The system is broken”, version Harlan K. Ullman

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The system is broken”, version Harlan K. Ullman

Il y a un peu moins d’un an, nous nous étions attachés avec le plus grand intérêt à un texte de Harlan K. Ullman, le 29 mai 2009, au point de lui emprunter une expression que nous avons depuis souvent utilisée, qui représentait alors, selon lui, ce qu’avait été le gouvernement de GW Bush : “le gouvernement de l’idéologie et de l’instinct”. Ullman opposait ce gouvernement à un éventuel “gouvernement de la raison” qu’aurait voulu instituer Barack Obama. Déjà, en mai 2009, il n’était pas très optimiste. Qu’en pense-t-il dix mois plus tard? Le pire possible.

Dans une chronique pour UPI, reprise par Spacewar.com le 17 mars 2010, Ullman fait une rapide analyse de la situation du gouvernement US. Il compare implicitement la gravité du moment actuel de l’histoire des USA à trois autres moments clé de cette histoire: 1776 (la déclaration d’indépendance), 1861 (la Guerre de Sécession), 1942 (l’entrée en guerre des USA face au Japon et à l’Allemagne), – trois moments clé avec les hommes d’Etat que réclamait le destin pour les affronter (les Founding Fathers avec Jefferson, Lincoln, F. D. Roosevelt). Aujourd'hui, rien, vraiment rien n’incite à l’optimisme.

«Today, those who believe the U.S. government is broken or dysfunctional are correct. Yes, debt and deficits will lead to a disaster unless checked. Healthcare must be fixed or repaired to assure both physical and national financial well-being. And if the United States doesn't get Pakistan right, success in Afghanistan will be illusive, if not impossible.

»But the forcing question is whether the country is serious in taking on each or some of the above as our predecessors were in 1776, 1861 and 1942. On that the jury is out and may not convene in our lifetime. Is there anything that can be done to avert disaster?

»First, while it is politically correct to call for bipartisanship and non-partisanship, on tough issues with profoundly different and opposite ideological views, neither will follow. The gaps are too wide. For example, to some, the free market is meant to be free. To others, markets require regulation. Congress cannot decide on how to make a Solomonian division of that baby.

»Second, in the absence of real non-partisanship, it would be useful to focus on what is really the serious center of gravity for each of these tough problems. For example, in healthcare, the health of the American public is the largest factor from which solutions can follow. Yet, by most measures, the national health is poor given the huge percentages of obesity, preventable diseases and other controllable factors. We know and talk about this perhaps heaviest drain on the health system. If the United States were serious, it would do something about it.

»Similarly, in terms of the wars the country is fighting, it is clear that Pakistan is vital to success. Yet, the United States has been incapable of providing the capacity for the Pakistanis to succeed both on the military and economic fronts. The reason is that despite the rhetoric, the United States is not really serious.

»Politicians of both parties and branches of government will of course argue they are doing their level best. But, they will complain, it is the system, the government or the opposition that make progress impossible. Where then is a Jefferson when needed most -- at a time that this government sadly has become destructive?»

Notre commentaire

L’intérêt de ce texte est évidemment que Harlan K. Ullman est complètement un homme du système, qu’il avait déjà diagnostiqué assez justement les éléments fondamentaux de la crise en mai 2009 tout en laissant la porte (à peine) entr’ouverte à la possibilité infime d’une solution. Voici le même, dix mois plus tard, avec sa religion cette fois faite de bout en bout.

L’intérêt de l’analyse de Harlan K. Ullman est également que, dans son intervention de mai 2009, il ne mettait pas l’accent sur la crise conjoncturelle (l’écroulement des banques de septembre 2008 et ses suites) mais sur ce qu’il identifiait comme une crise structurelle. Il parlait de la structure même du gouvernement aux USA, qui représente l’essence même de ce pays qui n’a aucune dimension historique, et donc, aucune vertu régalienne qui le ferait survivre à une crise structurelle du gouvernement. Le gouvernement central avec toutes ses branches (Washington), pour Harlan K. Ullman, ce sont les USA eux-mêmes, et il a raison. Il n’y a pas de transcendance qui pourrait conserver sa cohésion au pays si la structure de direction du pays s’effondrait ou faisait faillite dans le sens structurel du terme.

Or le gouvernement des USA est en train de devenir un gouvernement “failli”, non seulement dans les termes comptables mais dans l’implication structurelle la plus radicale du terme; ou bien, disons que ce gouvernement est en train de devenir un “gouvernement brisé” comme l’on parle, avec un certain mépris dans les milieux de sécurité nationale US, des “broken states” ou des “failed states”. Le même homme, jugeant l’évolution des choses d’une année à l’autre, pose un diagnostic imparable. On ne peut même plus parler d’un “gouvernement de l’idéologie et de l’instinct”, comme legs de l’époque Bush, on ne peut même plus parler de “gouvernement de l’idéologie et de l’instinct” tout court, mais on parle de non-gouvernement, encore plus court… Le titre de la chronique de Ullman sonne méchamment, par la dose de dérision qu’il contient : «Is U.S. a serious nation?»

Les avis des hommes du sérail, aussi bien référencés et offrant une continuité du jugement, sont de loin les plus intéressants. Il est évident qu’Ullman glorifie aussi bien les Founding Fathers que le Lincoln qui impose la centralisation des USA par le fer et le feu de la Guerre de Sécession, que le Roosevelt qui établit l’empire des USA sur le monde par la participation massive de la puissance matérielle US dans la Deuxième Guerre mondiale. Il est parfaitement un américaniste, partisan du système, de sa politique, de l’empire des USA sur le monde et tout le reste. Son verdict est d’autant plus impressionnant et significatif, – d’autant, certes, qu’il n’est pas le seul, qu’il n’est qu’une opinion parmi une floraison d’opinions du même genre et dans le même sens, – mais lui-même, exprimant avec justesse et précision le verdict fatal. Un orfèvre en la matière.

Certes, rien de nouveau sous le pâle soleil de ce début de printemps, mais le signe que partout la même opinion, la même analyse, conquiert et baigne les esprits les plus brillants du système. C’est de cette façon, effectivement, par la perception de la chose, que le processus d’effondrement s’accélère. S’il y a un Jefferson quelque part, celui que voudrait bien voir surgir Ullman en ce début de XXIème siècle, nous dirions qu’il s’abstiendra sans doute de se rendre à Washington, préférant rester dans son Etat natal, disons la Virginie pour nous accorder à l’Histoire. Sans doute y attend-il que notre temps très rapide fasse son œuvre et disperse ce qu’il reste de Washington au vent mauvais de l’Histoire.


Mis en ligne le 18 mars 2010 à 14H24