BHO prend du champ

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Le président Obama commence-t-il à comprendre ce qu’il peut et ne peut pas faire à Washington? Si c’est le cas, il apprend vite ou bien, et l’on fera grand cas de ce facteur, s’agit-il des événements eux-mêmes qui lui imposent ce rythme. On s’arrête en effet sur un très court article du Times de Londres, du 16 février, qu’on attachera plus à la question de l’évolution possible de la psychologie de BHO qu’à celle de l'intérêt de cet article pour la situation politique aux USA.

…Pourtant le titre ne manque pas d’intérêt par son ambiguïté: «Barack Obama signs law to avoid catastrophe.»; par son caractère un peu abrupt, un peu “court” si on le prend au premier degré; éventuellement par son ironie, si on préfère le deuxième degré, impliquant qu’avec ce plan on est loin du compte, pour “éviter la catastrophe”, – et, dans ce cas, le sens est évidemment très juste. Mais ceci est après tout plus intéressant: Obama signe la loi votée par le Congrès, non en son bureau ovale mais à Denver, Colorado, bien loin de Washington D.C., cette prison à peine dorée et grouillante d’un infernal et inextricable désordre alimenté aux lobbies, aux magouilles, aux complots, aux influences… On dit également, autour de lui, qu’il adopterait désormais cette “stratégie” de s’adresser au public US, loin de Washington D.C., pour obtenir le soutien de sa politique plutôt que tenter d’obtenir le soutien des républicains. Après trois semaines d’efforts du président et de son équipe vers les républicains, tous les républicains de la Chambre ont voté contre son plan, et trois sénateurs républicains seulement l’ont soutenu.

«Mr Obama will sign the Bill in Denver, rather than Washington, as his aides say that he will spend increasing amounts of time away from Capitol Hill. This is part of a strategy to focus more on selling his policies to the public instead of trying to win Republican support.

»The stimulus plan, aimed at reviving the stricken US economy by creating or saving up to four million jobs in two years, passed Congress this weekend with almost unanimous Republican opposition. No member of the House of Representatives voted for it, while just three in the Senate backed it. Mr Obama says it is critical to stop America sliding into economic catastrophe, but Republicans say it is filled with wasteful, unfocused spending that will have little stimulative impact, and not enough tax cuts. They also claim that they were shut out of the Bill-writing process.»

Encore une fois, la rapidité des événements nous confond. En trois semaines, effectivement, Obama semble avoir fait le tour de ce qu’il pouvait attendre du soutien politique unanime (“bipartisanship”) qu’il demandait dans ces temps de grand danger. De ce point de vue, son “plan de stimulation” est un échec complet. Il a montré que Washington D.C. est plus divisé que jamais, plus partisan qu’il n’a jamais été, après une élection triomphale, une transition remarquable et une inauguration qui avait pour but de présenter le grand thème d’une union nationale face à la crise. Il semble qu’Obama entende d’ores et déjà envisager de tirer des conclusions des événements, et modifier effectivement sa stratégie à mesure. Son argument implicite est évidemment que la crise n’attend pas, qu'il est mal armé pour l'affronter sans un puissant mouvement de soutien.

Par conséquent, il se tourne vers le peuple. Ce qui apparaissait évidemment comme une mesure défensive il y a une semaine, – aller plaider devant des foules rassemblées pour l’occasion en faveur de son plan alors que les négociations avec les républicains se poursuivaient, – devient aujourd’hui la prémisse de ce qui pourrait être cette nouvelle stratégie. Signer solennellement la nouvelle loi (le plan de stimulation) à Denver et pas à la Maison-Blanche représente effectivement un geste symbolique d’une certaine force, signifiant à l’establishment washingtonien que le président est prêt à s’appuyer sur son acquis de l’élection, sur la popularité suscitée à cette occasion, pour forcer Washington à le soutenir, – ou bien combattre Washington?.

En fait de “stratégie”, ce n’est en effet pour l’instant qu’une tactique. Le vrai problème, si effectivement cet effort plutôt “populiste” a lieu, est de savoir ce qu’Obama va faire dans le cas où cette pression ne donne pas de résultat et où les républicains maintiennent effectivement leur attitude.

Les républicains, de leur côté, font-ils de la tactique ou de la stratégie? Ont-ils une attitude négative pour obtenir des avantages ou bien veulent-ils développer une politique systématique d’opposition? Leur attitude finale à l’égard du plan de stimulation, où ils ont obtenu pourtant beaucoup, fait penser que le deuxième terme de l’alternative est le bon. D’ailleurs, plus qu’une “stratégie” dans le sens d’une ligne délibérée, nous parlerions d’un maximalisme poursuivie, qui a été leur ligne constante durant les années Bush, et qu’ils poursuivent par logique idéologique ou logique nihiliste c’est selon, plus conduits par la force de cette dynamique que la conduisant eux-mêmes.

En ce sens, Obama est dans une impasse par rapport à ses intentions initiales. Il a proclamé la nécessité d’un “bipartisanship” alors qu’il aurait pu choisir une autre voie politique à Washington. Désormais, il faut contraindre les républicains à collaborer ou bien, effectivement, trouver une autre voie, plus originale, une voie “populiste” d’appel au peuple pour obtenir son soutien contre Washington. On se trouve alors devant une perspective notablement déstabilisante puisqu’on fait entrer directement le facteur de l’opinion publique, et d'une opinion publique de plus en plus instable, de plus en plus passionnée, dans l’équation du pouvoir. Obama se trouve devant les perspectives que nous avons si souvent évoquées, que d’autres, comme Martin Wolf évoquent également. L’évolution de la situation à Washington, aux USA plutôt puisque Obama se balade à travers le pays, représente le cas assez classique pour Washington D.C. d’une montée aux extrêmes, mais avec une très grande vitesse et dans un contexte qui pourrait devenir tragique à cause de la pression de la crise.


Mis en ligne le 17 février 2009 à 10H12