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950En effet, alors qu’on ne cesse de constater les limitations de la puissance militaire US qui constitue le moyen principal du système hégémonique des USA, comme c’est le cas en Syrie, la scène washingtonienne est affreusement, inéluctablement égale à elle-même. La question de la “séquestration”, avec réduction automatique du budget du Pentagone à partir de décembre 2012, crise déjà ouverte depuis huit mois, n’est toujours pas résolue. Elle panique désormais ouvertement les grands chefs de l’industrie d’armement US, comme on a pu l’entendre avec l’audition du CEO de Lockheed Martin, auditionné au Congrès le 24 mars. (Voir Ares, d’Aviation Week & Space Technology, le 16 mars 2012)
«Robert J. Stevens, the CEO of Lockheed Martin, went to Capitol Hill on March 14 with a message for lawmakers: You’re making my life hell. At issue are automatic cuts to U.S. defense spending scheduled to take effect next January. If Congress and the Obama administration cannot reach a budget compromise by then, military budgets will be hit with a $53 billion cut in 2013 and another $450 billion in reductions during the next nine years.
»The problem is that the Pentagon’s fiscal 2013 budget plan ignores this looming “sequestration” as if it were a bad dream. As a result, contractors have no way of knowing what will be cut. “What lines of business will be impacted?” Stevens asked the Senate Aerospace Caucus. “What sites will be disrupted? I can’t remotely predict the consequences of a bow wave of $53 billion that’s about to impact the industry.”
»Indeed, the sudden termination of contracts could trigger financial penalties that might end up costing the government more money next year than it saves. “There will be thousands of claims for equitable adjustments from small businesses that I don¹t believe anybody has included in any calculus,” warns Stevens…»
Comme l’on comprend bien, ce n’est pas la banqueroute qui menace, mais le désordre, avec les blocages et les interférences antagonistes que cela implique dans un processus de production et d’acquisition d’ores et déjà plongé dans un désordre indescriptible… («If the automatic cuts take effect “it will be hugely disruptive,” says Steven Grundman, a fellow at the nonpartisan Atlantic Council who was a Pentagon procurement official during the Clinton administration. “The reason is not because it takes defense spending down to a level that¹s intolerable. It’s the rate at which the money has to come out.”»)
Les optimistes, ceux qui s’estiment chargés de défendre coûte que coûte le Système et ses vertus assurent que l’on trouvera une solution parce qu’il est impensable qu’un Système si vertueux ne trouve pas une solution. Notamment, dit-on, les républicains et le président Obama, qui s’opposent sur la méthode pour parvenir à une solution, finiront, touchés par la grâce, par trouver un arrangement. En période électorale des présidentielles, et surtout avec un processus plongé lui-même dans un désordre considérable, la grâce est pourtant une denrée fort rare. Les optimistes insistent en observant qu’après les élections du 7 novembre et la date limite du 31 décembre 2012 pour trouver un accord empêchant la “séquestration”, il y a quelques semaines, où le pouvoir sera en mode “lame duck” (littéralement “canard boiteux”, se dit des périodes d’intermèdes où règne encore un pouvoir en fin de mandat, alors que le nouveau pouvoir élu n’est pas encore en activité) ; paradoxalement, les optimistes voient dans cette situation de non-pouvoir, où les antagonismes seraient momentanément éteints, une occasion d’entente ; les pessimistes, qui sont en général “des optimistes bien informés”, en doutent, et pour des raisons concrètes et argumentées… D’où la dernière note du commentaire, effectivement pessimiste, tendance-bordel washingtonien : «But would Republicans really drop their long-standing opposition to tax increases? And could a grand bargain be struck quickly? “I”ve counted the number of days in the lame duck,” says Aerospace Industries Association President Marion Blakey. “And boy, to accomplish everything that some folks are hoping would be an absolute impossibility.”».
Dans tout cela, on voit sans surprise se confirmer que le caractère principal de la crise terminale du système de l’américanisme est effectivement le désordre et l’insaisissabilité des choses pour reprendre le contrôle de la situation, cette situation fût-elle dramatique. L’on voit également que ce désordre se situe aux deux extrémités de la chaîne, l’extrémité de la production de puissance (le désordre créé par la répartition non programmée et improvisée des budgets restant disponibles dans l’industrie d’armement) et l’autre extrémité de la prise de décision du pouvoir politique, ou de l’impuissance à prendre une décision pour éviter la “séquestration”. (Au milieu, on ajoutera le désordre de la bureaucratie du Pentagone, qui n’aiument pas les “mauvais rêves” et refuse d’organiser la situation en cas de malheur : «[The Pentagon] ignores this looming “sequestration” as if it were a bad dream.») Il s’agit d’une façon générale du processus de dissolution du pouvoir, la pire de toutes les situations, où les éléments de la puissance restent disponibles mais ne peuvent plus être rassemblés et organisés d’une manière efficace, et sont figés eux-mêmes dans un désordre paradoxalement paralysé, éparpillés effectivement dans la dissolution de toutes les structures, et la situation de crise étant ainsi fixée dans une posture entropique. Il faut donc s’attendre à ce que la mauvaise surprise constatée à propos des limitations décisives de la puissance militaire en Syrie se retrouve dans d’autres domaines, sur d’autres fronts, rendant structurelle cette limitation et sonnant le glas de la domination militaire des USA.
Mis en ligne le 20 mars 2012 à 05H56
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