Mister Gorbatchev, I presume?

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Mister Gorbatchev, I presume?

…Titre sollicité, au reste, car la rencontre d’Obama et de Gorbatchev, le 7 juillet à Moscou, n’était pas la première, – comme tendrait justement à le suggérer ce titre. A cette occasion, le 7 juillet, nous apprîmes, car nous avions raté l’occasion nous l’avouons avec confusion, qu’Obama avait déjà rencontré Gorbatchev, d’une façon impromptue, à la Maison-Blanche, en mars dernier. La rencontre eut lieu le 20 mars, Obama survenant au cours d’une autre rencontre entre son vice-président Joe Biden qui recevait Gorbatchev pour discuter des questions de désarmement nucléaire. La rencontre n’était pas prévue selon la version officielle, comme nous en informait une dépêche Xinhua.net du 23 mars 2009.

«The meeting was not on Obama's official daily schedule. As planned, Gorbachev was at the White House for meeting with U.S. Vice President Joe Biden. However, “the president tends to roam around the larger (White) House and sometimes walks into meetings that weren't previously on his schedule,” White House spokesman Robert Gibbs made simple explanation about the Obama-Gorbachev meeting which was not previously disclosed…»

Donc, ils se connaissaient. Obama a, le 7 juillet, parlé un quart d’heure avec Gorbatchev, semble-t-il, avant la conférence qu'il a donnée ce jour-là devant les étudiants de la Nouvelle Ecole Economique de Moscou. (Une photo AFP, notamment publiée par Radio Free-Europe prouve que Gorbatchev était parmi les auditeurs de cette conférence.) Le compte-rendu qu’en fait notamment l’agence Itar-Tass, le 7 juillet 2009, est assez classique mais laisse tout de même la porte ouverte aux spéculations. L’intérêt de l’intervention d’Itar-Tass est qu’elle laisse la parole à un représentant de Gorbatchev.

«Head of the international relations department of the Gorbachev Foundation Pavel Vashchenko told Itar-Tass earlier that it was Obama who proposed to hold a meeting with Gorbachev. Palashchenko recalled that their conversation in Moscow would not be the first – in March this year Gorbachev already had a meeting with the new American president at the White House. Then the former USSR president had a long conversation with US Vice President Joseph Biden, and Obama came to their negotiating room. “Then the Gorbachev-Obama meeting was brief, but interesting – they talked to each other and apparently were interested and said that it would be good to continue communication in the future, and Obama perhaps wanted to meet Gorbachev again in Moscow,” Palashchenko noted. “It is very interesting, of course, for Gorbachev to have a conversation with the American president,” he added.

»Mikhail Gorbachev in an earlier interview with Itar-Tass did not disclose issues he would like to discuss with Obama. “I will tell after the meeting,” he promised. The former USSR president also stressed that he has a “very positive” attitude to the American leader.»

D’autres spéculent plus hardiment à propos de cette rencontre. Ainsi en est-il de CanadaFreePress.com, le même 7 juillet 2009. L’agence semble estimer que la rencontre a une toute autre signification, semble spéculer sur les conditions de cette rencontre, s’interroge à propos de la première rencontre BHO-Gorbatchev de mars dernier et avance qu’en réalité Gorbatchev a été le “mentor” d’Obama à Moscou, qu’il est le “mentor” d’Obama pour le projet du président US de “remettre en route” les relations des USA avec la Russie. (Le texte cite ce qu’il estime être un autre “mentor” d’Obama, le sociologue “dissident” Saul Alinsky, et semble faire un parallèle avec Gorbatchev pour la Russie, pour le même Obama.)

«Did former Soviet leader Mikhail Gorbachev vet President Barack Obama’s address before Obama delivered it to graduates of the New Economic School in Moscow this morning? […] Obama came into the White House with a closetful of mentors, including Saul Alinsky. Is Gorby Obama’s official mentor for Obama’s Russia’s Reset Button?»

Cet ensemble d’indications, suffisamment imprécises pour entretenir le mystère, pourtant basées sur des faits réels et inhabituels (les deux rencontres Obama-Gorbatchev), alimentent évidemment ce qui est en train de devenir une sorte d’hypothèse mystérieuse. Elle est évidemment fondée sur l’image que nous employons nous-mêmes souvent, de BHO comme un éventuel “American Gorbatchev” (nous avons utilisé cette analogie pour la première fois le 19 avril 2008); elle n’est pas démentie par Gorbatchev lui-même, qui ne cache pas effectivement son intérêt pour Obama, ni son éventuel penchant pour que sa propre action puisse être inspiratrice de celle d’Obama, tout cela exprimé d’une façon très publique. On mesure évidemment l’intérêt politique de cette agitation, puisqu’on sait que Gorbatchev fut le liquidateur de l’URSS en tant que telle et du communisme, et qu’il recommande aux USA de faire leur propre perestroïka (nous préférons “le propre glasnost”), – c’est-à-dire de “se liquider” également, à leur façon? (Son article du 7 juin 2009 dans le Washington Post: «In recent years, however, during speaking tours in the United States before university audiences and business groups, I have often told listeners that I feel Americans need their own change – a perestroika, not like the one in my country, but an American perestroika…»)

Obama est un personnage suffisamment inhabituel dans la politique US pour effectivement nourrir des hypothèses sur ses intentions secrètes, certains de ses actes également dissimulés, etc. Il est évident qu’une sorte de “mystique Gorbatchev” est en train de se créer autour de lui, évidemment entretenue par les deux rencontres. Les deux protagonistes, – et Gorbatchev pas moins qu’Obama, sans aucun doute, – s’y entendent à maintenir un certain secret sur leurs relations, tout en laissant percer suffisamment d’indications pour entretenir les hypothèses à ce propos. Obama lui-même peut en jouer selon ses intérêts et ses ambitions politiques, comme il peut, effectivement, considérer qu’il y a une certaine corrélation entre ses ambitions et l’expérience de Gorbatchev.

Le cas est ouvert à la spéculation. Force est de reconnaître qu’une hypothèse au départ assez fortuite (“American Gorbatchev”) est en train de devenir un de ces “faits” qu’on pourrait qualifier de “parapolitique” ou éventuellement de “métapolitique” si l'on est plus ambitieux; il d'agit de tente de définir par des hypothèses parallèles à la politique, ou des hypothèses de “politique parallèle” appuyées sur une forte référence historique, un personnage, une époque, une hypothèse politique fondamentale, etc.


Mis en ligne le 10 juillet 2009 à 06H43