Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1389Il apparaît évident qu’une certaine agitation s’est emparée de l’administration Obama, au Pentagone, pour ce qui concerne le statut et la situation du programme JSF.
• On a vu (le 25 juillet 2009) que le rapport de l’équipe JET (Joint Team Estimate) sur le programme JSF, datant de septembre 2008 et écarté par l’équipe précédente (John Young et Gordon England), a refait surface dans le public.
• Quelques jours plus tard, le 27 juillet 2009, le site InsideDefense.com (accès payant) met en ligne la nouvelle qu’une nouvelle estimation JET a été demandée, le 10 juillet, par le nouveau n°2 du Pentagone, Bill Lynn. («The Obama administration has directed a new review of the Joint Strike Fighter program, directing an “independent” Pentagon team – that last year found the F-35 program needed two additional years of development and more than $15 billion over the next six years – to update its findings in order to support Defense Department leaders preparing the fiscal year 2011 budget request.»)
• Ce 29 juillet 2009, le site ELP Defens(c)e reprend la nouvelle: «In a previously unreported July 10 memo, Deputy Defense Secretary William Lynn tasked the JSF Joint Estimate Team to reexamine the U.S. military’s largest acquisition program and determine whether the stealth fighter — which is being developed for the Air Force, Navy and Marine Corps, as well as eight international partners — requires significantly more time and money, according to sources familiar with the memo.»
• Egalement ce 29 juillet 2009, le site néerlandais JSFNieuws rapporte quelques autres précisions contenues dans le rapport initial (du 10 septembre 2008) de l’équipe JET. On y apprend notamment que la programmation informatique du système JSF requiert un million de ligne-code supplémentaires, que l’équipe d’ingénieurerie affectée au programme, qui devait être réduite de 4.100 à 1.000 personnes, devra rester à son niveau pendant un temps indéterminé pour faire face aux problèmes pendants. Un point essentiel déterminé par l’enquête JET est que la “commonalité” entre les trois versions (l’un des avantages théoriques fondamentaux d’avoir un modèle “commun” pour les trois armes, – USAF, Navy et Marine Corps) n’est pas de 82% comme l’annoncent Lockheed Martin (LM) et le JSF Program Office (JPO) mais de 25%.
La décision de lancer une nouvelle étude JET a été fortement recommandée par un haut fonctionnaire de l’administration précédente. Sue Payton, qui dirigeait les services d’acquisition de l’USAF, a fait cette recommandation le 7 avril, le jour où elle quittait la direction de son service. Cette initiative ainsi que les circonstances décrites montrent que certains fonctionnaires tiennent à prendre leur précaution, par rapport aux responsabilités qu’ils ont exercées, à l’égard d’éventuels remous qui pourraient accompagner la mise à jour de certaines réalités du programme JSF. (Il faut observer que Sue Payton occupait le poste qu'occupait Darleen A. Druyun, dans les années 1990, jusqu'en 2002. Druyun fut impliquée dans l' affaire des nouveaux ravitailleurs en vol de l'USAF, dans la première phase qui impliquait le seul Boeing. Elle fut condamnée à six mois de prison pour corruption. On comprend que Sue Payton prenne certaines précautions.)
Ces diverses circonstances nous indiquent évidemment que l’administration Obama juge désormais nécessaire de se pencher sur le cas du programme JSF pour déterminer sa réalité technique et budgétaire. Il est vrai que cette démarche semble inévitable, dans la mesure où les décisions prises par Gates, notamment l’abandon du F-22, font du programme JSF l’avenir quasi-exclusif de la force aérienne de combat des USA pour des décennies. Les polémiques, les révélations sans nombre autour du JSF nécessitent la recherche de la réalité comptable et technique du programme. Nous parlons ici de “recherche” car il semble vain d’espérer que cette réalité puisse apparaître dans toute sa brutalité en un seul exercice, fut-il celui d’une enquête en forme d’audit menée au cœur même du Pentagone, par une équipe (JET) du Pentagone qualifiée d’“indépendante” (par rapport au JPO). Néanmoins, la décision de Lynn indique bien que la bataille interne semble engagée entre les nouvelles autorités civiles et la bureaucratie du JSF (le JPO, avec le soutien de LM) qui a jusqu’ici assuré le contrôle exclusif du programme.
De même, on ne peut tenir comme une coïncidence le fait de cette décision interne du 10 juillet de William Lynn et la divulgation (en fait, la re-divulgation), le 23 juillet, du rapport du JET du 10 septembre 2008. A cette lumière, la déclaration du porte-parole du Pentagone à propos de la re-publication du rapport JET prend tout son sens. Nous la qualifiions d’“extraordinaire” dans le contexte où la “vérité” du JPO était tenue pour la “vérité officielle”; elle prend toute sa signification à la lumière de l’annonce qu’il est demandé à l’équipe JET de réaliser une nouvelle étude:
«Aujourd’hui [25 juillet 2009], Morrell, le porte-parole du Pentagone, laisse tomber cette appréciation extraordinaire qu’on ne sait pas où va le JSF, – puisque c’est ce qu’il dit lorsqu’il dit ignorer quelle évaluation est la bonne, celle du JPO ou celle de JET, – mais qu’il vaut mieux croire, après tout pourquoi pas, celle qui nous annonce des lendemains qui chantent… (“The truth is that we don’t know which will prove to be correct, but there’s no reason to believe our testing regime will result in the kind of delays the JET is predicting.”)»
On peut donc faire l’hypothèse que la nouvelle publicité du rapport JET de septembre 2008 (l’article de CQ Politics du 23 juillet 2009) fait partie de cette bataille lancée par l’administration Obama pour tenter de déterminer “la réalité comptable et technique du programme” JSF. La question fondamentale revient effectivement à déterminer la réelle position de l’administration Obama: est-elle partie prenante dans l’opération générale de désinformation (de “virtualisation”) du programme JSF, en cours depuis plusieurs années? Ou bien, se trouve-t-elle devant le programme JSF comme devant une énigme faussaire, dont elle réalise qu’il faut absolument percer le secret pour tenter d’en reprendre le contrôle? Les divers arguments échangés durant la “bataille du F-22” faisaient pencher pour la première option. Les révélations d’Inside Defense font désormais penser que c’est la seconde qui est la bonne. Tout se joue autour de la réalisation par les autorités politiques du montage réalisé ces dernières années par l’équipe LM-JPO autour du programme. De toutes les façons, cette confrontation est inévitable parce que les réalités budgétaires sont là, bien présentes et pressantes pour l’administration Obama. Il est possible que nous soyons à l’amorce d’un “tournant profond” dans cette affaire.
Mis en ligne le 29 juillet 2009 à 06H48