«The harder they fall…»

Bloc-Notes

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 1371

«The harder they fall…»

Le bord de la “falaise fiscale” reculée de quelques centimètres, pas plus… Personne n’y croit une seconde. Le Système réagit comme une machine ivre et titubante, calculant au plus juste la mesure minimale empêchant très temporairement un effondrement qui n’est d’ailleurs même pas fondamental à côté des réelles menaces qui pèsent sur lui, et un effondrement institué par ses propres lois, édictées il y a peu. La “falaise fiscale”, qualifiée en Europe de “mur” plutôt que de “falaise” (sans doute pour ne pas laisser croire cette chose monstrueuse que les USA pourraient disparaître dans un trou), a été avancée sur son bord de quelques centimètres, ou quelques mois si l’on veut, pour éviter une chute dont maints spécialistes vous disent par ailleurs qu’elle n’est qu’un paravent pour cacher d’autres effondrements bien plus pressants et bien plus décisifs. Quoi qu’il en soit, on a pu voir au moins quelque chose de vrai : le monde washingtonien en action pour écarter les problèmes et nullement les résoudre, et d’ailleurs pour résoudre quoi puisque ces problèmes eux-mêmes sont unanimement désignés comme des couvertures pour les vrais problèmes et ainsi de suite.

Ainsi disaient les experts de Russia Today le 1er janvier 2013, sans même se référer aux résultats précis des négociations de Washington…

«“This is the year we see banksters in jail,” Max Keiser has told the first broadcast team in Moscow. The host of RT’s ‘Max Keiser Show,’ speaking from London, added that ordinary people will continue to suffer in 2013 from government-imposed and bank-sponsored bailouts throughout the world. Max also promised “50 shades of fun” for his special someone on the first night of the New Year. “The fiscal cliff is just more theater from bankers and politicians trying to distract people from the underlying root catastrophe that is a bunch of whackers and bankers who are manipulating the system day in and day out destroying the economy,” Keiser said of the US economy. He predicted more of the same in 2013: “Anything to deflect attention from the mob with their pitchforks and their tortures, who are coming after these people. They just want to delay this day of reckoning for as many months as they can.”»

L’un des commentaires du Washington Times du 31 décembre 2012, peu avant que le “compromis”, ou “accord de la falaise”, ou ce que vous voudrez et que le texte qualifie plutôt de “football politique”, ait été voté, donne la tonalité générale. («Congress to punt political football again rather than tackle problem.») Tonalité désenchantée, fataliste, sans la moindre perspective de la moindre espérance d’amélioration des choses…

« Washington on Monday was poised to do what it does best: invent a half-solution to a full problem while punting the toughest questions for later and setting up more deadline drama. It's the latest in a string of deals over the past two years that couples small movement on spending with an agreement to revisit the issue soon, which is what led to the "fiscal cliff" in the first place.

»The deal lawmakers were trying to finalize Monday night would do the same thing. It would cancel some of the looming automatic spending cuts from the last debt deal, but for only two months, which sets up another fight several months down the road — just as the next debt-ceiling fight kicks in.»

L’imbroglio est complet et nous désespérons de jamais trouver le courage de tenter de comprendre l’extraordinaire labyrinthe que le Système est en train de développer pour délayer l’énorme et insoluble problème fiscal en une multitude de mini-“énormes et insolubles problèmes fiscaux”, qui deviendront, chacun leur tour, aussi énormes et insolubles que le problème initial. La course de sprint au précipice est devenue une course d’obstacles où l’on tourne en rond en s’invectivant et en s’insultant pour détourner l’esprit de l’échéance, – laquelle se signalera nécessairement, un jour ou l’autre à notre attention, – et là, comme ce sera le plus loin possible, “the harder they fall”, pour reprendre le titre d’un film fameux, lequel ne faisait que reprendre le dicton également fameux ‘plus dure sera la chute”. (Ce que traduit un parlementaire de la Chambre de cette façon : “Il s’agissait de l'ascension d’une falaise fiscale, maintenant il s’agit d’un long voyage sur des montagnes fiscales”.)

Encore un essai pour comprendre ? Essayons The Independent, relayant un article du Washington Post, ce qui montre qu’on s’entend bien entre compères de la presse-Système, même de tendances un peu différentes. Cette fois, pourtant, on reconnaîtra que cette même presse-Système montre un certain désenchantement, voire un certain écoeurement devant ce spectacle…. Dans The Independent, donc, ce 1er janvier 2013.

«The “fiscal cliff” was designed by Washington for Washington — it was intended to set up a scenario so severe that the president and Congress would, at last, have to take on the nation's major tax and spending problems. Instead, lawmakers again found a way to sidestep many of the prickliest issues and in the process set up other, potentially more severe, showdowns in the new year.

»Senate leaders reached a deal with the White House late Monday that would spare the middle class from an income tax increase, extending tax breaks first enacted under President George W. Bush for individuals making less than $400,000 and couples making less than $450,000. It would also delay for two months the deep automatic spending cuts that were set to hit the military and domestic programs Wednesday. Assuming the deal is approved, it will nevertheless give way to a nearly continuous series of fights that will consume the first part of the year, even as President Barack Obama might hope to shift Congress's attention to immigration reform and gun control.

»"It's become less like a fiscal cliffhanger and more like a journey over the fiscal mountains,” said Rep. Jeff Fortenberry, R-Neb.

»The next big deadline is likely to come around the end of February, when the Treasury Department will exhaust the measures now in place to extend the nation's $16.4 trillion debt ceiling. At that point, the government will not be able to pay its bills unless Congress votes to raise the nation's legal borrowing limit. Republicans hope to use that moment to force Obama and congressional Democrats to agree to major spending cuts in return for the increase — in what could be a sequel to the contentious face-off over the debt limit in the summer of 2011.

»Provided Monday's deal is approved, in early March would come another deadline: the $110 billion cut in spending, half from the Pentagon, delayed as part of this deal. A month or so later — on March 27 — a short-term measure that funds government agencies will lapse. Without a renewal, the government will shut down, setting up another possible showdown. “Round two's coming,” said Sen. Lindsey Graham, R-S.C. “And we're going to have one hell of a contest about the direction and the vision of this country.”»

Le spectacle est sans surprise. On dira que ce constat est après coup, et qu’on ne l’a pas fait avant, ce qui est paradoxal ou bien signe d’une paresse de l’esprit et d’un manque d’audace de jugement : l’absence de surprise, finalement, comme une “surprise” puisque l’on se trouvait surtout devant l’alternative entre blocage irrésolu précipitant la chute du bord de la “falaise fiscale”, ou l’accord évitant cette chute d’une façon constructive avec les solutions apportée à tous les problèmes posés. Il n’y a rien eu de tout cela, mais la voie moyenne qui est la voie du refus, de l’aveuglement, de l’arrangement à très court terme et ainsi de suite.

On dira : quelle importance puisque la “falaise fiscale” est du bidon, puisque camouflant d’autres problèmes beaucoup plus graves, amusant la galerie («The fiscal cliff is just more theater from bankers and politicians trying to distract people from the underlying root catastrophe…») ? La réponse est simple : parce qu’il y a la psychologie… Et là, nous parlons autant, sinon plus, du Système et de son personnel de direction. Même s’ils savent tous confusément qu’il s’agit d’un “théâtre”, reste que chacun doit se prendre au jeu, parce qu’il y va de son statut, de son parti, de sa position, et puis parce que, finalement, la tension existe et monte, et elle crée un enjeu à l’intérieur du Système, qu’il s’agit de relever. Le système de la communication met en scène ce théâtre, et il s’y entend pour les effets, les “cascades”, les dramatisations ; et, finalement, le montage-bidon, le “théâtre”, par ces processus de tension et de dramatisation, finit par refléter la réalité de la profondeur de la crise qu’il était censé dissimuler. Le Système, grâce au système de la communication, n’en finit pas d’appliquer cette étrange tactique de dissimulation de type-boomerang.

La suite de la pièce dans quelques semaines, avec plusieurs actes à répétition. Chaque fois un nouveau montage cousu de fil rouge, un nouveau “théâtre” classique, mais chaque fois une vraie tension, à nouveau la profondeur de la crise véritable entr’aperçue, sinon découverte complètement. Un jour il y aura un faux-pas, ou bien, plus simplement, les petits sapiens-Système ne tiendront plus le rythme. Et alors, comme disait Bogart, le dur au cœur d’or, “The harder they fall…


Mis en ligne le 2 janvier 2012 à 09H05