Comment le Team B liquida la détente

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Comment le Team B liquida la détente

Voici un livre qui donne l'explication détaillée, “technique” et même “commerciale” pourrait-on dire, du démarrage, du côté américain, de ce qu'on a nommé “la seconde Guerre froide”: la dégradation des relations Est-Ouest à partir de 1976-77, culminant dans la période 1979-83 avec la crise des euromissiles (1979 jusqu'au début du déploiement de novembre 1983), l'invasion de l'Afghanistan (décembre 1979), le lancement de la “guerre des étoiles” (mars 1983), la destruction du Boeing 747 de Korean Air Lines (septembre 1983), cette période commençant à décliner avec la nomination de Mikhaïl Gorbatchev au poste de secrétaire général du PCUS, le 9 mars 1985.

Le livre détaille l'action de la fraction antisoviétique et anti-détentiste de l'establishment américain (républicains et démocrates confondus), forçant à la mise en place d'un processus d'évaluation de la puissance militaire soviétique (potentiel, budget, etc) concurrentiel de la CIA. Une équipe, nommée Team B procéda, à partir des mêmes informations, à une évaluation de la puissance et des intentions soviétiques, contre le Team A de la CIA, formé pour l'occasion. Le Team B était dirigé par le professeur Richard Pipes, de Harvard, et émanait du Comité sur le Danger Présent.

(Le Committe on Present Danger, ou CPD, fondé à l'automne 1976 par Eugene Rostow et rassemblant une constellation d'experts et d'hommes politiques d'opinions antisoviétiques, des modérés aux plus radicaux, avec des démocrates [Dean Rusk] et des républicains [Ronald Reagan]. Trente-deux des principaux dirigeants de l'administration Reagan venaient du CPD [John Lehman, Richard Perle, William Casey, Jeane Kirckpatrick, Paul Nitze, etc]. Du CPD, Max Kampelman a dit qu'il ne connaissait pas «une organisation privée qui a eu une aussi grande influence en un temps aussi court sur la politique de défense et de sécurité nationale des États-Unis.»)

Le Team B démolit de façon systématique les évaluations de la CIA, qui donnaient une appréciation modérée des intentions soviétiques; le Team B imposa une approche différente, mécaniste, fondée sur l'idée que les dépenses militaires reflétaient à elles seules les intentions de ceux qui les décidaient, et, par conséquent, concluant que l'URSS était embarquée dans une entreprise de conquête du monde, éventuellement à l'aide d'une attaque nucléaire surprise contre les USA. Effectivement, jamais plus qu'en 1980-83, on ne crut à la possibilité d'une telle attaque, alors que, on le sait aujourd'hui, personne n'y songeait, les dirigeants soviétiques se trouvant enfermés autant que les dirigeants américains dans une peur-panique de l'adversaire.

Ce que décrit bien Hessing Cahn, c'est comment cette opération Team B, émanation du CPD, lancée par quelques hommes (Rostow principalement, un démocrate!), acquit aussitôt une incroyable puissance à cause du soutien médiatique, d'influence, de réseaux divers, qui la rendit irrésistible. La “seconde Guerre froide” fut lancée comme une opération de relations publiques et de marketing, et, sans doute pour beaucoup de ses acteurs, avec cet esprit précisément, et sans qu'il y ait précisément d'intention comploteuse précise. Contre cela, la CIA et ses analyses sophistiquées ne pouvaient pas grand'chose. A noter le rôle plus qu'ambigu de Bush-père : directeur de la CIA (1976-77) lors de l'affrontement entre le Team A et le Team B, il sentit d'où venait le vent, facilita cette procédure très inhabituelle de mise en question de l'agence de renseignement par un groupe privé et ne fit rien, loin de là, pour contrecarrer les affirmations du Team B.

Killing Detente, The Right Attacks the CIA, de Anne Hessing Cahn. 232 pages. Pennsylvania State University Press, Pennsylvania, USA, 1998.