Ah non! Pas “Bomb, bomb, bomb Iran!

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Dimanche dernier, le vice-président Biden avait laissé entendre à qui voulait bien l’entendre de cette oreille qu’après tout, Israël pouvait faire ce qu’il voulait, notamment attaquer l’Iran. (Antiwar.com donne un résumé de cette intervention et de diverses réactions, avec les liens adéquats, le 5 juillet 2009). La chose, pourtant assez sollicitée si l’on considère les déclarations de Biden, qui a été un peu forcé dans ses retranchements, a été largement répercutée et l’on s’est cru revenant aux temps pas si lointains de “la politique de l’idéologie et de l’instinct”, avec la veille dans l’attente de l’attaque-surprise annoncée avec régularité à l’avance, pour que la surprise soit bien comprise de tous.

Du coup, on s’est mis à réagir. Hier, d’abord, le département d’Etat qui a mis les choses plus en perspective, en arguant qu’il ne s’agissait pas “techniquement” d’un “feu vert”, – que, par ailleurs, tout aussi “techniquement”, il n’était pas dans le pouvoir des USA de donner un tel “feu vert” puisqu’Israël est un Etat souverain. Haaretz nous communiquait ceci, le 6 juillet 2009, en fin de soirée en Israël, à 23H56:

«Vice President Joe Biden's statement that Israel can decide on its own whether to strike Iran's nuclear sites should not be construed as an American “green light” for such an action, the State Department said on Monday. “We are certainly not going to give a green light to any kind of military strike, but Israel is a sovereign country and we're not going to dictate its actions, State Department spokesperson Ian Kelly said on Monday. “We share the Israelis' deep concerns about Iran's nuclear program,” Kelly said. “But you have to ask Israel if they are going to make a strike.”»

Le ministre des affaires étrangères israélien Lieberman, celui qui est menacé d’être viré par Sarkozy, le même qui avait annoncé à Moscou qu’Israël n’avait pas l’intention d’attaquer l’Iran et de faire le “sale boulot” pour les autres, observait que tout cela était logique: «“I think he said things that are very logical,” he said. “Israel is a sovereign state and at the end of the day, the government of Israel has sole responsibility for its security and future, not anybody else.” […] During a visit to Russia, Lieberman said, “We do not intend to bomb Iran, and nobody will solve their problems with our hands”»

Enfin, dernier épisode en date, aujourd'hui en fin d’après-midi, avec une intervention abrupte et sans doute furieuse d'Obama. Cette fois, le président ne prend plus de gants: non, les USA n’ont pas donné le “feu vert” pour une attaque d’Israël contre l’Iran (Notez le “Absolutely not»)… Ce qui signifie nettement, cette fois, que le président des USA estime qu’Israël a besoin d’un “feu vert” des USA pour attaquer. Puis, Obama se rattrape et revient sur la version initiale (“ce n’est pas à nous à donner un ‘feu vert’, Israël est souverain”, bla bla bla.) La progression du discours, retranscrite ici par Haaretz le 7 juillet 2009, à 17H53, est intéressante, – sacrebleu!

«U.S. President Barack Obama rebuffed suggestions that Washington had given Israel a green light to attack Iran's nuclear facilities, in an interview with CNN on Tuesday. Asked by CNN whether Washington had given Israel approval to strike Iran's nuclear facilities, Obama answered: “Absolutely not.”

»“We have said directly to the Israelis that it is important to try and resolve this in an international setting in a way that does not create major conflict in the Middle East,” Obama said in reference to Iran's contentious nuclear program.

»In the interview broadcast from Russia where he is on an official visit, Obama added, however: “We can't dictate to other countries what their security interests are.” “What is also true is, it is the policy of the United States to try to resolve the issue of Iran's nuclear capabilities,” Obama said. This would be achieved “through diplomatic channels,” he added.»

Entre-temps, le Washington Times, qui devient le relais quotidien favori des extrémistes et des likoudistes israéliens, publiait des informations exclusives. Il s’agissait de l’affirmation de sources israéliennes qu'il n’y avait pas eu de “demande” expresse de Netanyahou pour, peut-être pas un “feu vert” de BHO, mais au moins une coopération US pour une attaqure, ce qui signifie tout de même un “feu vert”. L’information est publiée le 7 juillet 2009, mais très tôt, heure de Washington (04H45).

«Prime Minister Benjamin Netanyahu and his top deputies have not formally asked for U.S. aid or permission for possible military strikes on Iran's nuclear program, fearing the White House would not approve, two Israeli officials said.

»One senior Israeli official, who requested anonymity because of the sensitivity of the subject, told The Washington Times that Mr. Netanyahu determined that “it made no sense” to press the matter after the negative response President Bush gave Mr. Netanyahu's predecessor, Ehud Olmert, when he asked early last year for U.S. aid for possible military strikes on Iran.

»Israel is increasingly nervous that Iran is developing the capability to build a nuclear weapon, an intention Iran denies. However, Israel is unlikely to attack Iran without at least tacit U.S. approval, in part because that would require cooperation from the United States. At the very least, Israel likely would have to fly over Iraqi airspace, which is still effectively controlled by the U.S. Air Force.»

Il s’agit d’un dossier fourni, qui s’est développé à la vitesse d’une frappe israélienne contre l’Iran, qui vient en fait d’une parole de trop, suscitée par l’agacement, de la part d’un Joe Biden qui est coutumier de paroles à haute voix qui dépassent souvent sa pensée, ou la traduisent de façon abrupte et un peu trop imagée. Quoi qu’il en soit, ce petit tour de piste est intéressant et vaut quelques remarques.

• Le mythe resurgi d’une attaque contre l’Iran, que nous avons subi pendant trois longues années, l’est ici à partir de circonstances complètement fortuites bien plus que de fuites ou de pressions maladroites. C’est le pur produit du système de communication, enchaînant le thème sensationnel associé à “la politique de l’idéologie et de l’instinct” qui a prévalu officiellement pendant huit années, additionné au caractère d’un homme prompt à un peu trop parler. C’est un signe intéressant que l’extrémisme constant de la pensée, cette déformation, ce gauchissement systématique (vers l'interventionnisme et le bellicisme) du discours, des hypothèses et des options, sont d’abord le produit de l’automatisme de la communication, qui est une sorte d’idéologie en soi. Il semble que tout le monde a paniqué dans cette affaire, y compris les Israéliens qui ont fait passer vite fait le message, par le Washington Times, qu’ils ne demandaient aucune autorisation d’attaquer à Washington, – impliquant par là qu’ils la demanderaient s’ils devaient attaquer, comme, apprend-on de source officieuse israélienne cette fois, Olmert l’a fait auprès de Bush.

• La chose (l’Iran) semble donc tenir à cœur à Obama, par conséquent la politique qu’il tente de mener depuis quelques mois, qu’il semble vouloir poursuivre malgré les événements depuis les élections présidentielles du 12 juin. Son intervention est abrupte et ne s’embarrasse pas de protocole. Le “Absolutely not” prétend répondre à la question “avez-vous donné votre ‘feu vert’ à Israël pour une attaque?”, ce qui nous fait comprendre qu’effectivement la chose pourrait être demandée, ou a été demandée, ou même devrait être demandée. Pour l’instant, malgré les événements d’Iran, il semble hors de question de mettre en évidence de quelque manière que ce soit l'idée de l’option militaire, même pour faire pression sur l’Iran. En soi, la réaction d’Obama est un message puissant pour l’Iran, qu’il ait été conçu de cette façon ou non, – et probablement ne l’a-t-il nullement été.


Mis en ligne le 7 juillet 2009 à 20H05