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14844 avril 2004 — Qui est John McCain ? Ancien pilote de l’U.S. Navy, abattu en 1967 et retenu prisonnier au Nord-Viet-nam pendant 6 ans, fils et petit-fils d’amiral, sénateur républicain, faucon patenté, partisan de la guerre du Kosovo en 1999, évidemment partisan (quoique avec des nuances) d’une politique de fermeté en Irak, etc... Il y a toute la littérature qu’on veut sur ce McCain-là, par exemple dans les chroniques d’un Justin Raimundo, adversaire juré du War Party. (Voir la chronique de Raimundo du 23 février 2000 sur Antiwar.com, sous le titre explicite de « Why John McCain Must be stopped ».)
Mais aujourd’hui, rien n’est simple dans les classements des étiquettes héritées d’hier, même si les enjeux centraux sont bien plus simples qu’on ne pense. Nous désignons cela, pour ce jour, comme “l’ambiguïté postmoderniste”.
Que voit-on pour le cas John McCain ? Le faucon assoiffé de guerre et d’interventions extérieures devient, lorsqu’il est question de la crise climatique, le plus acharné des partisans d’une action décidée contre la pollution de l’atmosphère. John McCain est, aujourd’hui, à Washington, le rêve des lobbyist écologistes ; il est de ces personnages que la droite dure, — celle qui croit compter McCain dans ses rangs, — vilipende comme un mélange de pacifistes utopistes et de gauchistes mal rasés. Récemment encore, il est l’instigateur d’une lettre envoyée le 1er avril à l’administration Bush, signée par 45 sénateurs (dont 38 démocrates) et 10 “ministres de la Justice” de dix États, demandant à l’Environmental Protection Agency de retirer son projet de loi réglementant les émissions de mercure, parce que cette loi laisserait au marché le soin de réguler ces émissions. (Incroyable philosophie de ces réglementations à-la-GW : « a market system that would let plants buy and sell the rights to emit mercury »)
Comment McCain en est-il arrivé là ? Par quelle aberration, quelle maladie de la pensée ? Écoutons-le, — et méditons ceci : sa “conversion” est une leçon d’identité, de référence aux valeurs traditionnelles, à celles que la droite classique vénère... Par ailleurs, ne ferait-il pas un bon copain de Robert Redford, le fameux libéral anti-guerre, le Redford des vieilles rivières poissonneuses du Montana de son enfance ? Beaucoup de confusion dans tout cela, mélange des genres, des opinions...
« In many ways, McCain makes an unlikely environmentalist, lacking among other things the strong sense of place that has turned so many people into passionate conservationists. Instead, he was the classic military child – both his father and grandfather were Navy admirals – and he made his own career in the service, eventually, of course, ending up in a North Vietnamese prison camp. When he finally hung up his uniform, he settled in Arizona only because it was the home of his second wife. “All my life I had been rootless,” he says. In fact, the turning point in his first run for Congress in 1982 came when an opponent called him a carpet-bagger in one debate. “Listen, pal,” he said. “I wish I could have had the luxury, like you, of growing up and living and spending my entire life in a nice place like the first district of Arizona, but I was doing other things. As a matter of fact, when I think about it now, the place I lived longest in my life was Hanoi.”
» Once he found a home, however, McCain seemed to grow taproots, deep down into the desert sand. He bought a retreat on Oak Creek, near Sedona. His favorite season there, he says, is the spring: “Lots and lots of flowers. Lots and lots of wildlife, especially birds — wild ducks, quail, hummingbirds, yellow-billed cuckoos, which are very rare. A pair of black hawks. There are javelina, coyote. A cougar passes through once in a while. Deer, beaver. It's the most beautiful place on earth.”
» So maybe, if you were looking for the reason that John McCain has become the Senate's only western Republican to take environmental issues seriously, you could point to the pure power of landscape. “The ecology of the desert is very fragile. Obviously climate change could have a very serious effect there,” he says. »
Le cas McCain est fascinant. Il nous dit que les classifications politiques classiques n’ont, aujourd’hui, aucun sens. Les positions ne suivent plus aucune tendance idéologique, ce qui est logique dans la mesure où ces tendances n’ont plus aucune cohérence intérieure ni cohésion extérieure. Les positions politiques sont des mélanges de vieux mots d’ordre conservés, d’engagements conjoncturels, de réactions puissantes à des situations brutales, et ainsi de suite, et tout cela conduisant à des amoncellements de contradictions qui témoignent moins de la confusion d’un esprit que de la confusion des temps, ou alors de la confusion d’un esprit à cause de la confusion des temps.
McCain représente un parfait exemple. Il est venu à une critique de la pollution de l’atmosphère par la démarche la plus simple du monde : la beauté des paysages de l’Arizona qui sont devenus “ses” paysages, et dont il réalise qu’ils sont menacés par la crise climatique. Là-dessus intervient un engrenage politique qui va le placer en tête d’un mouvement bipartisan sur la question de l’environnement.
(Ce mouvement risque d’aller loin et le met en position antagoniste de GW Bush, qui ne cesse de radicaliser sa position sur la question. McCain est un teigneux lorsqu’il veut mener à son terme une initiative législative : « And then, last fall, he managed to force the first real Senate vote on actually doing something about the largest environmental peril our species has yet faced. The bill he drafted with Senator Joe Lieberman was modest to a fault, and it lost 55-43, but at least, 15 years after the issue first surfaced in the public consciousness, there'd been a vote. “We'll be back this year to do it again,” he said when I talked with him in Washington earlier this year. “Campaign finance reform took us seven years. This may take longer, but we'll stay at it.” »)
McCain placé au coeur d’un mouvement “écologiste” à Washington, ne peut ignorer d’où vient la crise climatique : d’une économie incontrôlée, d’une poussée déstructurante générale, d’une globalisation favorisée par l’Amérique qui implique une attaque féroce contre toutes les régulations, y compris celle des normes de pollution, qui implique aussi des actions militaristes et interventionnistes aidant puissamment à cette dérégulation, qu’on trouve aujourd’hui au coeur de la politique extérieure américaine. L’évolution de McCain le conduit à soutenir un mouvement qui va le placer dans une position complètement antagoniste du mouvement général qu’il soutient d’habitude, et qu’il continue à soutenir peu ou prou. Il est impossible, aujourd’hui, d’éviter de telles contradictions si l’on ne va pas, dans sa réflexion, au fond des choses, au bout des raisonnements logiques, pour bien mesurer les enjeux.