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1178Comme on l’a vu à deux reprises, il y a aujourd’hui, à cause d’Israël, un problème entre les militaires US et Israël, c’est-à-dire entre les militaires et Obama également. On a vu (le 9 mars 20210) le cas où les militaires craindraient, voire refuseraient d’être entraînés dans un conflit avec l’Iran par des manigances d’Israël. On voit, aujourd’hui, les militaires qui s’opposent à Israël à cause de l’attitude d’Israël vis-à-vis des Palestiniens, et qui exercent de fortes pressions sur Obama.
Ces deux occurrences ne sont nullement incompatibles, bien qu’elles semblent impliquer deux positions radicalement différentes des relations entre Israël et Washington. Dans le premier cas, un accord apparent entre les deux pays puisque la crainte porte sur Washington suivant Israël contre l’Iran; dans le second, comme on le sait, Washington contre Israël. Mais certes, tout cela n’est qu’apparence, et les positions sont surtout celles de la manœuvre et de la défense des intérêts à tout prix. On peut très bien imaginer un Netanyahou lançant l’alarme contre l’Iran pour noyer la crise avec les USA à propos des Palestiniens, on peut même être sûr qu’il tentera de le faire; et l’on peut même imaginer, comme le rapportait Ray McGovern, cité dans notre texte du 9 mars, que les Israéliens soient d’autant plus inclinés à organiser des provocations factrices pour entraîner les USA dans un conflit contre l’Iran.
Ainsi, à la lumière de cette nouvelle crise (celle du voyage de Biden) se pose d’autant plus la question de l’attitude des militaires US, – notamment en cas de relance simultanée de la crise avec l’Iran…
@PAYANT Il est évident que les positions des militaires US jouent un rôle essentiel dans la crise que nous considérons, – qui n’est plus, alors l’actuelle seulement, celle des Palestiniens, mais l’actuelle additionnée d’une “crise de diversion” qui deviendrait fondamentale avec l’Iran, sur provocation israélienne. Ce qu’on peut dire avec la crise actuelle c’est qu’elle renforce le clan militaire, en rapprochant “objectivement” deux “clans” plutôt opposés, celui de la Navy et de l’amiral Mullen et celui de la paire Petraeus-McChrystal, tous les deux désormais exaspérés par Israël.
Il nous paraît évident que ce facteur de la position des militaires peut devenir essentiel en cas d’aggravation de la situation, notamment avec une “crise de diversion” avec l’Iran. Dans l’état actuel du pouvoir à Washington, dans l’état de délégitimation du pouvoir civil à Washington, dans le situation de fractionnement entre centres d’intérêt, etc., une réaction violente et structurée des militaires est tout à fait possible. Elle peut prendre la forme de décisions, ou de menaces de décisions qui s’apparenteraient, dans la situation actuelle, à des situations de “coup d’Etat constitutionnels” (pressions forçant le Président à certaines décisions, voire ébranlant le régime de l’intérieur sans qu’il y ait action directe ou usurpation).
Ici, on doit évoquer le précédent du Vietnam, que nous rappelions à nouveau, dans un texte du 5 novembre 2009. Nous écrivions:
«Mais surtout, comme le montre par exemple le livre Four Stars de Mark Perry, il faillit y avoir un véritable “coup d’Etat légal” du Joint Chiefs of Staff, mais le 25 août 1967, alors que la guerre était au paroxysme de son engagement; en fait, il se serait agi d’une démission collective des cinq généraux constituant le JCS (les chefs d’état-major des quatre armes – Army, Marine Corps, Navy, USAF – et le président du JCS), ouvrant une crise constitutionnelle gravissime entre les pouvoirs civil et militaire. (Le JCS recula au dernier moment.) La position du JCS nous semble avoir été à l’inverse dans ce cas de celle suggérée par Ellsberg: les généraux reprochaient aux civils (LBJ et McNamara) de contrôler absolument toute la stratégie, la guerre elle-même, de ne suivre aucun des avis du JCS. Le général Johnson (homonyme du président), chef d’état-major de l’U.S. Army, était même d’avis qu’il était préférable de se retirer du Vietnam plutôt que de poursuivre la guerre selon la stratégie utilisée, et il faillit démissionner (hors du cas collectif du JCS) pour cette raison. Cette tension générale était dévastatrice; une appréciation courante est qu'elle provoqua même la mort prématurée du président du JCS, le général Wheeler, d’un cancer accéléré par les conditions de travail et ses négligences de le traiter comme les médecins le lui demandaient pendant cette période.»
Il faut réaliser que nous sommes, aujourd’hui, dans une situation beaucoup plus fragile et beaucoup plus tendue, à Washington même, que celle où l’on se trouvait au temps du Vietnam. Toutes les institutions, et notamment la présidence, voient leur autorité dégradée. Tous les groupes de pression se renforcent. Les militaires ont un poids considérable, et ils deviendraient d’une puissance formidable s’il s’agissait d’intervenir contre une politique belliciste suscitée par Israël, selon le scénario très envisageable de la “crise de diversion” vers l’Iran en plus de l'actuelle, – d’autant plus envisageable si l’on tient compte de la psychologie, ou plutôt de la pathologie paranoïaque de Netanyahou. Dans de telles conditions, une “intervention constitutionnelle” des militaires paraît très possible et elle constituerait un formidable choc à l’intérieur du régime du système de l’américanisme.
Effectivement, en considérant l’actuelle crise Washington-Israël, il est impératif d’avoir la dimension iranienne à l’esprit, ce passage vers une “crise de diversion” avec l’Iran, qui deviendrait la crise principale. Et cela se ferait, occurrence remarquable, alors que les militaires se trouveraient dans une situation d’unité objective inattendue. (En cela, on peut juger que le caractère déséquilibré et excessif de Netanyahou lui a peut-être fait commettre une faute. En rajoutant le maximalisme anti-palestinien au maximalisme anti-iranien, il provoque un rapprochement entre le clan Mullen-Navy et le clan Petraeus-McChrystal. C’est d’une habileté douteuse.)
Ainsi se trouve-t-on dans une situation où existe la possibilité d’une crise majeure au sein même du régime à Washington. L’on voit mal comment Obama, s’il se trouvait dans une situation où la crise iranienne s’ajouterait à la crise palestinienne dans ses relations avec Israël, pourrait s’avérer capable de contenir la poussée des militaires. C’est là qu’on mesurerait combien son indécision et son goût du compromis auraient mis en place les conditions d’une crise interne majeure à Washington.
Aujourd’hui, Obama et Washington sont pris entre les diverses contradictions d’une politique extérieure mélangeant des politiques radicales, des alliances et des soumissions avec des groupes puissants dont les intérêts s’opposent, sur des questions pressantes qui sont toutes à potentialité explosive. Le système occidentaliste et américaniste, dans lequel on mettra aujourd’hui les militaires et leurs pressions grandissantes, et les Israéliens avec leurs exigences, se trouve dans des eaux dangereuses.
Mis en ligne le 16 mars 2010 à 06H55