Égypte, nouvelle phase de la même crise

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Égypte, nouvelle phase de la même crise

La situation égyptienne, que nous qualifions de “désordre immobile”, doit être suivie heure par heure pour seulement paraître être embrassée d’une façon à peu près cohérente par ceux qui la suivent ; on ne dit pas “comprise” car il n’y a pour l’instant rien de précis à comprendre. Cette situation est actuellement laissée aux forces primaires qui composent le pays, dont la puissance populaire, avec tous les relais de la communication, est la plus forte. Les acteurs sont connus et ne tiennent leur rôle que dans la mesure des capacités d’action que leur laisse la pression formidable de la puissance populaire.

La situation dans la nuit du 2 au 3 était donc celle d’une résistance de Morsi à l’ultimatum des militaires, tandis que la foule égyptienne continuait à “régner” dans la rue, imposant aux acteurs principaux la nécessité de faire évoluer la situation sans possibilité de la contrôler. Nous nous référons à Reuters, ce 3 juillet 2013, pour fixer un instant de l’évolution du tourbillon égyptien.

«In a defiant midnight television address responding to military demands that he share power with his opponents or see the army impose its own solution, Mursi warned that any deviation from the democratic order approved in a series of votes last year would lead Egypt down a dangerous path. He was speaking as vast crowds of protesters rallied in central Cairo and across the nation to demand the Muslim Brotherhood politician's resignation in a third night of mass demonstrations. His supporters also turned out in force, and three people were killed and 97 injured in clashes between Islamists and security forces at Cairo University.

»“The price of preserving legitimacy is my life,” Mursi said in an impassioned, repetitive, 45-minute ramble. “Legitimacy is the only guarantee to preserve the country.” In a warning aimed as much at his own militant supporters as at the army, he said: “We do not declare jihad (holy war) against each other. We only wage jihad on our enemies.” Urging Egyptians not to heed the siren calls of what he called remnants of the former authoritarian government, the “deep state” and the corrupt, he said: “Don't be fooled. Don't fall into the trap. Don't let them steal your revolution.” An opposition spokesman called Mursi's defiance “an open call for civil war.” Peaceful protests would go on, he said... [...]

»On Monday, army commander General Abdel Fattah al-Sisi gave Mursi 48 hours to reach an accommodation with his opponents. Otherwise, he said, the military would step in and implement its own road map for the country's future. A military spokesman said the armed forces would not comment on the president's statement until Wednesday afternoon. The deadline is set to expire at 5 p.m. (1500 GMT).

Les militaires ont retrouvé leur position de février 2011, avec à peine un peu moins d’ambiguïté dans une position de critique du pouvoir, puis d’exigences vis-à-vis de ce pouvoir, pour à nouveau tenter d'apparaître comme des soutiens de la puissance populaire en tentant de ne pas trop s’y compromettre. L’évolution de la situation et la résistance de Morsi à leurs exigences les contraignent à modifier leurs plans dans le sens d’une intervention plus active, tout cela avec des évolutions possibles et des adaptations nécessaires.

«Military sources told Reuters that, assuming the politicians fail to end a year of deadlock before the deadline, the generals have their own draft program ready to implement – although it could be fine-tuned in consultation with willing political parties.

»Under the road map, the military would install an interim council, composed mainly of civilians from different political groups and experienced technocrats, to run the country until an amended constitution was drafted within months. That would be followed by a new presidential election, but parliamentary polls would be delayed until strict conditions for selecting candidates were in force, the sources said. They would not say how the military intended to deal with Mursi if he refused to go quietly. Some of his Islamist supporters have vowed to defend what they see as the legitimate, democratic order, even if it means dying as martyrs. Some have a history of armed struggle against the state.»

Les interventions extérieures qui sont des interventions-Système se résument essentiellement aux pressions US. Comme d’habitude, les USA se trouvent dans la position de soutenir celui qui est l’objet d’une contestation difficilement tenable, et tentent de sauver ce qui peut l’être. Comme d’habitude, leurs interventions se font plus ou moins à ciel ouvert, avec une adresse et une habileté qu’on a assez de mal à identifier, exacerbant encore les conditions de tension pour la psychologie des acteurs principaux. Pour l’instant, ils soutiennent Morsi, comme ils soutinrent Moubarak jusqu’au moment de sa chute qu’ils prirent ensuite à leur compte ; contrairement aux interprétations qui tentent de rationnaliser la situation par la référence à la puissance manipulatrice, notre appréciation est que les USA en tant que principal représentant du Système ne font que suivre, aujourd’hui comme ils firent en février 2011. DEBKAFiles est une source acceptable, avec le sens des détails excitants pour l’attention, pour avoir un détail sans doute assez probable de ces agitations américanistes, dans des coulisses particulièrement transparentes et selon un scénario qui semble finalement, lui aussi, à peu près aussi “immobile” que le désordre... (Voir le 3 juillet 2013, qui reprend également des nouvelles de précédentes dépêches.)

«US President Barack Obama and Chief of US General Staff Gen. Martin Dempsey intervened in the Egyptian crisis early Tuesday, July 2, in an attempt to save the besieged President Mohamed Morsi and his Muslim Brotherhood. Obama called the Egyptian president and Gen. Dempsey phoned Chief of staff Gen. Sedki Sobhi, hoping to defuse the three-way crisis between the regime, the army and the protest movement before it gets out of hand.

»The crash of Morsi’s presidency would seriously undermine the objectives of the Arab Revolt pursued by the Obama administration as the arch-stone of his Middle East policy. The administration had earlier sought unsuccessfully to persuade the heads of the Egyptian army not to issue its 48-hour ultimatum to Egypt’s rulers “heed the will of the people” by Wednesday afternoon – or else the army would intervene. The Americans proposed instead to leave Morsi in place after stripping him of presidential authority and installing a transitional government to prepare the country for new elections to the presidency and parliament. DEBKAfile’s Middle East sources report that the army chiefs led by Defense Minister Gen. Abdel-Fattah el-Sissi rejected the American proposal.

»Obama promised to back steps taken by President Morsi to show he is “responsive to the opposition’s concerns,” while Gen. Dempsey asked Egyptian generals to moderate their stand against the Muslim Brotherhood. The underlying message was that if they failed to do so, Washington might reconsider its $1.3 billion annual military assistance package which is the main source of income for the armed forces.»

Nous reviendrons beaucoup plus en détails sur cette expression de “désordre immobile” que nous employons dans notre sous-titre et en début de texte, et ce que nous entendons par là. Bien sûr l’expression ne concerne pas que l’Égypte, mais bien l’infrastructure crisique en général qui caractérise la situation-Système des relations internationales. En Égypte, cette notion apparaît avec l’idée d’un redoublement de la situation de janvier-février 2011, qui semble être “rejouée” à peu près à l’identique, sur la partition nouvelle qui fut installée à partir du début février 2011 sur le fait acquis d’un effondrement de la structure régnante jusqu’alors (la structure Moubarak). L’idée est que cet effondrement déstructurant a installé un désordre qui n’a plus guère varié depuis, qui n’a été fixé en aucune façon. La chute de Moubarak, l’intervalle incertain, les divers rebondissements, l’élection de Morsi, le “choix” US de le soutenir, etc., tout cela n’a pas réussi à imposer de nouvelles structures. Le contenu des facteurs impliqués a évolué entre les bornes chronologiques depuis février 2011, plutôt vers l’aggravation bien entendu, mais sans réelle modification de ces facteurs.

Bien entendu, la “démocratisation” (pseudo-démocratisation) avec sa charge de narrative et d’illusion de communication, et qui ne peut être qu’insatisfaisante pour tous les acteurs selon leurs points de vue, n’a eu aucun effet stabilisant. Au contraire, la “démocratisation” reste une garantie paradoxale du maintien de ce “désordre immobile” qui apparaît pour ce qu’il est lors d’éruptions conjoncturelles qui peuvent avoir une puissance considérable où le facteur de l’insatisfaction populaire joue un rôle également considérable. L’aspect paradoxal de cette “démocratisation”, comme de l’expression de “désordre immobile”, est justifié par le fait que cette situation chronique de désordre est tout de même contenue dans des bornes, dans des espaces géographiques, dans une psychologie même du provisoire, aboutissant au paradoxe que le désordre qui est par définition mouvement ne change rien de fondamental et peut être justifié de recevoir le qualificatif d’“immobile”. Même une évolution dramatique de type “guerre civile” qui est envisagée pour le pire de la situation actuelle ne serait nullement assurée d’apporter des changements décisifs, et même au contraire (cela, à l’image de la situation syrienne qu’on estimait voir réglée en quelques semaines et qui dure depuis plus plus de deux ans). L’essentiel de la responsabilité de cette situation est évidemment à mettre à la charge du Système dans sa dynamique de surpuissance-autodestruction, qui maintient ses propres pressions (dans ce cas, celle des USA principalement) sans apporter aucun élément de structuration à cause de son propre affaiblissement, de ses propres crises (infrastructure crisique), de sa propre finalité déstructurante, et de son propre “désordre immobile” par conséquent.


Mis en ligne le 3 juillet 2013 à 05H52