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1215Quelques médias de la droite radicale US et l’un ou l’autre commentateur, ou homme politique, y compris le sénateur McCain, ont relevé un propos passé d’abord inaperçu de Barack Obama durant son discours de clôture du sommet de Washington sur la prolifération nucléaire. Cela a été pour réagir brutalement, ce propos étant interprété comme mettant en cause l’avantage et la vertu pour les USA d’être une/la “superpuissance militaire” du monde.
Le propos est le suivant (souligné en gras): «It is a vital national security interest of the United States to reduce these conflicts because whether we like it or not, we remain a dominant military superpower, and when conflicts break out, one way or another we get pulled into them. And that ends up costing us significantly in terms of both blood and treasure.»
Le site WarNews relève, le 15 avril 2010 différentes réactions, dont il donne les liens. C’est Fox.News qui a lancé l’affaire, le 15 avril 2010. Parmi ceux qui on relayé le commentaire, Nile Gardiner, néoconservateur britannique notoire basé à Washington et directement connecté aux milieux de la droite radicale US, dans The Daily Telegraph du 15 avril 2010, avec une véhémence extrême. (Gardiner cite également McCain.)
«Fox News.com has a revealing story about some extraordinary remarks by President Obama at the close of the Nuclear Security Summit in Washington this week in response to questions about America’s role in the Middle East peace process. The video can be viewed here. In the video the president is clearly uncomfortable with the notion of America as a superpower, as though it were a millstone round his neck, rather than a source of pride. […]
»Obama’s former presidential rival John McCain has issued a stinging rebuke of President Obama’s remarks, calling them a “direct contradiction to everything America believes in.”
»“That’s one of the more incredible statements I’ve ever heard a president of the United States make in modern times,” McCain, a Vietnam veteran and former prisoner of war, told Fox News. “We are the dominant superpower, and we’re the greatest force for good in the history of this country (sic), and I thank God every day that we are a dominant superpower.”»
Egalement sur Fox.News, le 13 avril 2010, Dick Morris, ancien conseiller de Clinton passé aux républicains, avait critiqué la nouvelle doctrine nucléaire de BHO apportant certaines restrictions à l’usage de l’arme nucléaire avec ces mots : «We may have the first anti-American president we've ever had.»
Quels que soit la véhémence et le parti-pris des interprétations, qui sont restées cantonnées à quelques organes et commentateurs de la droite radicale et interventionniste, le propos d’Obama restitue effectivement le malaise d’un dirigeant politique qui paraît conduit dans sa politique par un système militaro-industriel. Il s’agit d’un cas précis d’une référence implicite au phénomène d’emprisonnement dans des systèmes anthropotechniques où nous nous trouvons aujourd’hui (voir notre série DIALOGUES).
@PAYANT Les réactions à ces propos d’Obama sont parcellaires, très véhémentes quand il y en a comme il est de coutume dans le jeu washingtonien systématique de la montée dialectique aux extrêmes. Par exemple, les commentaires de McCain sont d’une bouffonnerie, d’une pompe et d’une brutalité primaire bien illustratives du niveau du commentaire de l’homme politique moyen aux USA, en constante recherche de la radicalisation de ses propos dans l’espoir d’un effet électoral. Pour autant, nous ne devons absolument pas écarter la signification du propos, qui rend effectivement un ton de contrainte incontestable (également pour la fin de la citation donnée par Gardiner, le “that” signifiant la dépendance des USA de cette puissance militaire: «…And that ends up costing us significantly in terms of both blood and treasure.»)
Il y a plusieurs commentaires à faire autour de cet extrait du discours d’Obama, qui apparaît comme réellement significatif. Le ton rendu dans les mots et les phrases n’est certainement pas indifférent. Il est effectivement illustratif d’un malaise de l’homme, comme ses adversaires le lui reprochent. Dans ce cas, et si l’on se place de leur point de vue et du point de vue de leurs croyances, leur véhémence est justifiée…
• En effet, la tonalité de l’intervention d’Obama montre que, du point de vue de ces critiques, BHO n’est pas “un homme sûr”, que c’est potentiellement “un ennemi dans la place”. Dick Morris s’exclame : “c’est le premier président anti-américaniste que nous ayons jamais eu!” D’un côté, propos excessif, d’un autre point de vue, qui est celui du système (on verra plus loin), – oui, jugement justifié, car si Obama ne semble pas pouvoir faire grand’chose, il le regrette manifestement. Obama nous dit personnellement qu’il est lui-même prisonnier des mécanismes et des contraintes de la puissance militaire US et il nous laisse entendre, – c’est là la tonalité la plus remarquable du propos, – qu’il semble avoir abdiqué tout espoir de changer cela. Si vous voulez, la teneur du message, en se référant à notre langage propre, à dedefensa.org, c’est ceci: “Désolé, je n’ai pas la moindre chance d’être l’‘American Gorbatchev’ que certains pouvaient espérer que je sois”. Il s’agit d’un constat d’échec par rapport à ce que l’on attendait de lui, peut-être par rapport à ce qu’il espérait secrètement être (les 6-8 premiers mois de sa présidence montrèrent effectivement des tentatives dans ce sens).
• D’un autre point de vue pour notre compte, ces déclarations confirment bien que les puissances occidentalistes-américanistes, et la principale d’entre elles au premier rang et d’une façon massive, sont totalement entre les griffes des divers systèmes anthropotechniques dont l’étude nous intéresse tant en ce moment. L’intérêt de l’intervention d’Obama est que cela est dit d’une façon si publique, à un tel moment de sa présidence, et que cela paraît comme un écho lointain du discours de Eisenhower du 16 janvier 1961 sur le complexe militaro-industriel, – mais dans des circonstances infiniment différentes, infiniment plus dramatiques et pressantes, infiniment plus explosives, alors que les USA sont en pleine crise de leur puissance (et, notamment et principalement, le complexe militaro-industriel lui-même). Tout cela nous invite à explorer avec encore plus d’audace intellectuelle la situation de notre civilisation, dans ses parties les plus représentatives, ce qui est évidemment le cas des USA; notamment et principalement, la réalité puissante, voire autonome dans cette puissance jusqu’à la manifestation d’une spécificité politique active et impérative, de ces systèmes anthropotechniques, et certainement du plus puissant d’entre tous que sont le Pentagone et le complexe militaro-industriel.
Pour l’avenir, qu’est-ce que nous signifient les remarques d’Obama? Certes, qu’il est conscient de cette situation d’emprisonnement et qu’il laisse entendre qu’il n’y peut rien. Néanmoins, l’aveu de la conscience de la situation est plus intéressant que l’aveu d’impuissance. En effet, il peut survenir des situations complètement imprévisibles pour nous, dans la situation générale de crise où nous nous trouvons, où le système se trouverait confronté à une soudaine et extrême difficulté, et où la conscience qu’a Obama de cette toute-puissance du système pourrait lui suggérer de profiter de cette opportunité pour agir contre lui. C’est la seule hypothèse où l’on voit une possibilité de réaction et de changement. Elle est extrêmement mince mais la volatilité de la situation générale nous dit qu’elle existe tout de même. Dans ce cas, la conscience que montre Obama de cet emprisonnement dans un système constitue une information importante d'une situation qui, dans des cas extrêmes et urgents, peut soudainement jouer un rôle très important.
Mis en ligne le 16 avril 2010 à 07H06