Ashton en dérapage incontrôlé et Van Rompuy en embuscade

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Le “mystère Ashton” en est-il vraiment un? D’abord, la baronne, nouvelle Haute Représentante des pays de l’UE, est alitée pour quelques jours. Ensuite, les premières rumeurs plutôt encourageantes ont, depuis, viré plutôt à l’aigre. Cela pourrait modifier considérablement le paysage de la nouvelle direction européenne, et peut-être le poids et le rôle du président Van Rompuy.

@PAYANT On croyait Ashton indécise, voire habile. Ces derniers jours semblent avoir apporté quelques démentis sévères à ces premières impressions.

La baronne Ashton s’est signalée par plusieurs interventions en interne, notamment lors de réunions du Secrétariat général de l’UE. On l’a ainsi entendue proclamer qu’elle se juge très proche de Tony Blair et qu’elle juge Tony Blair comme un éminent homme d’Etat, dont l’exemple général, tant dans le comportement que dans la politique, est sans aucun doute à suivre. Elle a également précisé qu’elle travaillerait directement en s’appuyant sur les services et les conseils du Foreign Office. En une autre occasion, elle a précisé, d’ailleurs dans la logique de ce qui précède, que l’essentiel était d’aligner la politique européenne sur la politique US, notamment pour le Moyen-Orient et l’Afghanistan.

«Ces déclarations ont suscité des réactions pour le moins mitigées, nous explique une source européenne. La quasi-unanimité s’était faite dans les milieux européens pour écarter la candidature de Blair comme président de l’Union et Ashton vient nous annoncer que Blair est son héros et son modèle! En plus, elle annonce qu’elle usera des services du Foreign Office, ce qui se sait lorsqu’il s’agit des Britanniques dans la bureaucratie européenne mais ce qu’il faut bien se garder de dire…» Tout cela, bien sûr, au moment où Blair est quasiment mis en procès à Londres pour son rôle dans l’affaire irakienne, et que le résultat n’est pas très avantageux pour lui. Notre source s’interroge sur le comportement d’Ashton: «Se déclarer ainsi, si proche de Blair, c’est aussitôt éveiller toutes les suspicions du monde dans toute la bureaucratie européenne… Quelle explication? La naïveté? Ou bien, est-elle manipulée?» On pense évidemment à l’influence de Robert Cooper, lui-même très proche de Blair et qui, malgré sa nationalité britannique et les supputations à cet égard (difficulté d’envisager les deux premières personnes de la hiérarchie de ce ministère européen des affaires étrangères de la même nationalité), ne décroche pas de sa position et devrait s’imposer comme très proche de Ashton.

Quels effets concrets peut-on attendre? Sans doute un discrédit d’Ashton – mais à partir de quel crédit en l’occurrence, elle qui a tout à prouver? Il faut envisager un renforcement du poids du Conseil de Politique et de Sécurité, qui va contrôler les aspects militaires et de sécurité, sous l’autorité nominale d’Ashton mais avec une forte influence des Etats membres et dont la présidence doit revenir à un Français (ou à une Française, certes). Il faut également rester attentif au poids du nouveau président Van Rompuy qui, au contraire d’Ashton, est en train de se tailler, par son comportement, un crédit paradoxal et inattendu. «On ne l’entend guère, dit notre source, il travaille, s’organise, reste très discret mais impressionne beaucoup les personnalités qu’il rencontre. Van Rompuy pourrait être la surprise de l’attelage européen et donner à son poste une importance plus grande que prévu, notamment en politique extérieure, en cela aidé par le comportement de la baronne Ashton si lui-même préconise une politique étrangère très européaniste…»

Les Britanniques perdent-ils leur habileté ou Ashton est-elle vraiment limitée quoique Britannique? L’Europe institutionnelle est, dans sa psychologie et dans son caractère, à 99,99% pro-américaniste; mais si la chose est proclamée publiquement, à-la-Blair, le 00,01% restant, fait du goût de l’apparence, des discours officiels, de la vanité des projets ronflants, se révolte avec hauteur et réagit comme si c’était presque 120%. Si l'on dit tout haut qu’on suit les USA, comme Ashton l’a fait, tout le monde s’exclame et affirme hautement que l’Europe est assez forte pour être indépendante et qu’elle ne suivra pas une Haute Représentante qui s’affirmerait plus pro-américaniste que Gordon Brown. Dans ce cas, le fameux “compromis à la Belge” qu’est Van Rompuy, par le seul jeu des déplacements des pesanteurs, pourrait effectivement jouer un rôle de contrepoids intéressant en s’assignant comme mission de faire de sa présidence une croisade européaniste, de facto anti-Ashton.


Mis en ligne le 23 décembre 2009 à 09H26