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327722 juillet 2011 – Nous allons revenir, pour le poursuivre dans une situation concrète de complète actualité, sur le texte du 18 juillet 2011, dans Ouverture libre, et, plus précisément sur l’usage référentiel qui y est fait du livre de Jean-François Mattei, L’Etranger et le Simulacre (PUF, 1983), dans sa partie (la cinquième) ontologiquement critique de la philosophie post-structuraliste de Gilles Deleuze (l’idée de “Deleuze-démasqué-par-Mattei”). Cela peut permettre d’éclairer d’une lumière extrêmement riche la situation présente de notre crise générale, notamment en fonction de ce que nous nommons la “crise Murdoch” qui en est le dernier avatar, dans sa signification la plus profonde. Dans ce cas, bien entendu, la crise Murdoch n’est pas prise dans un sens d’ultimité, comme quelque chose de décisif (on n’en sait rien) ; mais comme un événement très significatif, qui peut prendre sa place comme un événement d’une chaîne crisique, dans la structure crisique du monde, qui continuera comme une crise dont on ne sait si elle est décisive de quelque façon que ce soit, qui pourrait être suivi d’autres crises bien entendu. L’intérêt de la crise Murdoch tient à son caractère d’un modèle assez nouveau de crise, qui correspondrait assez bien, et bien mieux que d’autres, à la vision deleuzienne…
(Il va de soi que nous prenons Deleuze, et plus encore, comme on le voit dans le texte référence, “Deleuze-démasqué-par-Mattei”, comme mesure de la situation qu’on veut décrire, non pas vindicte particulière ni singularité absolue de ce philosophe, mais parce que la rencontre antagoniste Deleuze-Mattei nous fournit un champ d’action particulièrement riche pour la critique. Des auteurs et philosophes autres que Deleuze vont dans le même sens que lui, bien entendu. Mais le talent de Deleuze, sa maîtrise dialectique, autant que le talent à mesure de démystificateur de Mattei, renforcent de toutes les façons, tous les propos impliqués.)
La formule “Deleuze-démasqué-par-Mattei” nous permet de tenter un exercice intéressant, qui est de connecter entre eux des événements du monde dans le cadre crisique général qui est le nôtre, éventuellement la “réalité objective” ainsi obtenue par cet assemblage, sans s’aventurer dans l’interrogations de la connaissance réductrice de leur propre réalité (démarche de l’inconnaissance, évoquée également dans le texte référencé). Bien entendu, l’analyse qui est tentée a pour ambition de chercher à éclairer, dans ce chaos extrêmement agité et significatif, la vérité du monde, aujourd’hui, en 2011.
Ceci est notre hypothèse de départ… Ce qui nous paraît de plus sensationnel dans le livre de Mattei, dans sa partie (la cinquième) sur Gilles Deleuze telle qu’elle est présentée dans l’article du 18 juillet 2011, c’est que le texte qui nous intéresse dépasse Mattei et, bien entendu car cela va de soi, Deleuze, et encore mieux entendu, l’année 1983 où il est écrit. Il a un aspect remarquablement prémonitoire, qui se dégage de lui-même par sa nature même, qui ne paraît absolument pas élaboré par l’auteur, donc comme le produit d’une pure intuition. L’Etranger et le Simulacre date de 1983 en effet, et la partie citée est une critique haute, pleine d’allant, de verve, d’une impeccable perception métaphysique, décrivant l’univers de Deleuze comme une danse de Saint-Guy déstructurée, molle, à l’image des montres peintes par Dali (plutôt des poubelles pour Deleuze), dans un univers déformé et même “anti-formé” … Mais, certes, il ne s’agit là, dans la proposition deleuzienne et la critique foudroyante que lui oppose Mattei, que d’un affrontement théorique.
Ce qui apparaît alors sensationnel, insistons sur le qualificatif, c’est que “Deleuze-démasqué-par-Mattei” semble, à un quart de siècle de distance, parfaitement représenter la réalité, “notre réalité”. Cette remarque vaut précisément depuis 2008-2009 et le départ de Bush, la “fin” officielle de la guerre en Irak, la grande crise de l’automne 2008, l’impasse générale et totale et le refus de cette impasse par le simulacre virtualiste que le Système oppose à la réalité. Le phénomène théorique et conceptuel décrit par “Deleuze-démasqué-par-Mattei” semble s’être réalisé, et encore plus dans l’évolution pathologique de la psychologie. Devenu ouvertement et exclusivement Système, le monde est devenu parallèlement deleuzien, c’est-à-dire “deleuzien-démasqué-par-Mattei”. En même temps, l’on observe comme un élément dynamique fondamental que ne pouvaient prévoir ni Deleuze ni Mattei, que ce monde “deleuzien-démasqué-par-Mattei” qui était présenté comme un état devant caractériser une phase infinie dans “l’éternel retour du simulacre”, un état paradoxalement stable dans son mouvement insensé et mollement chaotique, que ce monde-là s’avère également être emporté par un mouvement le conduisant très rapidement dans une trajectoire de Chute, une dynamique d’apocalypse qui serait alors subreptice, ou disons une “apocalypse molle” ; ce qui fait que “la danse de Saint-Guy déstructurée, molle” que décrit la théorie, est devenue Chute flottante et informe, et apocalypse subreptice, – “apocalypse molle”, elle aussi. (Cette idée de subrepticité rejoint celle que nous avons exprimée à plusieurs reprises [Voir notamment le 2 juin 2011]. Il s’agit d’observer que l’hypothèse de l’effondrement du Système se faisant avec une extrême violence, un caractère apocalyptique au sens physique et symbolique, pourrait et éventuellement devrait être remplacée par l’hypothèse selon laquelle l’effondrement est en cours actuellement d’une façon “subreptice” ; dans ce cas, le facteur psychologique suscitant l’interrogation sur l’effondrement du Système est un des signes de l’événement en cours de cet effondrement.)
Mais nous sommes plus concret, sinon plus immédiat dans l’“actualité métahistorique” des événements, en rapprochant décisivement ces réflexions de l’événement de la “crise Murdoch”. On pourrait proposer une description symbolique de l’évolution de ce monde “deleuzien-démasqué-par-Mattei” en observant que le cœur de ce monde vient d’être touché par la “crise Murdoch”, – cette crise en plein développement et toujours en devenir explosif, à cause de son potentiel dynamique. Cette idée se justifie par la formidable importance, qu’on a décrite à plusieurs reprises (voir le 7 juillet 2011, le 9 juillet 2011 et le 15 juillet 2011), du groupe Murdoch agissant comme un diabolus ex machina important du Système, au cœur du Système qu’est l’ensemble anglo-saxon, et retourné contre ce Système par la crise que subit ce groupe.
Le groupe Murdoch a mis en place plusieurs domaines autonomes très efficaces, qu’on pourrait décrire pour la facilité comme des “réseaux informels”, dépourvus des structures inhérentes des réseaux, se contentant de leur poids même, mais qui se sont avérés bien plus efficaces que des réseaux structurés, grâce à une sorte de coordination automatique. Notre appréciation est qu’il n’y avait à l’origine aucun plan préétabli de la coordination d’une extraordinaire efficacité de ces différents domaines, qui caractérise le “système Murdoch” tel qu’il apparaît au moment de sa chute, ou, dans tous les cas, de son démembrement qui lui ôte toute efficacité. On parle ici, pour faire une description rapide de ce “système Murdoch”, d’abord d’un “empire des médias” d’une très grande puissance, essentiellement au Royaume-Uni, qui s’approprie par son seul poids d’influence quasiment monopolistique une hégémonie sur le monde politique, notamment par sa capacité de régner en maître lors des saisons électorales politiques ; on parle ensuite, de l’établissement d’un tissu serré de corruption, notamment dans des corps de l’Etat tels que la police ; on parle ensuite de méthodes illégales voire criminelles, et physiquement criminelles jusqu’à des menaces d’élimination, d’abord pour organiser une recherche systématique d’informations sensationnelles, éventuellement en les suscitant également par des méthodes illégales voire plus brutalement criminelles (pressions, chantages, etc.), cet ensemble-là étant finalement connu et suscitant parmi les initiés une atmosphère d’une véritable terreur physique (à la manière que le “crime organisé” peut faire régner) rejaillissant sur l’influence politicienne exercée par ailleurs ; on parle ensuite de la mise en place de groupes idéologiques correspondant aux conceptions de Murdoch, essentiellement aux USA et essentiellement les néoconservateurs, eux-mêmes disposant par ailleurs d’influences remarquables avec l’appui du lobby israélien et de nombreux réseaux dans l’establishment ; on parle enfin de quelques hommes clef, dont Tony Blair est le principal exemplaire, à la fois soumis à Murdoch et complice enthousiaste de Murdoch, sans que Murdoch n’exerce sur eux de pressions particulières, partageant cette fièvre idéologique (représentée par les neocons) avec une sorte de sincérité et la faisant fructifier des deux côtés de l’Atlantique, avec le verrouillage des autres moyens mentionnés agissant dans ce cas comme compléments par l’inertie de leurs agissements.
Tout cela est apparu à mesure qu’achevaient de disparaître les références structurelles classiques auxquelles on accorde d’habitude un rôle stabilisateur et cohérent important, notamment les références régaliennes. Cet ensemble disparate parce que sans coordination, a flotté comme dans un univers deleuzien, sans coordination systématique ni arrangement spécialement structuré. Il a pourtant trouvé pendant une ou deux décennies, avec le paroxysme des années 2001-2008, une sorte d’intégration d’une extraordinaire capacité d’influence qui emprisonne encore plus qu’elle n’influence. (Dans certains cas, le phénomène est remarquable. On pourrait avancer que la position de Fox.News, principal porte-voix US du groupe Murdoch, sur le problème de la crise climatique, – position complètement climatosceptique, – est quasiment “deleuzienne” dans son inconsistance anarchique, son traitement de l’information par ironie, déformation systématique, ton parodique, clin d’œil, emploi de la dérision, recherche de l’abaissement par persiflage, etc. On se trouve, pour une matière présentée comme hautement scientifique, dans l’univers deleuzien, totalement déstructuré, totalement inconsistant, qu’on pourrait résumer pour ce cas par l’expression “univers bouffon”.)
De leur côté, et comme dans un mouvement parallèle, renforçant cette intégration remarquable d’efficacité, les directions politiques ont perdu toute légitimité, toute souveraineté, et ont elles-mêmes évolué sans structures, mettant en place un tissu politique général également de type deleuzien permettant la manufacture de ce “nouveau monde”. Les directions politiques sont ainsi parvenues, d’une façon automatique et là aussi sans plan préconçu, à la mise en place d’une situation où elles se trouvaient par leur propre volonté particulièrement sensibles aux influences et aux pressions, et aussitôt soumises aux influences et pressions existantes d’ores et déjà (celles exercées notamment par le “système Murdoch”) et d’ores et déjà subies par elles-mêmes, – sinon allant au-devant de ces influences. (Ce point de la “croyance dans la puissance d’influence de Murdoch sur eux-mêmes” des hommes politiques est régulièrement mis en évidence, comme, par exemple, par Andy McSmith, le 9 juillet dans The Independent : «After the Tories' unexpected victory in 1992, The Sun crowed: “It was The Sun wot won it.” That may not actually be true. It is possible that instead of creating the winners, what Murdoch did was shrewdly back whoever was going to win anyway. But the point was that politicians from Tony Blair to David Cameron believed Murdoch had the power to make or break them.»)
Ces directions politiques sont devenues prisonnières, à la fois emprisonnées et “prisonnières volontaires” de Murdoch, après avoir largement soutenu et renforcé elles-mêmes l’ensemble qui invitait justement à ce qu’elles fussent prisonnières de Murdoch. Ces directions politiques devenues ainsi aussi invertébrées, aussi flottantes et grouillantes que la description que fait Deleuze de ce “nouveau monde” en général. («[...L]a dimension faussaire, et diaboliquement faussaire de Deleuze, démolisseur de toute structure identitaire, de toute ontologie, pour réduire l’humanité à des insubstances flasques, évoluant au gré d’un hasard éclaté sans préoccupation de sens, virevoltant en tous sens et sans le moindre sens, sans aucune ontologie, sans rien, – comparées à des “rats”, des “vers grouillants”, etc.»)
Du point de vue politique, cette situation, a été et est largement représentée par ce que nous nommons la “politique de l’idéologie et de l’instinct”. Mais le destin actuel de cette politique est celui d’un affaiblissement décisif, voire de la chute, à cause d’une atrophie et d’une accentuation également monstrueuses, des deux composants tendanciels de cette politique : à côté de son extrémisme, de son extrême dureté, de son caractère impitoyablement déstructurant en affirmation aveuglante, constante et surpuissante, cette politique est, dans sa logique et dans son orientation, complètement décérébrée, absolument molle et insaisissable lorsqu’on tente d’explorer sa conceptualisation, perdue dans ses mots d’ordre aussi vides que généraux. “Impitoyablement déstructurante”, certes, mais elle-même complètement déstructurée. C’est ce second aspect, – qui n’est bien entendu pas mentionné dans le “monde deleuzien” dans la mesure où il en est sa “contradiction interne” –, qui apparaît de plus en plus évident depuis 2008-2009, comme si cette politique se poursuivait en accentuant irrésistiblement ses aspects déstructurants pour elle-même. Ainsi se produit une étrange occurrence : au moment où semblait s’achever la mise en place de l’univers “deleuzien-démasqué-par-Mattei”, s’amorce parallèlement son déclin puis sa chute.
2008-2009 (fin de l’épisode Bush, crise financière et survie “triomphale” du système financier effondré comme si la catastrophe justifiait la renaissance du même, élection d’Obama, comme représentation du multiculturalisme et du symbole de l’identité brouillée et éclatée, etc.) … Ainsi de cette rupture capitale en 2008-2009. Les événements ont eux-mêmes imposé un tournant dans l’appréciation qui est faite d’eux-mêmes, rendant de plus en plus superflue et obsolète l’appréciation rationnelle courante (celle des experts, analystes, commentateurs, etc.) qui est de suggérer une explication géopolitique selon les habituelles références d’intérêts, de puissances et de force, et d’idéologies ; au contraire, ces événements ont fortement favorisé, sinon imposé l’évolution des conceptions et des psychologies semblant aller exactement dans le sens de l’“univers deleuzien”.
Les crises diverses et accumulées en structures crisiques et en chaînes crisiques contribuent effectivement à modifier les termes des relations générales en des insubstances sans orientation ni signification selon les normes. Les problèmes classiques (rapports de forces, relations transatlantiques, Europe-puissance, hégémonie, structures financières, etc.) se diluent dans des prolongements incertains et absurdes (chaîne crisique, engagement libyen, etc.) ; les grands “défis” se perdent dans des polémiques caquetantes, (crise climatique, global warming contre climatosceptiques) et les catastrophes dont on attendrait qu’elles fussent révélatrices des grands dangers et des mobilisations nécessaires entraînent au contraire incertitudes et paralysie (cas de la catastrophe de Fukushima qui a introduit un désordre complet dans l’appréciation, ou la ré-appréciation de l’industrie nucléaire dans le débat général sur la crise de l’énergie). Les grands courants d’affrontement voient le déclin rapide des arguments d’antagonisme, la disparition des “ennemis” si l’on veut, au profit d’un malaise général et d’une suspicion qui ne parvient plus à se fixer sur quelque objet, ou sujet que ce soit. Même un domaine d’antagonisme qu’on croyait “verrouillé” pour des décennies (certains parlaient de siècles), comme le furent le terrorisme et l’antagonisme avec le monde musulman, est en cours de réductionnisme accéléré, avec le repli des conflits “classiques” (Afghanistan), la diversification des pays musulmans (chaîne crisique), l’incertitude et l’absence de lignes de partage significatives de nouvelles “aventures” telles que la Libye. (Voir notre F&C du 20 juillet 2011.) Le domaine politique est absolument “perverti” par l’intrusion d’innombrables facteurs encore plus anti-politiques qu’apolitiques, des facteurs dits “débats de société” extrêmement dissolvants avec des problèmes marginaux à dominante individualiste placés dans un renversement subversif complet au cœur de ce domaine politique et transformés en simulacres incertains d'enjeux essentiels (discrimination, racisme, féminisme, question des homosexuels), des facteurs d’eschatologisation des crises humaines ou des facteurs d’intrusion des crises eschatologiques dans les affaires humaines. Le résultat semble devenir cet univers mol, sans direction, agité de mouvements divers et dépourvus de sens, etc., – effectivement un “monde deleuzien”…
Mais il s’agit en fait, on l’a vu, du monde “deleuzien-démasqué-par-Mattei”. Cette évolution porte parallèlement son double tragique, comme une mise à découvert et une mise en accusation. L’installation des conceptions nouvelles de l’univers deleuzien écarte effectivement, dans la vie terrestre habituelle, les affrontements classiques (les choses comme droite versus gauche, bloc BAO versus terrorisme, etc.), vers ce qu’on pouvait attendre en fait d’univers décérébré et déstructuré… C’est alors qu’on peut commencer à prendre en compte ce caractère essentiel que le développement de la surpuissance du Système qui porte la déstructuration à tous les confins de l’univers, porte également son double autodestructeur. Puisque le Système existe en pleine activité avec le développement simultané surpuissance-autodestruction, l’installation de l’univers deleuzien devient évidemment l’univers “deleuzien-démasqué-par-Mattei”, avec le champ libre ouvert à de nouveaux schémas d’affrontement fondamentaux qui s’avèrent essentiels, entre forces déstructurantes et forces de résistances structurantes. Là aussi, le masque est tombé. Le vide a été fait mais il ne contient pas le vide, au contraire il a fait place nette pour les questions fondamentales jusqu’alors écartées.
Ce que nous montre la séquence, et notamment la “crise Murdoch”, c’est qu’alors que nous sommes effectivement arrivés au “nouveau monde“ promis (“Devenu Système, le monde est devenu ouvertement deleuzien, c’est-à-dire ‘deleuzien-démasqué-par-Mattei’”), ce “nouveau monde” entame aussitôt sa Chute, comme si sa constitution elle-même était en même temps sa Chute. C’est à ce point effectivement que la chute qui caractérise la “crise Murdoch” est caractéristique de ce processus, parce qu’il s’agit d’un processus apolitique, un “processus structurel” de déstructuration d’un système déstructurant sans aucune planification selon les normes rationnelles, – simplement, le cas d’“un fait divers devenant crise-Système” (voir notre F&C du 15 juillet 2011). De ce point de vue, l’importance de l’aspect criminel au sens de crime organisé de la structure Murdoch qui ne cesse d’être mis en évidence est un point extrêmement important, en écartant systématiquement l’explication “noble” d’une démarche politique éclairée par la rationalité au profit de l’explication d’une démarche systématiquement et mécaniquement dissolvante pour elle-même. Tout cela nous conduit au point qu’on devrait admettre, que l’univers deleuzien est finalement une sorte de condition nécessaire et suffisante pour déterminer la Chute du Système après lui avoir promis qu’il détenait la formule de sa pérennité… Le schéma du Système développant parallèlement une dynamique de surpuissance et une dynamique d’autodestruction est rencontré. La surpuissance est au service de l’acte de la dissolution (de la déstructuration) du monde, mais elle agit en même temps avec toute sa surpuissance sur la source même de cette surpuissance, dans un mouvement circulaire où le serpent revient se gober la queue, ce mouvement qu’on pourrait qualifier d’“éternel retour” à la sauce deleuzienne. (Voir encore le texte du 18 juillet 2011, avec l’interprétation par Mattei de l’Eternel Retour nietzschéen revu par Deleuze.)
Involontairement, tout cela nous donne une précieuse indication. Le monde deleuzien qui est réalisé désormais, manifestement, est une sorte de “meilleur des mondes” ; il n’y a évidemment rien au-delà, puisque, déjà, en lui-même, il n’y a rien … “Deleuze-démasqué-par-Mattei”, qui entend régler son compte à Platon et à tout ce qui a fait la philosophie à partir de Platon, nous annonce aussi, et peut-être même d’abord (pour le reste, on verra), le caractère ultime de lui-même, comme on dirait son “ultimité” avant même de commencer. Cette situation porte sa propre contradiction, et sa propre contraction, à l’image de la simultanéité surpuissance-autodestruction du Système. Après l’univers deleuzien, il n’y a plus rien selon les normes qu’il s’impose lui-même ; mais comme ce vide annoncé est déjà sa propre caractéristique, il est inévitable de conclure que nous sommes au terme de la séquence entraînant la chute plutôt qu’à l’installation de l’ultimité de la séquence. Le “monde deleuzien” ne devient vraiment sérieux que lorsqu'il est assuré qu'il s'effondre en même temps qu'il se fait.
Précieuse indication que ce constat dynamique que nous faisons, que la constitution de ce monde représente également sa chute ; d’autant plus précieuse qu’elle est invinciblement sollicitée par la rencontre avec la dynamique du Système, ce déploiement simultanée de la surpuissance et de l’autodestruction, rendant compte que nous sommes effectivement dans une logique similaire et sur la même planète. La Chute “Deleuze-démasqué-par-Mattei” annonce effectivement la Fin des Temps du Système, et vice-versa. Le modèle-Simulacre qui s’effondre n’est ni réparable ni récupérable.