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1087Le système toujours au “top” de sa forme, comme on dit en langage fun… Donc, rengaine, – une fois de plus, la gigantesque machinerie washingtonienne montre sa totale incompétence. Ainsi s’exclament les Etats de l’Union touchés par la catastrophe pétrolière de la station Deepwater Horizon BP/Golfe du Mexique. Il faut lire dans le Times de ce 25 mai 2010 les bruits et les exclamations de la révolte des autorités des Etats touchés par la catastrophe contre l’immobilisme de Washington et de ses gigantesques moyens d’hyperpuissance.
«Fury over the handling of the BP oil disaster intensified yesterday as state officials challenged federal authorities, accusing them of bureaucratic fumbling and betrayal as the slick took over 65 miles of Louisiana coastline.
»Even as the oil company continued to empty toxic dispersant into the Gulf of Mexico — defying an order by the US Environmental Protection Agency (EPA) to stop, and using data protection regulations to keep details of its content secret — those fighting the spill complained that they were being made to seek formal permission for their efforts, resulting in critical delays.
»Millions of feet of protective boom requested weeks ago have not arrived. Fishing boats commissioned by BP to help to set up defences remain idle, prompting parish officials in Louisiana to commandeer 30. In the absence of a long-awaited permit from the US Army Corps of Engineers to start creating offshore sand barriers, the mayor of one city said he had even contemplated resorting to piracy.
»Bobby Jindal, the Louisiana Governor, said that he and others were “taking matters into our own hands” and would be prepared to fight the Government in court. “I urge you to take counsel with others in the Administration . . . before allowing the New Orleans District to provoke an unnecessary constitutional confrontation between state and federal governments at a time that we all ought to rise above petty jurisdictional concerns to work together to prevent an unprecedented environmental disaster in the making,” Buddy Caldwell, the attorney-general of Louisiana, wrote to the commanding general of the Army Corps of Engineers.
»Craig Taffaro, president of the St Bernard Parish, said: “Either the coastguard has to side with its American citizens and protect its communities, or it has to side with a major world corporation named BP and betray American citizens in that process.” Billy Nungesser, president of the neighbouring Plaquemines Parish, said that coastguard officials “should all lose their jobs”. “None of them gives a rat’s a** about this marsh,” he said.»
@PAYANT Bien sûr, BP montre son incompétence, sa voracité pour le seul gain, son absence totale de capacités de protection sérieuse, sa pratique du mensonge du système de la communication… Mais Washington, qui vomit BP et menace même d’avoir sa peau, vaut-il mieux ? Qui finira par comprendre qu’il vaut aussi bien, sinon mieux, d’avoir la peau de Washington que celle de BP, et, encore mieux, d’avoir la peau de Washington en même temps que celle de BP ?
Dans tous les cas, il semble bien que la fureur soit sur le point de laisser la place à la révolte et à la mutinerie. Bobby Jindal, le gouverneur de Louisiane et star d’origine indienne du parti républicaine, mène la révolte. Il veut prendre en mains les opérations, constatant la totale incompétence de Washington paralysé par son habituelle bureaucratie, ses querelles de prérogatives entre les myriades de départements et d’agences. Une fois de plus, on assiste au processus classique de réaffirmation de l’autorité et de la souveraineté de l’Etat de l’Union contre le centre, incapable d’assurer les devoirs qu’il doit au citoyen américain. (Quoi qu’en disent les bonnes âmes pleines de bons sentiments, il s’agit exactement du même processus que dans le cas de l’Arizona et de l’immigration illégale.) Il y a l’amorce d’un regroupement des Etats menacés et touchés par la catastrophe BP, pour conduire une action autonome et indépendante. Les gardes-côtes (U.S. Coast Guard) tout comme les ingénieurs de l’armée (U.S. Army Corps of Engineers), sont mis en accusation pour leur complète inaction, embourbés dans les processus bureaucratiques et dans l’absence de directives, de coordination, de planification d’action. (Le U.S. Army Corps of Engineers avait déjà été mis en accusation lors de la catastrophe de l’ouragan Katrina, pour n’avoir pas aménagé des digues de protection suffisante pour protéger La Nouvelle Orléans.) Le système est vraiment au “top”: à l’incompétence et à l’indifférence criminelle du corporate power du secteur privé s’ajoutent l’incompétence et la paralysie du prétendu “secteur public”.
De ce point de vue de l’état du système, la situation est pire qu’avec Katrina. En septembre 2005, les réactions de Washington, et notamment de la FEMA (organisme chargé des catastrophes naturelles) avaient été très lentes et peu coordonnées mais, après plus d’un mois, il y avait tout de même une action générale en cours. Cette fois, Washington s’est complètement replié derrière les obligations de BP, tout en dénonçant BP pour son incapacité à faire face à ses obligations. Pendant ce temps, le pétrole coule à flot, Barack Obama ne cesse de clamer son indignation et les grands corps du système fédéral laissent faire sans intervention notable.
La catastrophe de la plate-forme Deepwater Horizon ajoute donc un épisode à la démonstration de la paralysie totale du système, à sa tendance à la destruction de l’environnement, soit par action prédatrice soit par impuissance à agir contre celle-ci, à la sclérose complète de sa structure bureaucratique. Il y a la confirmation, une de plus là aussi, de la situation d’un système qui a dépassé son pic de compétence pour dégringoler dans l’incompétence et l’impuissance structurelles, et indirectement criminelles lorsqu’on évalue les conséquences. Les querelles portent sur les compétences, les prérogatives, les responsabilités, et nul ne semble s’aviser que l’essentiel pour le moment est une action décidée pour sauver ce qui peut l’être, en même temps qu’une initiative décisive, s’il y en a une, pour stopper la catastrophe qui se poursuit.
L’effet de cette sorte de circonstances devenue endémique est toujours le même. Il renforce un peu plus la perception de l’inutilité nuisible du centre, de son incompétence et de son impuissance, de l’inutile et grotesque agitation politicienne de l’establishment qui ne trouve de mesures plus urgentes à prendre alors que le pétrole coule à flots que d’organiser au Congrès des auditions des dirigeants pétroliers pour les mettre en accusation, – eux, et pas le système. Ce même effet renforce et accélère la perception centrifuge de la nécessité de l’action souveraine des Etats de l’Union. Il y a désormais une dimension politique dans cette catastrophe qui réunit par conséquent toutes les habituelles caractéristiques du processus d’effondrement du système. Cette dimension politique est évidemment celle de la mise en cause de la structure fédérale des USA, au profit de la souveraineté des Etats de l'Union. La catastrophe de Deepwater Horizon tend à devenir une crise structurelle de plus du système en s’inscrivant dans la structure crisique qui caractérise le processus d’effondrement de ce même système.
Mis en ligne le 25 mai 2010 à 08H41
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