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1554Philip Weiss, de MondoWeiss et InformationClearingHouse (ICH) appelle désormais la chose : “le scandale du discours de Netanyahou” («Netanyahu Speech Scandal Blows Up», dans ICH le 30 janvier 2015). Tout cela est parti d’une invitation du Speaker de la Chambre John Boehner de parler devant les Chambres réunies en Congrès le 3 mars prochain, faite à Netanyahou pour qu’il vienne exposer les raisons pour le renforcement d’une politique US d’antagonisme de l’Iran, – sanctions, et même pire si nécessaire. L’invitation “personnelle” de Boehner a été faite il y a une dizaine de jours et elle a été à peine notée. Depuis, il est apparu que l’initiative était si imprudente et si incongrue qu’elle se transformait en un “scandale” qui pourrait devenir une crise.
Même les partisans et les acteurs les plus déclarés de l’emprise d’Israël sur la politique US par l’intermédiaire du Congrès, – y compris l’AIPAC qui préfère “se laver les mains” de cette affaire, – sont en très grande majorité opposés à cette initiative dont ils jugent qu’elle pourrait porter un coup terrible à ces mêmes fameuses “relations privilégiées” Israël-USA. Il est vrai que Boehner a lancé son invitation sans consulter personne de l’administration, et qu’il l’a faite au nom des seuls républicains, spécifiquement pour torpiller la politique iranienne du président.... Weiss écrit notamment
«In the last 24 hours the controversy over the planned speech by Israeli PM Benjamin Netanyahu to both houses of Congress on March 3 to rebut the president’s policy on Iran has blown up to a new level. Muted outrage over the invitation has turned into open rage. The opposition to the speech by major Israel supporters across the political spectrum, liberal J Street, center-right Jeffrey Goldberg, and hard-right Abraham Foxman, all of whom say the speech-planners have put the US-Israel relationship at risk by making it a political controversy in the U.S., has been conveyed to the Democratic establishment.
»The New York Times and Chris Matthews both landed on the story last night, a full week after it broke, to let us know what a disaster the speech would be if it’s ever delivered. So these media are acting to protect the special relationship by upping the pressure to cancel the speech. With even AIPAC washing its hands of the speech, it sure looks as if Israel supporters want an exit from this fiasco. Jettisoning Israeli ambassador Ron Dermer or cancelling the speech would seem like a small price to pay in the news cycle next to a spectacle in which leading Democrats are forced to line up against Netanyahu in Washington, even as they file in and out of the AIPAC policy conference and praise Israel to the skies...»
• C’est effectivement le majestueux New York Times, supporteur inconditionnel de tout ce qui ressemble de près ou de loin à Israël, qui nous informe de la fureur de l’administration Obama, et du président lui-même, à propos de cette invitation qui pulvérise le protocole, les us et usages diplomatiques, qui humilie la fonction de président et ainsi de suite ... L’article met en cause l’ambassadeur israélien à Washington, Ron Dermer, rendant ainsi sa position proche d’être intenable dans sa fonction actuelle (le 29 janvier 2015).
«The Obama administration, after days of mounting tension, signaled on Wednesday how angry it is with Israel that Prime Minister Benjamin Netanyahu accepted Republican leaders’ invitation to address Congress on Iran without consulting the White House. The outrage the episode has incited within President Obama’s inner circle became clear in unusually sharp criticism by a senior administration official who said that the Israeli ambassador, Ron Dermer, who helped orchestrate the invitation, had repeatedly placed Mr. Netanyahu’s political fortunes above the relationship between Israel and the United States.»
• Des journalistes américanistes, juifs eux-mêmes et défenseurs des relations privilégiées des USA avec Israël, ne se privent nullement d’attaquer l’initiative de Netanyahou. Eux aussi reprennent l’idée centrale que ce discours, voulu par les protagonistes, – Boehner lui-même et les républicains, et Netanyahou bien sûr, – et perçu par les commentateurs comme une véritable insulte au président, au lieu de mettre en exergue et de renforcer les relations privilégiées Israël-USA, produit son contraire. Il met en pleine lumière une caricature outrancière marquée par un mépris extraordinaire de celui qui représente la souveraineté des USA (le président), et cela dans le but, dans le chef des deux protagonistes, d’obtenir des avantages politiciens intérieurs. (Boehner et les républicains, pour renforcer leur position face au président, Netanyahou pour renforcer sa position à la veille d’élections cruciales en Israël). Dans Forward, dès le 22 janvier 2015, Abe Foxman, de tendance “dure” et partisan d’une attaque contre l’Iran, président de l'Anti-Defamation League (AFL) qui est un des relais de l’influence israélienne aux USA, condamnait l’idée du discours : «This looks like a political challenge to the White House and/or a campaign effort in Israel... I certainly support the sanctions if the deal doesn’t come through but having said that, the invitation and acceptance is ill-advised for either side. It is too important an issue to politicize it.»
Jeffrey Goldberg, autre journaliste des milieux américanistes et également juif, mais de tendance plus modéré que Foxman, détaille, dans DefenseOne.com, le 28 janvier 2015, les dégâts considérables que ce discours est en train de causer au monde politique washingtonien impliqué dans ces relations privilégiées Israël-USA ...
«Netanyahu’s management of his relationship with Obama threatens the bipartisan nature of Israel’s American support. His Dermer-inspired, Boehner-enabled end-run has alienated three crucially important constituencies. First, the administration itself: Netanyahu's estrangement from the Obama White House now appears to be permanent. [...] Netanyahu has also alienated many elected Democrats, including Jewish Democrats on Capitol Hill. One Jewish member of Congress told me that he felt humiliated and angered by Netanyahu’s ploy to address Congress “behind the president’s back.” [...] A larger group that Netanyahu risks alienating is American Jewry, or at least the strong majority of American Jews that has voted for Obama twice... [...]
»Why doesn’t Netanyahu understand that alienating Democrats is not in the best interest of his country? From what I can tell, he doubts that Democrats are—or will be shortly—a natural constituency for Israel, and he clearly believes that Obama is a genuine adversary. As I reported last year, in an article that got more attention for a poultry-related epithet an administration official directed at Netanyahu than anything else, Netanyahu has told people he has “written off” Obama...»
• Enfin, l’adversaire inconditionnel de l ‘influence israélienne aux USA, Justin Raimondo, ne manque pas de consacrer sa rubrique bihebdomadaire d’Antiwar.com à cette affaire, le 30 janvier 2015. Raimondo en profite pour rappeler, dans sa chronique, tout ce qui l'oppose à ces relations privilégiées, – ce qui n’est pas nouveau ni nécessairement essentiel. Le début de son analyse s’attache pourtant à mesurer l’impact de ce “scandale” Netanyahou, ses dimensions, sa signification ...
«Sneaking around behind the President’s back to invite a foreign leader to address Congress – specifically for the purpose of undermining how the chief executive conducts US foreign policy – would normally be regarded by patriotic conservatives with unmitigated horror. Imagine, for example, if a Democratic Congress had invited Daniel Ortega to address the assembled solons back in the 1980s, when President Reagan was (covertly) funding and supporting a contra movement to overthrow the Sandinista regime. Heads would’ve exploded all across the political spectrum, not just on the right. While this example is somewhat more dramatic than House Speaker John Boehner’s invitation to Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu – for the specific purpose of undermining the nuclear talks with Iran – it isn’t by much.
»The Boehner ploy has split the pro-Israel community down the middle, with such stalwarts as [...] former US Ambassador to Israel Martin Indyk – founder of the staunchly pro-Israel Saban Center at the Brookings Institution, – saying: “Netanyahu is using the Republican Congress for a photo-op for his election campaign, and the Republicans are using Bibi for their campaign against Obama. Unfortunately, the US relationship will take the hit. It would be far wiser for us to stay out of their politics and for them to stay out of ours”... [...] The shock waves are extending in all directions in response to this act of political sabotage, reaching even the far-right shores of Fox News, where anchors Chris Wallace and Shepherd Smith engaged in a most unusual dialogue, pillorying the usually sacrosanct Israelis...»
L’initiative de Bibi Netanyahou, machinée par l’ambassadeur Dermer à Washington, que certains préfèrent appeler “ambassadeur de Netanyahou” plutôt que lui donner son titre officiel d’“ambassadeur d’Israël”, n’a rien pour étonner lorsqu’on se souvient de son comportement à l’égard de la manifestation du 11 janvier à Paris, suite à l’attaque contre Charlie-Hebdo. Hollande avait demandé à Netanyahou de s’abstenir de venir et Netanyahou est venu ; on l’avait placé au deuxième rang de la manifestation et il a d’autorité exilé un président africain à sa place pour pouvoir figure au premier rang ; dans un climat institué par la direction française d’unité nationale et de réconciliation, il a exhorté les juifs français à quitter la France pour Israël, etc. Et tout le monde de souligner, à voix haute ou l’air entendu, que Netanyahou se trouvait en campagne électorale et qu’il importait qu’il ait une grande stature au niveau de la communication. Le discours de Washington est de la même eau. Par conséquent, il n’est pas approprié de le placer dans le cadre de la démonstration de la puissance de l’influence d’Israël sur la politique des USA, – d’autant plus que tout le monde, à Washington, AIPAC compris, souligne combien ce discours est au contraire dommageable pour cette influence.
Le comportement de Bibi Netanyahou, personnage qu’on pourrait décrire “sans foi ni loi” du point de vue de l’étique politique et des pricipes, indique que nous n’avons pas affaire à la problématique de l’influence israélienne ou plus précisément sioniste aux USA, mais à la transformation accélérée du comportement humain en un individualisme cynique, autiste, dénué de tout sens des responsabilités et de toute référence à un bien collectif, – fût-ce celui de sa propre patrie dont on affirme hautement l’importance pour soi-même (cas de Netanyahou pour Israël). Bibi n’agit que pour lui, pour sa position dans les élections, pour conserver sa place de Premier ministre, son prestige, sa notoriété, et rien d’autre. Les autres acteurs de la pièce (Boehner bien sûr, Obama lui-même) sont tous également pitoyables, mais en l’occurrence ils servent tout de même à éclairer le caractère odieux et complètement déstructurant de la démarche du Premier ministre israélien. Aucun des deux système, – le système israélien comme le système de l’américanisme, – ne sort intact de cette analyse, chacun d’eux montrant des tares irréfragables.
Bien entendu, la principale victime, surtout si Netanyahou remporte les élections, est à chercher du côté des relations privilégiées entre les deux pays, et bien entendu des relations entre Netanyahou et Obama, dont la haine réciproque déjà bien implantée devrait devenir dévastatrice. En effet, même si Netanyahou a chassé Obama de la catégorie des êtres dont il accepte l’existence en affirmant qu’il ne comptait plus, le même Obama reste à la Maison-Blanche jusqu’en janvier 2017 et c’est avec lui qu’Israël devra tout de même traiter. Pire encore, le comportement de Netanyahou a poussé à une évolution des démocrates, regroupés autour du président, et qui sont conduit à une attitude politique au moins de réserve vis-à-vis d’Israël sous la conduite de ce Premier ministre-là.
Outre ses diverses obsessions, dont l’Iran occupe la première place, Netanyahou est résolument un individualiste sans aucun sens de la solidarité principielle, donc un homme de division et de désordre par définition, y compris en Israël même. En l’occurrence, le désordre auquel il atteint dans les relations israélo-américanistes, après des années de désordre effectif, atteint à ce que nous nommons l’“hyper-désordre” (voir le 17 décembre 2014, paragraphe «Du désordre global à l’hyper-désordre global»). On le sait bien selon notre rangement, il s’agit du point de désordre (désordre-Système causé par la surpuissance du Système) où le désordre, par divers effets et chocs en retour, s’invertit dans son orientation et devient un désavantage pour la cause-Système dont il est issu et qui semblait irrésistible. Ainsi, le désordre porté par Netanyahou, homme qu’on jugeait redoutable dans l’affirmation de la puissance de l’influence israélienne à Washington, finit-il par engendrer cet hyper-désordre dont sont d’abord victimes cette puissance et tous ceux qui la servent à Washington. C’est désormais un cheminement classique de la surpuissance-Système vers une posture antiSystème involontaire et autodestructrice, et Netanyahou l’accomplit à sa façon, avec la grâce et l’allant d’un bulldozer, sans prêter attention à tous les dégâts qu’il cause autour de lui. L’affaire est bien partie pour créer un imbroglio washingtonien dont on ne peut que se réjouir, d’où il serait étonnant que ne sorte pas l’un ou l’autre prolongement fâcheux pour cette cause, et, probablement, avec une ou l’autre tête destinée à sauter, – notamment celle de l’ambassadeur israélien à Washington.
Mis en ligne le 30 janvier 2015 à 13H09
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