BMDE: alors, on se décide?

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D’un côté, les négociations START (réduction des armes stratégiques nucléaires) marchent bien, entre Russie et USA, pour un nouveau traité START-II à la fin de l’année; d’un autre côté, elles ne marchent pas si bien, et l’on sent poindre un certain agacement du côté russe… Toujours le même problème: les anti-missiles US en Europe (BMDE), dont la problématique est nécessairement liée à celle des START, à cause des interférences des anti-missiles dans les paramètres opérationnels des engins nucléaires stratégiques offensifs.

L’agacement russe porte sur un seul point, cette demande de plus en plus pressante aux USA: alors, est-ce que vous décidez? BMDE ou pas BMDE? Ce qui se traduit par des remarques acerbes du chef d’état-major de l’armée russe, le général Nikolaï Makarov, et d’autres, à propos du BMDE, selon AFP le 5 juin 2009.

«“While the situation in the world is unclear, including concerning the missile defence system, we will not touch our nuclear potential,” Russian news agencies quoted the army's chief of staff Nikolai Makarov as saying. […] “We will be making practically no changes to the Russian strategic missile forces,” added Makarov. “Strategic nuclear forces are a sacred question for us and we will give them as many resources as required to preserve stability in the world and keep it at an appropriate level,” he added.

»A senior Russian diplomat said this week that Moscow was still awaiting a “concrétisation” of signals from the US on the missile shield, which he said Russia still deemed “an unnecessary complication in bilateral relations.”»

Parallèlement, les nouvelles concernant les négociations START elles-mêmes sont bonnes. Une source au ministère des affaires étrangères, citée le même 5 juin, les qualifie de “constructives”. Le contraste est étonnant entre cette bonne humeur sur l’essentiel et cet agacement sur cette affaire des BMDE, qui est à la fois un problème de poids stratégique assez annexe, mais avec une charge politique considérable et une absence complète de sens stratégique bien précis puisque répondant à des approches stratégiques complètement divergentes. D’un côté, la fable de la menace des missiles iraniens subsiste, et l’administration Obama affirme qu’elle continue à évaluer cette menace, alors qu’elle reçoit des indications sérieuses sur son caractère absolument fictif. De l’autre, certains officiels US ont déjà admis que la question du BMDE devait entrer dans la logique de l’équilibre nucléaire stratégique entre les USA et la Russie, ce qui laisse bien peu de chances de survie au système et ne lui laisse plus aucun rapport avec le mythe iranien.

Si l’on comprend bien, ce que les Russes reprochent à l’administration Obama, c’est moins d’insister en faveur du système BMDE que de repousser une décision à ce propos, – décision qui, pour les Russes, ne peut être que celle de l’abandon du système, – sinon, autant arrêter les négociations START sur le champ, ils l’ont déjà laissé entendre. Si les Russes continuent à affirmer que les négociations START vont bien et que seule une décision sur le BMDE empêche ce qui serait sans doute une avancée décisive, c’est soit qu’ils estiment que cette décision est acquise et que l’administration Obama n’ose pas l’annoncer publiquement de crainte des réactions dans divers secteurs du complexe militaro-industriel; soit qu’ils constatent un brusque recul de cette même administration sur cette question du BMDE; soit qu'ils jugent que l'administration Obama veut faire pression sur l'Iran avec cette affaire du BMDE, ce qui n'a pas lieu d'être, selon eux (les Russes), dans une négociation stratégique START.

Dans tous les cas, on peut considérer pour acquis le principe, du côté de l’administration Obama, de l’abandon du système pour avoir un traité START qui est essentiel pour Washington mais faire l’hypothèse, d’autre part, d’une puissante opposition larvée dans les milieux de sécurité nationale et industriels US à cet abandon, et la crainte de réactions à cet égard. Il est vrai qu’on observe les mêmes évolutions dans différentes affaires parallèles, où l’administration Obama voudrait abandonner la politique de l’administration GW Bush, et où les obstacles se renforcent à mesure de l’avancée dans ce sens. (La remarque vaut pour l’Iran, pour Israël, etc.) A un moment ou l’autre, l’habileté ne suffira plus, et il faudra prendre l’une ou l’autre décision qui risque effectivement d’installer une situation de confrontation à Washington. Le BMDE est un bon candidat pour cela parce qu’il y a un délai rapproché pour le traité START et qu’il faut en boucler les grandes lignes dans les prochaines semaines, – donc, se décider sur le BMDE…


Mis en ligne le 9 juin 2009 à 17H28