BHO face au “Wall Street de l’océan”

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Il commence à apparaître que la “tactique” suivie par l’administration Obama dans l’affaire de la catastrophe de la station d’exploitation pétrolière BP Deepwater Horizon est de moins en moins efficace. Cette tactique consiste à dénier toute responsabilité au gouvernement fédéral et à charger BP de cette responsabilité, à la fois du désastre et de la réparation du désastre. Son efficacité, au départ, dépendait de la rapidité avec laquelle BP réglerait le problème. Comme on le voit, ce n’est pas vraiment un cas satisfaisant. BP développe actuellement, après diverses autres, une tentative qui se veut radicale et décisive et qui, si elle ne réussit pas, installerait une situation de catastrophe sans précédent.

Le Guardian consacre un article à la position d’Obama, ce 27 mai 2010, montrant que le président fut conscient dès le départ de la gravité de l’accident et laissa effectivement toute la responsabilité de l’affaire à BP. Actuellement, la situation est en train de changer et commence à poser un grave problème à Obama.

«A leak from the Oval office suggests it did not take Barack Obama long to grasp the enormity of the political disaster washing towards him with the oil spill in the Gulf.

»The ordinarily unflappable president, reported the Washington Post, cut off a briefing by aides in the first week after the Deepwater Horizon cut down with a terse command: “Plug the damn hole.”

»A month later, and with the hole still unplugged, Obama is being forced to show he is in personal command of the environmental crisis. He is expected to impose tighter new controls on offshore oil drilling tomorrow, following up the announcement with a visit to the Gulf on Friday.

»The step-up in personal engagement comes amid signs that the US public is redirecting some of its anger at the spill from BP and the oil industry towards his administration. The slow-motion nature of the disaster – with crude only reaching the shores in significant quantities this week – has emboldened political opponents to try to capitalise on the seeming powerlessness of Obama and BP to cap the spill. […]

»Democratic strategist James Carville attacked Obama this morning for retaining his customary cool. “I have no idea of why they didn't seize this thing,” the Clinton loyalist told ABC breakfast television. “The president of the United States could have come down here, he could have been involved with the families of these 11 people who were killed in the explosion.”

»Some of the outrage directed at Obama now could be overspill from public's anger over economy and financial scandals. “I do wonder whether Deepwater Horizon is the Wall Street of the ocean, privatising profits while the public carries the risk,” Nick Rahall, the chair of the house natural resources committee, told a hearing today. […]

»The administration has repeatedly put responsibility for the cleanup on the oil firm. “We will keep our boot on their neck until the job is done,” the interior secretary, Ken Salazar, said this week. But a CNN poll suggests the focus on BP has distracted from the administration's own efforts, showing for the first time that the majority of Americans, 51%, disapprove of Obama's handling of the crisis.»

Notre commentaire

@PAYANT En théorie, il y a de la logique dans l’attitude d’Obama. Nous vivons dans un monde privatisé à outrance, aux mains du corporate power. Les catastrophes causées par le corporate power doivent être combattues et résorbées par lui. C’est ce qu’expose le texte du Guardian, – avec une seule réserve tout de même : lorsque le texte explique que l’administration aurait pu intervenir très rapidement et avec efficacité si Obama en avait décidé autrement, on en doute un peu avec à l'esprit les échos recueillis auprès de ceux qui sont sur place.

…Car, malgré cette réserve de l’action publique, l’administration n’a pu évidemment songer une seconde à empêcher l’action des services publics impliqués de facto. De ce côté (le U.S. Coast Guard, le U.S. Army Engineers Corps), les réactions sont très, très loin d’être satisfaisantes. En fait, ce qu’a fait BHO, c’est de refuser de diriger l’action dans cette catastrophe, pour en laisser la responsabilité à BP, correspondante à la responsabilité de ce consortium pétrolier dans la catastrophe. Pour le reste, les moyens d’action des services publics sont effectivement disponibles, en coordination avec BP, et le spectacle n’est pas édifiant. Mais cela n’est pour l’instant qu’un aspect accessoire du problème par rapport à l’attitude fondamentale de l’administration.

En effet, l’attitude de l’administration Obama dans cette affaire constitue un cas assez édifiant de l’abdication de ses responsabilités par le pouvoir public, d’une façon volontaire et logique par rapport à la situation des responsabilités dans le domaine des questions d’intérêt public. Cela a le mérite d’éclairer une réalité indiscutable qui est la puissance et la pénétration du corporate power dans toutes les actions essentielles en général perçues comme de la responsabilité du pouvoir public. Le problème qui est en train de surgir est que le public, et de plus en plus de relais d’opinion pour des raisons plus ou moins intéressées mais qu’importe, acceptent de moins en moins cette réalité devant l’ampleur grandissante de la catastrophe et en reviennent à la notion traditionnelle que le gouvernement “élu par le peuple et pour le peuple” est responsable du bien-être de ce peuple, de sa protection, de la protection des conditions environnementales où ce peuple évolue et ainsi de suite. C’est-à-dire que, de plus en plus, aux côtés de BP, c’est désormais l’administration Obama qui est tenue pour responsable des effets de la catastrophe, et cela malgré puis à cause de la volontaire abdication de ses prérogatives de direction des affaires, avec cette attitude répondant à la logique de l’organisation actuelle du système.

Le cas est d’autant plus intéressant et d’autant plus grave pour l’administration Obama si la catastrophe n’est pas très rapidement stoppée, que cette catastrophe a vraiment des dimensions apocalyptiques qui ne concernent certainement pas le seul BP, malgré toute la grande conscience écologique qu'on ne peut hésiter à lui prêter. Il s’agit de la destruction de l’environnement, d’une pollution colossale, de l’exposition à ciel ouvert des conséquences de l’exploitation sans frein ni la moindre attention pour les conséquences environnementales et sociales d’une ressource aussi explosive que le pétrole. La destruction en cours du Golfe du Mexique et, bientôt, des régions terrestres qui le bordent, est un fait écologique majeur, une catastrophe d’ampleur systémique.

A mesure que la catastrophe se développe, grandit la question de savoir à quoi sert un gouvernement si un gouvernement a laissé s’accomplir une telle chose. Qu’il l’ait fait au nom de la logique du système, et donc selon une réelle logique selon son point de vue, ne fait que transférer la question au plus haut niveau qu’on puisse imaginer… Si un système nous conduit à de telles situations de destruction colossale, que vaut ce système ? Et que vaut ce gouvernement qui soutient un tel système et abdique ses pouvoirs pour répondre aux règles du même système ? L’administration Obama est désormais engagée sur la voie de nous faire une étrange démonstration sur la monstruosité du système au sein duquel elle se place, et dont elle entend respecter les règles, pour se laver les mains de toute charge de responsabilité publique… Dans de telle circonstances, Obama risque d’apprendre assez vite qu’il est très difficile de “se laver les mains“, donc de garder les mains propres dans une catastrophe pétrolière de cette importance, face à l’opinion et celle-ci instruite et de plus en plus furieuse de son attitude dans cette occurrence.

Les pouvoirs politiques, à force d’être émasculés et privés de toute substance, ont appris à abdiquer devant la charge de leurs responsabilités fondamentales. C’est une chose, et on peut en débattre car on comprend que le débat est vital, – bien que tout ait été dit là-dessus, et que la conclusion ne devrait laisser de doute à quiconque. Par contre, un sondage qui baisse et la popularité du gouvernement qui décroît, voilà un événement autrement sérieux pour Obama, un obstacle qu’il ne pourra pas ignorer si aisément. C’est bien à ce niveau que nous en sommes, avec ce saisissant et édifiant contraste entre l’ampleur des catastrophes qui secouent le système et la petitesse des préoccupations des directions politiques.


Mis en ligne le 27 mai 2010 à 09H34