Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1264Nous présentons ci-dessous plusieurs extraits de journaux arabes de diverses origines et tendances (dans tous les cas, il s’agit de traductions de textes arabes). Ces textes, qui viennent de sources sérieuses, qui ont montré leur sérieux dans le passé, montrent ce qu’un des textes, – parlant des relations entre la Russie et les USA mais le jugement pourrait s’appliquer au reste, – pourrait désigner comme une “nouvelle atmosphère” («Arab diplomatic sources indicated that there is a “new atmosphere”»). (Bien entendu, nous parlons de la crise syrienne, et essentiellement dans sa dimension extérieure, la crise régionale autour de la crise syrienne.)
Il s’agit d’une évolution générale qui a la caractéristique significative, non pas d’affecter les relations entre la Syrie d’une part, et les pays extérieurs qui sont partie au conflit d’autre part, mais principalement les relations entrer les pays extérieurs au conflit entre eux (avec, dans certains cas, leurs relations avec la Syrie). Il s’agit donc effectivement de la crise syrienne nettement dans sa dimension extérieure, donc de la crise de toute la région.
D’une façon générale, comme le précise un des articles qui décrit l’évolution de la position saoudienne, un élément important semble avoir joué un rôle psychologique essentiel, précisément du au mot même employé publiquement par le ministre russe Lavrov, à l’intention de journalistes, lors d’un voyage en avion (“les pays du bloc BAO prient pour que la Russie et la Chine interdisent l’intervention par leur veto à l’ONU”, – voir le 25 décembre 2012) : «No one has any appetite for intervention. Behind the scenes, I have a feeling they are praying that Russia and China go on blocking intervention, as sanctioning it would mean they must act – and they are not ready…» La remarque à laquelle nous nous référons dit précisément cela, se référant implicitement au sérieux et à la compétence qui sont attribués au ministre des affaires étrangères russe qui domine incontestablement de sa stature la scène diplomatique de la crise syrienne et de la région, et par conséquent en tirant une conclusion très précise sur l’emploi volontaire et appuyé par lui du mot très imagé “prier” :
«…The statement of the Russian Foreign Minister, Sergey Lavrov, who announced that the West is praying for Russia and China to keep vetoing any decision for a western intervention in Syria. Saudi Arabia realized that Lavrov wouldn’t have said that if he wasn’t sure of the western inability to carry out a military intervention in Syria and thus, the western insistence on reaching a political rather than a military settlement.»
• Il y a donc, dans les pays arabes de ce qui était le “front” (anti-syrien), dans certains d’entre eux certainement, la perception d’une évolution importante dans les relations entre les USA et la Russie, et particulièrement du chef des USA depuis la réélection d’Obama… (Et, ajouterions-nous, depuis le départ annoncé de Hillary Clinton et son remplacement par John Kerry, dont une des sources précise qu’il eut des liens d’amitié avec Assad, et qu’il conserverait un certain penchant et l’appréciation qui va avec à cet égard ; et, depuis la nomination de Chuck Hagel au Pentagone, bien sûr.) Cet aspect est traité, le 8 janvier 2013, par le journal saoudien basé à Londres, Asharq al-Awsat. (Les sources citées sont identifiées comme venant de l’entourage de l’envoyé spécial de l’ONU Brahimi.) Il implique effectivement un “tournant” dans le chef de la perception psychologique des USA, qui est d’abandonner la conviction, ou plutôt la construction de type-narrative de l’équipe du département d’État de Clinton, partagée par les vaticinations du bloc BAO de la période des “Amis de la Syrie” (France, UK), selon laquelle la Russie se trouvait en position de faiblesse et d’isolement et finirait par rejoindre le bloc, agissant pour le compte du bloc dans le but d’éliminer Assad… Cette narrative est aujourd’hui au rayon des accessoires usagés, révélant son aspect complètement faussaire.
«The sources that “accompanied” the talks of the international envoy in Cairo and Moscow said that the bases of the two sides are “different” but that they do agree on the need to “cooperate” in order to manage the Syrian file. These sources that spoke to Asharq al-Awsat said that the two sides reached the conviction that “neither the opposition is able to overthrow President Al-Assad, nor the latter is able to terminate the opposition on the military level.” This means that the battles will proceed indefinitely, which will cause an expansion of the list of victims and destruction.
»“Until recently, the West was the one working on pushing Moscow to let go of Al-Assad regime to no avail. However, “Moscow had no real reason to respond to those who were asking it to help them by pressuring Al-Assad to abdicate power.” The sources wondered: “Why should Moscow support the West and help it to leave the corner that it trapped itself into?” They added: “As long as the Al-Assad regime is standing on its feet, Moscow will not respond to the west’s demands.”
»“Moreover, the Russian side started “playing” on the American fear concerning the strengthening of the radical movements in Syria and their obtaining advanced weapons that could later on be used against the western interests or their allies in the region. Moscow believes that it reiterated warnings of a “massive chaos” in the event of the Al-Assad’s fall and the strengthening of the radical movements have started to yield their results…»
• Le fait que ce soit un journal appartenant à la direction saoudienne qui développe cette appréciation, rend plus crédible les développements intéressants que présente (le 8 janvier 2013) Al Safir, le journal libanais indépendant de gauche, concernant les “relations”, – puisqu’il s’avère qu’il y en a, ce qui est l’essentiel de la nouvelle, – entre l’Arabie et la Syrie. Al Safir rapporte une remarque d’un rapport de sources diplomatiques arabes, qui rappelle qu’Assad n’a pas mentionné l’Arabie Saoudite dans son discours de dimanche à Damas, bien qu’il ait parlé des pays qui soutiennent les rebelles. Le même rapport établit un lien entre cette absence de mention de l’Arabie, qui ne peut être fortuite, et la prise de position commune des ministres des affaires étrangères saoudien et égyptien, appelant à une “solution politique” de la crise syrienne. Le même rapport cité par Al Safir rapporte que les liens (“canaux de communication”) entre la Syrie et l’Arabie n’ont jamais été interrompus, mais également ceux entre la Syrie et l’Égypte, – jusqu’à la précision intéressante selon laquelle une délégation des services de renseignement égyptiens s’est récemment rendue à Damas pour une réunion de travail avec les services correspondants syriens. Mais surtout, l’article d’Al Safir insiste sur le rétablissement récent des communications entre la Syrie et l’Arabie au niveau des questions de sécurité… Où l’on voit, par le détail de cette affaire, que la Jordanie est également impliquée, comme pays-hôte (et participant par la force des choses) aux contacts entre Arabie et Syrie.
«The diplomatic source added: “the reason why the Saudi leadership decided to re-open the channels of communication with the Syrian leadership on the security level is because the Saudis felt that their bet on the fall of the Syrian regime has failed. Therefore, they are afraid that the radical groups that they funded and armed in order to topple Al-Assad and his regime will be turning against the internal Saudi arena especially following the explosion that occurred near the interior ministry in the Saudi capital; in addition to the emergence of a group of states within the GCC led by the UAE that openly declared a quasi-war against the Muslim Brothers all the way to chasing after their cells. One must also note the positive position of the Sultanate of Oman in addition to the evolving of the Kuwaiti position, which does not approve of some Syrian radical groups to be on top of the Syrian opposition.” “The source further said: “All that pushed Al-Riyadh to re-communicate with Damascus under the supervision of the son of the Saudi Monarch, Prince Abdul Aziz Ben Abdullah. Some Saudi security officials were appointed to carry out this mission.” He added that the meetings are taking place in Jordan along the attendance of the Jordanian intelligence services.
»The source indicated that, during those meetings, the Syrian side informed the Saudi side that the Syrian leadership does not accept to talk about any settlement with Saudi Arabia or anyone else before halting the funding and armament of the radicals and before pulling them out from all the Syrian lands “because the Syrian state insists on terminating all the terrorist Salafist cells and several Arab counties that did not sever their secret communication with the Syrian leadership sympathize with this Syrian stand.”
»The same source also alluded to the security and political role played by Jordan whereby the Jordanian leadership was even clear about its siding with what the Syrian leadership had been doing lately in light of the increasing fears that the fall of the Syrian regime will lead to the progress of the MB project in Jordan under the support of some Gulf circles (namely Qatar) and the ensuing threat that this may pose to the Hashemite throne.»
• Ce dernier point mentionné, concernant les craintes de la Jordanie à propos de la montée des Frères Musulmans, place ce pays (la Jordanie) en position directe de confrontation avec le Qatar, et soutenu dans cette confrontation par l’Arabie dont les différences d’intérêt et de perception avec le Qatar ne cessent de s’approfondir. Dans les précisions données dans un article du journal palestinien Al-Quds al-Arabi du 2 janvier 2013, on retrouve effectivement nombre des contradictions et des antagonismes de plus en plus perceptibles, qui deviennent perceptibles à cause de l’évolution de la crise syrienne qui ne fournit plus du tout le ciment qui, jusqu’alors, tenait plus ou moins unis, plus ou moins d’apparence et plutôt plus que moins, la mosaïque arabe réunie dans “les Amis de la Syrie”. Le journal détaille ses informations et ses appréciations à partir de la circonstance d’une rencontre en marge d’un séminaire à Doha entre l’Émir qatari et le président du sénat jordanien, avec un “message” qatari à destination de la Jordanie, particulièrement brutal, d’avoir à s’aligner sur le Qatar si la Jordanie voulait recevoir une aide économique («…the quick discussion that took place between Qatari Amir Shaykh Hamad Bin-Khalifah and Jordanian Speaker of the Senate Tahir al-Masri on the sidelines of the latter's participation in the large intellectual seminar hosted recently in Doha»)… L’on notera, dans la citation ci-dessous, qu’on retrouve un antagonisme entre le Qatar et la Jordanie, mais aussi indirectement l’antagonisme entre le Qatar et l’Arabie d’une part, l’évocation de l’alignement de la Turquie sur le Qatar d’autre part, qui conduit également à des tensions correspondantes pour les pays arabes qui prennent leurs distances du Qatar.
«The “annoyed” messages from the Amir of Qatar about the Jordanians moving in the orbit of Saudi Arabia only, and without real Saudi solidarity with the requirements of the Jordanian economic crisis were not the only expression of what the observers describe as a silent divorce between Amman and Doha. Some of the closed royal meetings witnessed lately in Amman included clear “criticism” of the Qatari and Turkish performance in the region; some of these meetings even included sensational opinions about Jordan's rejection of the policy of Sunni and sectarian "entrenchment" supported by Qatar. Within this context, of course it is no secret that Amman does not show any sympathy of any kind towards, or even any cooperation with the Qatari-Turkish project related to the Syrian dossier, whether politically or in the field. Also it is no secret that the Jordanian Government implicitly accuses the Qataris of letting it down with regard to the promises to cover the expenses of hundreds of thousands of Syrian refugees, to whom the doors of Jordan had been opened, and who today have become a proof of a multi-faceted crisis in Jordan…»
… L’“Orient compliqué”, certes, mais encore bien plus que cela. On peut considérer que l’élément “nouvelle atmosphère” évoqué par les relations USA-Russie embrasse également tout l’“extérieur proche” de la crise syrienne. On pourrait observer également que ces agitations, au contraire de l’époque précédente (avant le “printemps arabe”) où tout semblait calibré selon les influences extérieures prépondérantes, celle des USA en premier, sont aujourd’hui d’un poids bien plus grand, presque autonome et prépondérant.
Cela correspond au “retrait” US qui est de plus en plus effectivement acté, qui est sans aucun doute d’une force psychologique irrésistible, et en train de se structurer en une forme politique d’acquiescement au diktat des événements. Cette forme est d’abord celle de la nouvelle “équipe” de sécurité nationale, qui devrait être marquée par la prudence, l’attentisme, une certaine modération due, comme le disait Lavrov, par l’“absence d’appétit” (pour l’intervention militaire certes, sans aucun doute, mais aussi pour l’implication diplomatique trop exigeante) ; processus de retrait, bel et bien, imposé par les événements, une fois quitte des hystéries diverses de l’équipe précédente (autour d’Hillary). La conséquence est effectivement le poids accru des acteurs de l’“extérieur proche”, que la mobilisation anti-Assad en pleine décroissance ne contraint plus à des attitudes rigides.
Ainsi entrons-nous dans une période nouvelle véritable pour cette circonstance de la crise régionale liée à la crise syrienne, avec incubation du “printemps arabe”, où le fait remarquable est bien que même les pays farouchement opposés au “printemps” chez eux (l’Arabie notamment), agissent désormais en fonction des normes de ce “printemps”. Les diverses oppositions réapparaissent, et les conséquences des engagements précipités et irréfléchis de certains (cas de la Turquie, qui trouve désormais contre elle les nombreux pays arabes qui commencent à se lasser des prétentions autoritaires du Qatar, et qui le montrent). La conclusion à ce point ne concerne pas principalement l’évolution de la composition de l’“Orient compliqué”, ni même l’évolution de la crise syrienne dans le sens qu’on voit, mais bien le constat, pour nous la confirmation, que le “printemps arabe” est beaucoup moins, si pas du tout, un de ces grandioses mouvements idéologique qu’affectionne la rêverie utopique et invertie du parti des salonards du bloc BAO (“la démocratie type bloc BAO partout !”). D’une façon complètement différente, il constitue une formidable dynamique de déstructuration-dissolution de l’ordre ancien avec comme première condition et comme première conséquence la réduction accélérée de la position et de l’influence de l’architecte extérieur principal de cet ordre, – les USA, certes. Le “printemps arabe” n’est pas une chaîne crisique” constructive selon les normes du Système ((“la démocratie type bloc BAO partout !”) ; il est une chaîne crisique pulvérisant la structure ancienne imposée par le Système.
Mis en ligne le 10 janvier 2013 à 06H58