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Un lecteur, “Bilbo” (ou “monsieur Bilbo”? Ce sera mieux…) nous adresse aujourd’hui un message qu’on retrouve notamment sur le Forum de note F&C du 21 octobre 2009, son message étant, lui, du 23 octobre 2009, qui est d’un double intérêt.

• Du premier de ces sujets d’intérêt, qui est une matière générale concernant les relations possibles de ses lecteurs avec le site dedefensa.org, sur le sujet d’articles extérieurs à signaler et de commentaires éventuels de ces mêmes lecteurs, nous reparlerons sans aucun doute très vite. Réservons donc cette matière, sans en dire un mot de plus – sinon, pour le cas évident de signaler que le message a été reçu, entendu, et qu’il suscitera des commentaires de notre part.

• Du second de ces sujets d’intérêt, plus particulier et concernant un problème du monde en cours, monsieur Bilbo signale à notre attention et à l’attention de tous un article du Washington Post du 21 octobre 2009, repris en version française sur ContreInfo le 22 octobre 2009.

Il s’agit sans aucun doute d’un sujet de la plus extrême importance, puisqu’il décrit dans les relations courantes ce qu’on pourrait effectivement désigner comme une révolte japonaise. Par ailleurs, la chose n’est pas inattendue, comme nous l’avons signalée à plusieurs reprises, et sous des formes différentes. Il n’empêche, monsieur Bilbo a tout à fait raison de signaler l’importance des détails données, et des implications à attendre. Il cite notamment ces deux extraits, venus de la version française de l’article du Post.

«“La semaine dernière, des officiels du PDJ ont annoncé que le Japon se retirait d’une mission assurée depuis huit ans dans l’océan Indien, qui consistait à ravitailler les navires de guerre qui soutiennent forces de la coalition en Afghanistan. Ils ont également promis de rouvrir les discussions sur un ensemble d’accords militaires – d’un montant de 26 milliards de dollars – qui comprend la relocalisation d’une base d’hélicoptères des Marines US au Japon, ainsi que le départ de 8 000 Marines qui doivent quitter le Japon pour Guam. Après plus d’une décennie de pourparlers, les États-Unis et le Japon étaient parvenus à un accord en 2006. […]

»Le 9 septembre, M. Morrell a exigé que le Japon poursuive ses opérations de ravitaillement dans l’océan Indien. Le lendemain, M. Fujisaki a répondu qu’une telle décision “appartenait au Japon”, puis a ensuite déclaré que le Japon et les États-Unis n’étaient “pas en de tels termes qu’ils doivent dialoguer par le truchement de porte-paroles”. Le gouvernement Hatoyama a annoncé qu’il ne prolongerait pas la mission de ravitaillement après son échéance, en janvier.»

Nous ajouterions, quant à nous, ces dernières lignes de l’articles, reproduisant les réactions de Kent Calder, directeur du Centre Edwin O. Reischauer d’études extrême-orientales à l’Université Johns Hopkins, ancien diplomate spécialiste du Japon, témoin de l’accrochage public entre un haut fonctionnaire du département d’Etat et des représentants du Japon, le 14 octobre, au cours d’un séminaire, portant sur les accords US-Japon sur les bases militaires US au Japon signés en catastrophe par le gouvernement précédent sous la pression du Pentagone, comme nous le signalions le 5 septembre 2009: «“Je n’ai jamais vu cela en 30 ans”, avoue M. Calder. “Je n’ai jamais entendu les japonais répondre ainsi à des diplomates américains, surtout pas publiquement. Les Américains disaient généralement: “Nous avons un accord”, et les Japonais répondaient: “Aah soo desu ka” – “Nous avons un accord” – et c’était terminé. Tout ceci est nouveau”.»

“Tout ceci est nouveau”, sans aucun doute, et nous remercions vivement monsieur Bilbo de nous avoir signalé cet article, que nous nous permettons de commenter brièvement ci-après. Effectivement, l’atmosphère dont rend compte l’article est significative de la situation des relations nippo-américanistes, mais nullement réduites à celles-ci, et c’est là l’essentiel, comme l’importance de la chose.

@PAYANT Il est vrai que nous avons tendance à en revenir à cette Note d’analyse du 5 septembre 2009 où nous classions la “révolte” nipponne au milieu d’autres du même type, comme celle des pays d’Amérique du Sud, l’attitude du Brésil vis-à-vis du Rafale, le préoccupations britanniques à propos des “relations privilégiées“ avec les USA, etc. Nous croyons beaucoup, à ce propos, à “l’air du temps”, à un climat psychologique, à une perception générale dont la dynamique nous échappe, tout cela avec des petites allures maistriennes. Dans le cas du Japon, il s’agit moins d’une révolte du Japon, même si c’en est une, et de taille, que de l’affaiblissement tragique de la puissance US et de la perception qu’on en a.

Dans ce cas, comme dans les divers cas évoqués, notamment le cas très puissant des pays d’Amérique du Sud, il devient essentiel de montrer les signes de révolte et de mésentente, et nullement de les dissimuler comme il était de coutume jusqu’alors quand il y en avait. C’est pour cette raison que les incidents ont la vigueur que l’article signale, et il est assez probable que cet aspect spectaculaire va lui-même entraîner le cercle vicieux de l’accroissement de la perception du déclin, de la nécessité de s’affirmer encore plus face à ce déclin pour récupérer pour soi-même les attributs de sa souveraineté. En un sens, l’on dirait que le déclin US modifie radicalement une situation où les USA exerçaient avec une impudence confondante leur influence sur le pays concerné sous la forme de l’ingérence la plus grossière, exerçant pour leur compte une sorte de légitimité et de souveraineté par parrainage du type mafieux assez classique dans le milieu du crime organisé dont ils (les USA) sont excellents connaisseurs. Leur déclin crée littéralement un vide, notamment au niveau des attributs de la légitimité et de la souveraineté. L'on sait que la politique est comme la nature même , qu'elle a horreur du vide. Les autorités nationales, jusqu’alors soumises, sont conduites à s’affirmer très rapidement et très puissamment, avec d’autant plus de verve que la tutelle a pesé lourd et qu’elle s’est avérée d’une grossièreté sans bornes. La chose se fait d’autant plus aisément à l’occasion d’un changement de personnel, remplaçant les défroques de la soumission de l’époque d’avant.

En soi, c’est-à-dire dans un contexte isolé, la “révolte” japonaise n’aurait sans doute guère d’avenir; mais dans l’“air du temps” et avec le déclin US, elle a les plus grandes possibilités de se développer sans que les USA ne lèvent le petit doigt. D’ailleurs, comme on le voit par ailleurs pour des problèmes mariant l’aspect de l’impuissance budgétaire et de l’impuissance bureaucratique qui sont des aspects de ce déclin (la question de la crise des moyens de l’USAF à cause de la pompe à fric qu’est devenu le catastrophique programme JSF) , les moyens techniques des USA pour imposer la servilité sont eux-mêmes dans une situation de chute vertigineuse de leurs capacités et encouragent à mesure la reprise du pouvoir dans les pays jusqu’alors soumis.


Mis en ligne le 23 octobre 2009 à 15H06

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