Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1373Le président Obama, dont la virtuosité intellectuelle ne peut être mise en doute mais pas plus l’emprisonnement-Système où il se trouve, est arrivé au point où ces deux éléments de sa situation s’unissent et se retournent contre lui, de plus en plus systématiquement. C’est le cas de cette conférence de presse du 9 août 2013 où il a notamment parlé de ses projets de “réforme” de la NSA, sur un ton d’une telle suffisance qu’il a conduit même ses plus sûrs alliés de la presse-Système à dénoncer le vide de ses propositions en même temps que son attitude (ou bien, dans le processus psychologique, son attitude les conduisant à dénoncer le vide de ses propositions). Une fois n’est pas coutume, mais c’est bien dans des organes de la presse-Système qu’on trouve quelques-unes des critiques les plus incisives et les plus violentes à l’encontre de l’intervention du président US, – et surtout ce ton qui leur dit à tous : “N’essayez pas de comprendre, vous êtes trop irresponsables est trop immatures ; j’ai compris pour vous, je me charge de tout et vous suivrez donc aveuglément ce que je décide”. Cette “suffisance paternaliste” (voir plus loin) n’est vraiment pas passée.
• Citons d’abord Politico.com, site de grande influence à Washington et d’orientation-Système patentée. Le site consacre plusieurs textes à la conférence de presse, centrés sur ce que le président à dit, et éventuellement promis, à propos de la NSA. Un texte général, de Josh Gerstein le 9 août 2013, rapporte le scepticisme général qui a accueilli ces déclarations («Obama's NSA plans bring skepticism»). L’on s’attache surtout au texte de Edward-Isaac Dovere du 9 août 2013, au titre plein d’ironie («Barack Obama: If only you understood»). C’est surtout le ton du président (“suffisance paternaliste”) qui est mis en cause, dans un style presque parodique, – et l’on peut alors commencer à mesurer le degré d’importance des dégâts qu’Obama a porté à sa cause avec ses interventions.
«America, President Barack Obama said Friday, you’re just like my wife. You’re always on my case.
»Obama’s patronizing attitude has never been far from the surface, or from the minds of his political opponents. But not since he said two years ago that his daughters did a better job than Congress in getting their homework done has he been this explicit. It’s the flip side of “I got this”: everyone else doesn’t. That more than anything was the theme of Obama’s brusque, brisk pre-summer vacation press conference. [...]
»So okay, Obama said, he understands when people express their frustration about the surveillance programs. As long as he and America are going to be stuck in this marriage another three-and-a-half years, he’ll play along. “If I tell Michelle that I did the dishes — now, granted, in the White House, I don’t do the dishes that much, but back in the day,” Obama said, “and she’s a little skeptical, well, I’d like her to trust me, but maybe I need to bring her back and show her the dishes and not just have her take my word for it.”
»Obama used to have his doubts about the surveillance program, he said, but that was back when he was a senator and didn’t understand. He could see why people have doubts of their own, but that’s because they don’t get the way the programs work, and they don’t know about the safeguards in place. He knows that people think that the new initiatives and commission he announced Friday are part of the still scrambling response to Edward Snowden’s leaks, but that’s because they don’t know that he was always planning to do this even if never really mentioned it much. [...]
»In other words, Obama said, what he’s got is a public relations problem caused by people who just don’t understand what’s good for them — which apparently includes anyone who believes that government shouldn’t be in the intensive data collection business at all, as well as Sens. Ron Wyden (D-Ore.) and Mark Udall (D-Colo.), who have been briefed extensively on the program and still say they don’t like it, and that it doesn’t work. [...]
»Oh, and by the way, Obama made sure to say, Snowden may be the source of the NSA scandal that’s clearly still a major concern, but he’s a fool too. Snowden never actually understood the documents he seized and leaked, or that he apparently could have achieved the same ends if he’d gone about things in the more reasonable way that Obama would have preferred. He’s just like all the people who read his leaks and overreacted...»
• Mais le plat de résistance est certainement le New York Times, le panthéon du Système, le “quotidien de référence” qui sert de Bible universelle au conformisme-Système. A lire l’éditorial pompeusement signé “The Editorial Board” (les grandes occasions, en col-cravate et haut de forme), le 10 août 2013, on a peine à croire qu’il nous parle du président lui-même, ce Obama qui-marche-sur-l’eau, soudain objet d’une fureur à peine contenue. Signe de la gravité du cas, l’édito ne se contente pas de persifler à l’encontre de la forme, il aborde également le fond, reconnaissant de facto que la NSA pose un problème fondamental à la pseudo-“démocratie” américaniste ; l’on a alors l’impression surréaliste que l’Editorial Board du NYT ne serait pas loin, à cet instant, dans ces quelques lignes, d’être rien de moins que du côté d’Edward Snowden.
«President Obama, who seems to think the American people simply need some reassurance that their privacy rights are intact, proposed a series of measures on Friday that only tinker around the edges of the nation’s abusive surveillance programs. [...]
»Fundamentally, Mr. Obama does not seem to understand that the nation needs to hear more than soothing words about the government’s spying enterprise. He suggested that if ordinary people trusted the government not to abuse their privacy, they wouldn’t mind the vast collection of phone and e-mail data.
»Bizarrely, he compared the need for transparency to showing his wife that he had done the dishes, rather than just telling her he had done so. Out-of-control surveillance is a bit more serious than kitchen chores. It is the existence of these programs that is the problem, not whether they are modestly transparent. As long as the N.S.A. believes it has the right to collect records of every phone call — and the administration released a white paper Friday that explained, unconvincingly, why it is perfectly legal — then none of the promises to stay within the law will mean a thing.»
(• En complément de ce qui précède et comme intermède pour nous conforter dans nos diverses observations, on observera que le NYT se met lui-même dans la valse des révélations sur les activités de la NSA, avec un texte de Charlie Savage, le 8 août 2013. Ce texte est relayé et amplifié par un furieux article de Alexander Abdo et Patrick Toomey, deux officiels de l’organisation US pour les droits civiques ACLU, dans le Guardian [The Observer] du 11 août 2013, – «The NSA is turning the internet into a total surveillance system...»)
... Le résultat de cette intervention d’Obama, sa première incursion significative et circonstanciée dans le débat sur la NSA ouvert aux USA par la défection d’Edward Snowden, doit être apprécié sans aucun doute comme négatif et pourrait s’avérer à la fois comme contre-productif, et comme un accélérateur du désordre washingtonien à cet égard. On met ici en évidence les réactions de ceux (dito, la presse-Système) qui auraient dû normalement soutenir Obama sans réserve, parce qu’on a ainsi une mesure de l’erreur tactique considérable du président, qui pourrait s’avérer une erreur stratégique si les effets constatés depuis vendredi durent et s’amplifient. C’est évidemment le ton employé par Obama qui est ressenti avec le plus de vivacité, du type “circulez y’a rien à voir” particulièrement mal ressenti dans un système (celui de l’américanisme) où la pompe et l’apparence doivent être respectées, à mesure de l’absence réelle de toute démocratie. (Ce dernier point particulièrement sensible lorsqu’un ancien président des USA, Jimmy Carter, déclare publiquement, le 16 juillet 2013, que les USA ne “fonctionnent pas comme une démocratie dans le temps présent”.) Ce sont également les approximations, le vide et le vague des promesses de “réformes” dont le caractère cosmétique n’est même pas dissimulé, enfin les mensonges patentés affirmés avec aplomb.
(“Mensonges patentés”, effectivement ... On pense à l’affirmation étonnante d’impudence selon laquelle on étudiait, à la Maison-Blanche, des réformes de la NSA avant même la défection de Snowden, ce qui fait d’Obama une sorte de Snowden pré-Snowden. Ce mensonge, – bien entendu, on ne trouve nulle trace de ces projet de réforme pré-Snowden, – est parfaitement dupliqué, sinon copié-collé par
L’intervention d’Obama était faite pour désamorcer l’opposition née au Congrès depuis le vote fameux de la Chambre, du 24 juillet (voir le 26 juillet 2013). Pour cela, il fallait du sérieux, du solide, choses qu’on ne trouve guère dans les promesses fumeuses d’Obama, et encore moins dans le ton suffisant et paternaliste qu’il emploie. Le résultat pourrait alors être inverse : au lieu de désamorcer la bombe de la rentrée, Obama la favoriserait. Appuyés désormais sur l’officialisation de la nécessité de la réforme de la NSA qu’apporte nécessairement Obama dans son intervention, les dissidents anti-NSA vont être idéalement placés, s’appuyant sur le vague et l’inconcistance des réformes proposées, pour réclamer, voire voter s’il le faut, de vraies réformes, de toutes les façons inacceptables pour la NSA. Pendant ce temps, les durs du Congrès, les pro-NSA, rameutés par la NSA, vont intervenir furieusement dans l’autre sens, soupçonnant le président d’entretenir en sous-main, par ses promesses-bidon, la révolte de réforme officialisant le débat et appelant à la surenchère des anti-NSA... Et ainsi de suite, certes.
Il nous reste encore à proposer quelques notes sur ce président, sur sa psychologie, sur son hybris à deux balles, de courroie de transmission du Système... Dans ce cas d’école du personnage, avec cette intervention qui pourrait avoir des conséquences considérables et gravissimes, BHO a fait montre d’une suffisance paternaliste qu’on pourrait qualifier effectivement (voir plus haut) d’“autosuffisance invertie”. On prend le terme “autosuffisance” dans le sens philosophique, ou pseudo-platonicien, selon Wikipédia : «Selon Les Définitions platoniciennes du Pseudo-Platon, l'autosuffisance est la possession du bien dans sa totalité, l'état qui permet à ceux qui le possèdent la pleine maîtrise d'eux-mêmes», – en observant, restriction décisive certes, que le POTUS parvient donc à créer un sens pseudo-platonicien inverti, portant évidemment sur le membre de phrase de la définition de “possession du bien dans sa totalité” qu’il faut lire dans son sens inversé autour du mot “bien”. Dans ce cas, il ne peut faire aucun doute, pour ceux qui acceptent cette sorte d’analyse, qu’Obama est un personnage entièrement possédé par le Système, et agissant avec brio dans ce sens ; dans ce cas, effectivement, sa virtuosité intellectuelle s’exprimant notamment par son talent oratoire et son sens des paraboles, produit une virtuosité dans l’inversion qui suscite des effets catastrophiques. (On peut méditer à cet égard la remarque de fureur contenue et de vanité blessée de l’Editorial Board du NYT qui n’entend pas être cantonné dans l’arrière-cuisine, avec la vaisselle sale : «Out-of-control surveillance is a bit more serious than kitchen chores.» Rien de pire que de blesser la vanité de ces loyaux serviteurs du Système que sont les membres du Board du NYT, qui tiennent à leur réputation de gardiens du Temple, ou des restes des tours de Manhattan, et promoteurs inlassables des valeurs du “quotidien mondial de référence” du Système, – bref, terrible, dévastatrice “discorde chez l’ennemi”.) Mais enfin, tout cela entre dans la logique des choses : l’“autosuffisance invertie” de BHO entre parfaitement dans la dynamique d’autodestruction du Système dont il est le zélé homme de main.
Reste à savoir, pour compléter l’enquête, ce que la douce Michelle Obama, citée dans la conférence de presse pour tenir symboliquement, dans la parabole offerte, le rôle du peuple américain, immature et qui n’a pas besoin de comprendre pour suivre les exhortations du Messie, ce qu’elle pense de tout cela. Rôle de composition ou rôle de sa vie ? Et que dire du Messie aux cuisines ?
... Après tout cela, ces réflexions hautement conduites et notre enquête bouclée, un détail, un simple fait statistique qui n’est pas inintéressant, qui peut s’avérer révélateur. On en prendra connaissance à la lumière de tout ce qui précède.
Il s’agit des résultats d’un sondage Gallup, signalé par CNS.News le 11 août 2013, repris avec empressement par Infowars.com le même 11 août 2013. Obama a le plus faible taux de satisfaction de son action en tant que président depuis le point le plus bas de sa présidence, le 28 décembre 2011 : 41% d’opinions favorables, contre 50% d’opinions défavorables. Le détail de la conduite du sondage est essentiel, l’enquête ayant eu lieu entre le 8 et le 10 août, à cheval sur la conférence de presse du 9 août dont nous parlons. Jusqu’à la conférence de presse, le rapport (favorables-défavorables) était de 44%-46%, après la conférence il est passé à 41%-50%.
Mis en ligne le 11 août 2013 à 04H55