisme, tout en restant dans le strict cadre du capitalisme. Cela n’enlève, évidemment, absolument rien à la critique qu’on peut et doit porter contre ce vaste mouvement qui supporte l’“idéal de puissance”, qui est le facteur déterminant de destruction de la civilisation. Par contre, il faut reconnaître dans cette attitude un sens de la cohérence, sinon de la cohésion, et un sens des responsabilités nationales et idéologiques. Tout cela a disparu aujourd’hui, dans le désordre qui s’est développé durant les trente dernières années.
Ainsi, la démarche de Buffet et de quelques autres “super-riches” est-elle très différente de la démarche classique. Il ne s’agit pas de renforcer une structure américaniste en plein effort, mais de tenter désespérément de sauver les derniers vestiges de cette structure. Buffet est un de ces “super-riches” qui comprennent que l’américanisme ne peut tenir qu’avec un “centre” d’un certain poids et d’un réel pouvoir. C’est moins une évidence économique que politique et structurelle, notamment pour assurer la cohésion du pays. Des finances puissantes sont une condition sine qua non de cette puissance, pour la cohésion de “centre” autant que pour la protection indirecte des classes moyennes et inférieures que cela suppose. La politique actuelle est en train de pulvériser le “centre”, avec son cortège de déstructuration et de dissolution des forces sociales qui s’ensuit, – c’est-à-dire une pulvérisation de l’américanisme, avec des conséquences probables et très rapides de fragmentation et de dissolution du pays. Contre cela, Buffet ne voit qu’un changement complet de la politique fiscale. C’est une réaction logique de responsabilité d’un “super-riche” qui est aussi, et logiquement, un pilier de l’américanisme ; mais c’est une réaction sans espoir.
Buffet a contre lui, non pas une idéologie construite et dont on peut débattre, mais bien une psychologie exacerbée qui s’exerce contre le “centre” sous toutes ses formes, et qui assure avec un zèle inconscient sa part dans la dynamique d'autodestruction du Système. Les idéologies extrémistes proliférant dans ce climat sont le contraire d’idéologies “construites et dont on peut débattre” ; elles sont de type nihiliste et elles ne cessent de s’exacerber à mesure ; tout argument de “sagesse” pro-américaniste, comme celui de Buffet, est destiné à être emporté par cette tempête. Dès que Buffet a fait paraître son texte dans le New York Times, il a été aussitôt l’objet d’attaques de ceux qui sont d’habitude de son côté, du côté des “super-riches”, comme dans cet article de Forbes du 15 août 2011. Inutile de s’attarder aux arguments de l’article, il s’agit simplement d’y voir une confirmation de la vanité de la tentative de Buffet face à l’emportement de la psychologie paroxystique qui règne aux USA.
Mis en ligne le 16 août 2011 à 09H15
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