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650Comme si l’UE et sa digne et Haute Représentante Lady Ashton avaient entendu éructer l’ambassadeur de Chine (voir notre Bloc-Notes du 18 décembre 2010, nous rapportant l’incident de quelques jours auparavant)… Lors de la dernière réunion des 27 pays de l’UE, Lady Ashton a déclaré qu’il était temps que l’UE s’affirme un peu plus qu’elle ne fait au niveau international, et qu’elle n’y parviendrait qu’en prenant certaines distances avec les USA, – lesquels, d’ailleurs, s’aperçoivent à peine de l’existence de l’UE et voguent à très longue distance de là…
Dans
«The European Union's top diplomat Catherine Ashton told a summit of the 27-nation bloc that “Europe is no longer the main strategic preoccupation of foreign policy.”
»“The US is increasingly looking to new partners to address old and new problems,” Ashton said as a summit turned to diplomatic issues Friday after addressing the trials faced by struggling euro-nations the previous day. Europe, she said, needed to work out a new kind of partnership “fit for a new era” based on economics and global security aims. “We can best exert our influence vis-a-vis the US by ensuring a unified, capable and self-confident EU,” she said. “When we are an efficient and reliable partner the US takes us seriously. Conversely, if we over-promise and under-deliver, if we prioritise process over substance or if we don't know what we want, the US will turn its attention elsewhere.”
»Ashton said the way forward was for the EU to continue to build relationships with other partners – cooperate with Russia on security and energy, Africa, China and Japan on trade. “We need to transcend the bilateral prism and see the connections among the strategic partners. This could also lead to triangular cooperation.”»
@PAYANT Ashton a parlé comme si elle voulait donner raison à l’ambassadeur de Chine qualifiant de “pitoyable” et de “pathétique” le comportement servile d’alignement de l’UE sur les USA. Par ailleurs, elle a exprimé quelques solides vérités sur le comportement des USA vis-à-vis de l’Europe. Les deux derniers “sommets” USA-UE ont effectivement été une farce impayable, surtout celui de Lisbonne avec deux heures glissée pour la rencontre UE-USA avant l’ouverture en fanfare et les deux très longues journées du grandissime sommet de l’OTAN, enchaînant immédiatement. L’UE a été si complètement ridicule dans cette occurrence que personne ne s’en est vraiment aperçue.
L’inexistence de l’UE en matière de politique étrangère commence à être gênante, cela évidemment au profit des Etats membres (notamment les plus puissants), c’est-à-dire contre la logique fédéraliste de toute la bureaucratie européenne. On en arrive donc à une situation contradictoire et complètement schizophrénique. Le comportement US sous l’administration Obama est tellement indifférent à l’UE que la bureaucratie européenne finit par comprendre que c’est cet alignement sur les USA, inconditionnel, “pitoyable” et “pathétique”, qui supprime toute personnalité, toute existence à l’UE au niveau international, puisque cet alignement répond à une absence totale d’intérêt, de consigne, etc. ; tout cela alimentant du coup le poids des Etats membres de l’UE et allant contre la logique fédéraliste, – jusqu’à ce raisonnement effectivement inattendu que l’alignement sur les USA va contre les intérêts de la bureaucratie la plus pro-US qu’on puisse imaginer, parce qu’elle est également et ontologiquement fédéraliste et supranationale. L’affaire du “sommet” de Lisbonne (2 heures pour l’UE, 2 jours pour l’OTAN) a été la goutte d’eau qui n’a pas été loin de faire déborder le vase déjà percé, quelques dépêches WikiLeaks sur le sentiment US vis-à-vis de l’UE ayant ajouté quelques éclaboussures pour encore tendre plus fortement l’atmosphère et, peut-être, pour inciter les conseillers de Lady Ashton à introduire dans les remarques de la Haute Représentante quelques idées qui, dans les normes européennes courantes, ont une allure bien iconoclastes, et qui n’ont pas du plaire à Washington malgré que ces idées ne fassent qu’exprimer une vérité connue de tous et de toutes. (Ashton, nouvelle victime au tableau de chasse de WikiLeaks ? Ce serait une aventure originale.)
Dans cette affaire complexe de l’UE contre elle-même, de l’UE totalement vassalisée à un suzerain qui se fiche d’elle comme d’une guigne, donc vassalisée pour rien, sans même l’avantage des gâteries qu’on accorde au manieur d’éventail ou du pourboire pour le cireur de bottes, Lady Ashton joue un rôle de plus en plus étrange. D’une part, on sait qu’elle est complètement sous la coupe du Foreign Office dont la seule politique est de ne cesser d’accentuer l’inexistence de la Haute Représentante pour empêcher qu’il y ait une politique extérieure de l’UE qui pourrait rapprocher la chose du fédéralisme. Ashton est donc manipulée par le Foreign Office dans le sens de l’inexistence, de l’inutilité, etc. Or, certains bruits venus de son entourage commencent à faire penser que la brave créature commence, elle aussi, à se lasser de ce rôle que lui font jouer ses distingués compatriotes. Elle commence à se lasser de s’entendre régulièrement traiter de nullité, à entendre clamer son inexistence, son inefficacité, son inconsistance et ainsi de suite. D’autre part, certaines personnalités nommées près d’elle, qui représentent d’autres Etats et qui jouent donc un rôle différent, la pressent effectivement d’affirmer une politique extérieure un peu plus vigoureuse et substantielle, et elles sont entendues d’une oreille de plus en plus attentive.
«Il est vraiment très difficile, observe une source européenne, d’accepter volontairement, je dirais d’une manière presque volontariste, un rôle si complètement dépourvu de volonté et de volontarisme, et, qui plus est, disposant d’une visibilité aussi considérable. Il est bien possible que Lady Ashton, on dirait à cause de la force des choses, soit conduite à affirmer une politique…» Le paradoxe d’une telle possibilité qui commence désormais à être bien plus qu’une hypothèse, serait qu’une telle évolution se ferait nécessairement aux dépens de l’alignement inconditionnel de l’UE sur les USA. «Il n’y aucun autre moyen de survivre pour la bureaucratie la plus aveuglément proaméricaniste qui soit, que d’affirmer une certaine distance vis-à-vis de la ligne américaniste, et de se tourner vers des pays comme la Russie, la Chine et les grands pays du Sud comme le Brésil…» On est curieux de voir comment sera résolu cette quadrature du cercle…
Mis en ligne le 20 décembre 2010 à 14H18
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