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1442Nous avions raté, nous le confessons avec une extrême humilité, l’annonce qui fut faite dans le quotidien britannique Daily Telegraph, le 7 septembre 2009, à propos d'un rapport de l’ONU, de la Conférence sur le Commerce et le Développement de l’ONU (UNCTAD), recommandant le remplacement du dollar par une monnaie mondiale. (Un rapport d’experts mandatés par l’ONU, dont Josphe Stiglitz, avait déjà déposé une conclusion dans ce sens, en mars 2009.) Le Telegraph y voyait «the most radical suggestions for redesigning the global monetary system».
«“Replacing the dollar with an artificial currency would solve some of the problems related to the potential of countries running large deficits and would help stability,” said Detlef Kotte, one of the report's authors. “But you will also need a system of managed exchange rates. Countries should keep real exchange rates [adjusted for inflation] stable. Central banks would have to intervene and if not they would have to be told to do so by a multilateral institution such as the International Monetary Fund.”»
L’information est reprise par Nile Gardiner, collaborateur du même Telegraph à Washington et neocon britannique notoire (il dirige le Margaret Thatcher Center for Freedom à Heritage Foundation, très proche des néo-conservateurs), le 19 septembre 2009. Gardiner donne à la chose une dimension politique redoutable, une attaque d’une ONU érigée en puissance supranationale cherchant à dominant le monde, contre la pure vertu américaniste, dont l’on sait combien elle est éloignée de cette pensée.
«Earlier this week I did an interview with Fox News where I called the proposal a “direct assault by the UN on American global power” from an organization with a “long track record of anti-Americanism.” My views have now been branded as “ridiculous” by Herr Heiner Flassbeck, the stern-faced German Chief Economist of the United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD), the official wing of the UN that deals with economic issues. Flassbeck is the lead author of UNCTAD’s controversial 2009 report which calls for the ousting of the dollar as the world’s reserve currency. David Lee Miller at Fox quotes Flassbeck as saying:
»(According to Flassbeck) demand for the US dollar is “irrational.” He argues the creation of an alternative financial instrument would provide more stability during times of economic upheaval. The new financial instrument proposed in his report would be pegged to a basket of different currencies to minimize what he called any “huge monetary shock.”
»Flassbeck’s words about “irrational” demand for the dollar illustrate exactly the point I made earlier – the United Nations is obsessed with challenging America’s position as the world’s dominant power, and frankly its policies are all too often driven by a deep-seated anti-Americanism. I very much doubt that UNCTAD’s recommendations have much to do with sound economics, much like the Euro is a political project designed to advance European integration. They are political proposals with an overwhelmingly political agenda. Fortunately there is little prospect of UNCTAD’s call to revolutionize the global financial system becoming a reality in the near term. Wall Street is bouncing back nicely and the dollar hasn’t collapsed as doomsayers in Europe had predicted. […] Still, the UN’s proposals pose a long-term threat to US interests, and will likely gain ground in the coming years with support from the likes of Russia, China and France…»
On notera avec intérêt que, dans l’esprit de Gardiner, la France fait partie, avec la Russie et la Chine, de l’“axe du Mal”. C’est bien vu. De même est-ce une très bonne chose que cette sorte de texte, marquée effectivement de l’énervement extrême de la pensée neocon, nous amène dans le champ politique avec la question du dollar – effectivement une affaire politique et non seulement économique et monétaire.
“Politique”? Bien plus encore. Il faut lire les 634 commentaires (au 20 septembre 2009), ou quelques-un d’entre eux dans tous les cas, du texte du 7 septembre. Des dizaines de milliers de mots pour commenter avec emportement, exaltation, fureur sacrée, un texte de 349 mots, anodin dans l’exposé, se contentant d’exposer les faits (au contraire de celui de Gardiner). Les réactions sont très souvent d’une hystérie extrême, celle qu’on expose avec élégance aujourd’hui à Washington dans les débats public; des réactions où la citation de la Bible revient plus qu’à son tour, en même temps que les appels aux armes contre la dictature d’une “gouvernance” dictatoriale et mondiale…
Deux citations, pour le fun, comme ils disent, et pour l’état de l’esprit et l’humeur de la psychologie:
• «Read and understand Daniel and Revelation in the bible, you will see the prophecy being forfilled right now. This is just the begining my friends. It also fortells there will be mockers and many people who do not believe...Please wake up!»
• «ONE WORLD LEADER ONE WORLD GOVERNMENT THE ANTI-CHRIST IS COMING SO PRAY TO THE ALMIGHTY LORD IN HEAVEN BECAUSE IN THE END WHEN THE SHIT HITS THE FAN THE LORD WILL BE THE ONLY ONE THAT WILL SAVE YOU… BELIEVE IN HIS SECOND COMING IT IS THE ONLY HOPE YOU HAVE…» (Majuscules respectées, conformément au Premier Amendement de la Constitution des Etats-Unis.)
Même les économistes seront dépassés, car cet exemple du dollar à partir d’un rapport de l’ONU est évidemment, dans les réactions qu’il amène, effectivement exemplaire de la façon dont on appréhende de plus en plus, aux USA, les crises successives, notamment financière et économique. Ces crises spécifiques, même si elles sont systémiques dans leurs domaines respectifs, tendent à être amalgamées dans un état d’esprit général de crise systémique globale, haussée au plus haut niveau, politique jusqu’à l’extrême (Gardiner et le complot anti-américaniste) et hystérique jusqu’au religieux fondamentaliste et sous la protection de l’inspiration divine. Ces extrêmes-là sont le courant des conséquences d’une psychologie en crise, à la mesure de notre crise de civilisation. Le problème du dollar, s’il devait être un jour abordé et réglé, le sera d’une façon politique, par un affrontement, comme tous les autres problèmes qui deviennent évidemment des crises irrésolues et insolubles. La malheureuse ONU ne se doute pas des mèches qu’elle allume, avec ses rapports sérieux, constructifs et autres.
Mis en ligne le 21 septembre 2009 à 06H23
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