Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
964Il est vrai que des décisions radicales sont proposées, au Pentagone, notamment concernant l’USAF. On ne peut le nier. Encore faut-il savoir ce qu’elles signifient. On peut toujours chercher.
Ainsi de la faveur dont semble bénéficier le F-35, alias JSF. Que signifie l’“accélération” du programme? En fait, c’est une “accélération” qui n’en est pas vraiment une tout en étant tout de même une accélération prudente, d'une certaine façon. Cela équivaut un peu à l’idée brillantissime d’Edgar Faure vis-à-vis de la Tunisie en 1956, d’accorder à ce pays «l’indépendance dans l’interdépendance».
Ou bien, autre hypothèse à considérer, – sommes-nous trop peu/pas assez poète pour prétendre suivre le Pentagone dans ses aventures au pays des merveilles? On peut toujours le penser.
En d’autres mots, on nous annonce qu’on va fabriquer plus de F-35 durant l’année FY2010, que le budget JSF va passer de $8 milliards et des poussières à $11 milliards et des poussières. Ainsi, le 6 avril 2009, à une question d’un journaliste lors de sa conférence de presse présentant ses propositions budgétaires, le secrétaire à la défense Robert Gates précise-t-il ce qui ne suit pas immédiatement, mais après…
Question: «The F-35 – you know, you talk on the one hand about wanting to reform that position process, but in accelerating that, didn't the GAO warn recently that you'd be getting ahead of the testing on that and that that would put that program more at risk, to accelerate it?»
Secretary Gates: «Actually, what we've done, while we're increasing the buy, we have taken a more cautious approach to the ramping-up of production over the course of the next five years. So we actually, in the five – I think I mentioned 513 aircraft by the end of the five-year defense plan. That's actually, I think, several dozen aircraft fewer than the original planned buy.
»We have tried to do this in a way that keeps the numbers at a level that the cost to our allies and partners in this program do not go up. And so we are very mindful of the risk of rushing too fast to large-scale production. I don't think people feel concerned about that, going from 14 to 30.»
Résumons les nouvelles:
• Nous accélérons le programme: nous passons de “$8 milliards et des poussières à $11 milliards et des poussières” pour FY2010, c’est-à-dire de 14 à 30 avions commandés…
• Mais en fait, nous ralentissons plutôt, sur 5 ans: «So we actually, in the five – I think I mentioned 513 aircraft by the end of the five-year defense plan. That's actually, I think, several dozen aircraft fewer than the original planned buy.»
Maintenant, cette accélération initiale signifie-t-elle qu’on va accélérer le rythme de la mise au point en vol, domaine dans lequel, bien qu’il soit directement produit en avion de production standard, le JSF est notoirement un remarquable traînard? (2% de la mise au point en vol réalisé à la fin 2009.) Bien au contraire, puisque tout le monde, le GAO en premier, nous dit que c’est fort imprudent. «…while we're increasing the buy, we have taken a more cautious approach to the ramping-up of production over the course of the next five years.» Cela signifie-t-il que la mise au point en vol sera plus prudente, donc plus lente, alors que les avions produits vont être précieusement rangés dans les hangars, empaquetés façon paquet-cadeau? En effet, puisque, par ailleurs, il ne faut pas trop se presser “to ramp-up the production”...
(Ainsi les syndicalistes de Lockheed Martin eux-mêmes sont-ils loin d’être enthousiastes, et son plutôt pro-F-22. Selon le Christian Science Monitor du 8 avril 2009, ils disent ceci: «Goen, the union boss, says job losses are inevitable at the already below-capacity Marietta plant. While Gates' comments seemed to indicate that F-35 production could ramp up immediately, the current plan is for the assembly line to start in 2014, a potential four-year gap in which Lockheed-Martin, the state's 11th-largest employer, would struggle to find jobs for idled F-22 builders, Goen says. “We are in a bad fix in this country,” he says. “We have an opportunity to continue the work here to help the economy and we're throwing it out the window.”»)
La prudence étant mère de toutes les suretés et le programme JSF apparaissant soudain comme une singulière rencontre entre une production accélérée-ralentie et une prudence sans cesse en augmentation accélérée, il est possible qu’on parvienne un jour à une sorte de sur-place. On accumulerait lentement les avions de production produits rapidement en grand nombre, qu’on n’autoriserait en aucun cas à figurer dans un effectif opérationnel tant que la mise au point en vol, qui serait accélérée de plus en plus prudemment tout en étant allongée, ne serait pas elle-même terminée.
Par ailleurs, toutes ces manœuvres n’ont qu’un seul but, soyons un peu sérieux. Il s’agit du “price management”, qui est la touche de génie du programme JSF. Le prix du JSF étant jusqu'à nouvel ordre totalement inconnu, surtout pour ceux qui le fabriquent, il sera par conséquent ce qu’on décidera qu’il sera, selon les dispositions qu’on prendra dans l’évolution structurelle du programme; si vous voulez, le programme JSF comme une sorte d’accordéon qu’on manie jusqu’à ce qu’on trouve la bonne position avec le prix conforme. On manœuvre actuellement pour le faire baisser dans une proportion inverse à la montée de l’angoisse chez les coopérants, pour rassurer ceux-ci, – «We have tried to do this in a way that keeps the numbers at a level that the cost to our allies and partners in this program do not go up.»
(Les Norvégiens seront-ils rassurés? Ils viennent d’annoncer qu’ils repoussent à plus tard, à bien plus tard leur décision initiale d’acheter 48 F-35; selon Defense News du 30 mars 2009, «Norway intends to delay ordering its 48 planned F-35 Lightning II fighter jets until 2012 or later, senior officials said. “We have not signed a purchase agreement, and Norway is un likely to do so for several more years until the Joint Strike Fight er program’s costs stabilize,” said Espen Barth Eide, Norway’s state secretary.»)
Tout cela n’a finalement qu’une importance mineure puisqu’il se passera 10 à 15 ans avant que le F-35 ne soit démodé par rapport au F-22 qu’on abandonne. Bien informé par ses services, Gates a signifié le verdict en affirmant, le 7 avril 2009 dans le programme The News Hour: «[T]he F-35, […] has 10- to 15-year newer technology, has some capabilities that the F-22 doesn't have». Il faut croire que c’est vrai parce qu’il faut savoir qu’il en aura besoin.
Mis en ligne le 9 avril 2009 à 14H48