Chaos-USA : les flics post-Ferguson et l’Ukraine

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Chaos-USA : les flics post-Ferguson et l’Ukraine

L’intérêt du système de la communication new-look de la Russie est qu’il vous conduit également à ce que le système de la communication US peut avoir d’intéressant dans ses considérations sur la situation de notre époque postmoderne, et particulièrement, pour la presse qui garde son indépendance, sur la situation véridique des USA eux-mêmes. Ainsi en est-il de l’article très court de Sputnik.News du 21 juin 2015, citant le journaliste et fondateur de The American Conservative, Scott McConnell. La thèse de McConnell, rapportée par Sputnik.News est que la politique des néo-conservateurs, – c’est-à-dire cette politique-Système dans notre jargon, qui traduit opérationnellement l’impulsion déstructurante et dissolvante du Système, – conduit à être extrêmement dur dans la politique extérieure et extrêmement laxiste dans la politique intérieure. Le résultat est que cette politique sème le chaos (le désordre) à l’extérieur et laisse proliférer le chaos (le désordre) à l’intérieur.

Si l’on se rapporte à McConnell directement, on découvre qu’il importe de consulter deux articles successifs, parus effectivement dans The American Conservative, respectivement le 10 juin 2015 et le 17 juin 2015. Le second se nourrit du premier pour décrire l'opérationnalisation de la formule maximaliste de l'équation “chaos intérieur + chaos extérieur”.

• L’article du 10 juin de McConnell se réfère à un article du 29 mai 2015, de l’universitaire-statisticienne Heather Mac Donald, dans le Wall Street Journal, nous instruisant de la “nouvelle vague criminelle” qui submerge les USA. Mac Donald parle d’un “effet Ferguson”, expliquant simplement que les récents troubles qui ont mis en cause la brutalité policière anti-noire et imposé des mesures draconiennes, – essentiellement, comme la prise de vue automatique par caméra numérique du comportement des policiers lors d’une interpellation, – a conduit ces mêmes policiers à se replier de plus en plus sur une sorte de “service minimum”. Il s’agit de leur volonté de s’impliquer dans le moins d’interventions possibles pour courir le moins de risques possibles d’incidents, pour ne pas être pris dans des controverses qui suivraient ces incidents et où ils seraient nécessairement les accusés, comme lors de ces enchaînements qui ont conduit, à Ferguson en août 2014 et à Baltimore en avril 2015, à des inculpations de policiers. Le résultat est une montée vertigineuse de la criminalité...

«t’s hard to recall the last time a relatively short op-ed received the sort of instant vituperation rained upon Manhattan Institute fellow Heather Mac Donald’s recent piece in the Wall Street Journal. What explains it? In her piece, Mac Donald parsed recent statistics showing an uptick in urban crime, which are not yet comprehensive but certainly suggest that the 20-year trend of reduced crime is being reversed. Sharp spikes in the homicide rates in Milwaukee and St. Louis, Atlanta and Chicago. The terrifying surge in Baltimore shootings since the riots last April mostly came too late for her overview. Then she suggested a reason for the rise in crime: “The most plausible explanation of the current surge in lawlessness is the intense agitation against American police departments over the past nine months.”»

• Dans son article du 17 juin, McConnell précise encore plus son propos, en notant que Mac Donald, lorsqu’elle écrivit son article, n’avait certainement pas encore les statistiques de Baltimore après les troubles d’avril qui ont suivi la mort de Freddie Gray (un Africain-Américain), à la suite d’une intervention de la police. Après ces troubles, la criminalité a fait un bond considérable à Baltimore, que McConnell décrit de la sorte : “Nous sommes sur le point d’abandonner Baltimore, une de nos grandes villes de la côte Est, à l’anarchie de l’absence complète de légalité” (“lawlessness” : «We are on the verge of losing Baltimore, a major American eastern seaboard city, to lawlessness»). Il mentionne une vidéo du New York Times où une mère de famille éplorée décrit sa vie quotidienne à Baltimore depuis les émeutes de fin avril, dans la terreur de voir ses enfants victimes de la criminalité... McConnell met en cause l’offensive anti-policière des progressistes et des radicaux depuis Ferguson.

«The Times joined the debate over whether or not there has been spike in crime in the wake of nine months of anti-cop protests with this heartbreaking video : a mother talks to the camera about the deterioration in Baltimore’s streets following the Freddie Gray riots, which have transformed her once “crazy” neighborhood into a very dangerous one. She fears, understandably, for the safety of her children. Cops speak off-camera about their reluctance to be “proactive” in fighting crime. As yet, no one has accused The Times of “fiction” and “sophistry” for making the connection that Heather Mac Donald made after analyzing recent statistics: the propaganda and riot war waged against the cops by liberals and radicals has been devastating for the law-abiding people who live in inner-city neighborhoods.»

Il s’agit du dilemme où nous met le Système depuis le développement de ses diverses politiques,ou mieux dit de ses diverses dynamiques qui finissent, par leurs contradictions, par s’entrechoquer, sinon s’entre-détruire ou, plus encore, s’autodétruire. Le Système, qui s’exprime essentiellement par le libéralisme postmoderne, suscite parallèlement trois dynamiques ; en premier lieu un hyper-développement sécuritaire qui n’est nullement producteur de “sécurité” dans le sens d’apaisement et d’harmonie, mais d’une façon bien différente producteur de terrorisation dans le sens d’une pression soupçonneuse constante et d’une tension psychologique extrême, de crainte de tout ce qui peut le mettre en danger d’être contesté, lui, le Système ; en second lieu, une pratique de l’individualisme à outrance de type-libertaire, aboutissant à une politique sociétale et multiculturelle mettant en cause, avec tous les encouragements du système de la communication, le principe d’autorité autant que le respect de la puissance publique régalienne ; en troisième lieu, une obligation d’une “pensée-conformiste” écrasante, à partir de “valeurs” qui produisent une autre sorte de terrorisation, plutôt de caractère intellectuel, conduisant à une critique systématiquement faussaire des effets dévastateurs des deux précédentes dynamiques. (Ce tryptique est bien entendu également valable dans d’autres pays du bloc BAO, notamment en France bien sûr ; mais aux USA, il a un effet instantanément explosif et dissolvant à cause de l’extrême communautarisation du pays, de son individualisme, de la puissance des pouvoirs locaux liés à des groupes d’intérêt ou à des communautés, et enfin à l’effet évident de la prolifération extraordinaire d’armes à feu.)

Le résultat, souvent d’ailleurs selon un point de vue antiSystème, est qu’on ne peut qu’applaudir à cette fureur exercée contre les “flics” hyper-sécurisés, transformés en robots répressifs de type-hollywoodien ; qu’on ne peut que s’exclamer avec horreur devant les malheureux habitants de grandes villes livrées à l’anarchie qui va jusqu’au “crime sans loi” (on veut dire : même sans “les lois” du crime organisé classique, tel que la Cosa Nostra des “Familles” italo-américaines qui firent régner leurs lois et leur ordre dans les quartiers déshérités des grandes villes US, entre 1930 et 1980) ; qu’on ne peut que dénoncer les arguments en général développés pour expliquer ces deux réactions, par ailleurs justifiées par les situations ainsi créées par le Système. Il faut enfin observer que le résultat général, notamment pour le cas US où ce résultat a été obtenu dans un temps record, en neuf mois depuis Ferguson, est le développement d’un désordre intérieur considérable causé par ces dynamiques antagonistes du Système empêchant la moindre résolution des problèmes causés par le Système, qui pourrait aussi être désigné comme le “chaos intérieur” pour faire le pendant logique du “chaos extérieur” dont parle également McConnell...

• En effet, dans son article du 17 juin, McConnell poursuit comme on l’a vu en mettant en balance les deux politiques suivies par le Système, à l’intérieur et à l’extérieur. Au contraire de la politique intérieure qu’il juge, selon son point de vue de “paléo-conservateur” (conservateur traditionnel, anti-interventionniste à tendance isolationniste), laxiste selon les plus mauvais arguments, comme tout ce que proposent les progressistes-radicaux (toujours selon le point de vue paléo-conservateur), McConnell décrit la politique extérieure comme ultra-dure, voire proche de la paranoïa interventionniste, illustrée évidemment par l’inspiration neocon que tout le monde connaît depuis le 11 septembre 2001 avec GW Bush, et prodigieusement démultipliée, notamment depuis 2008-2010 (la “politique-Système de l’idéologie et de l’instinct” accélérée en mode-turbo par BHO). Le résultat est résumé par les dernières lignes de l’article :

«This is neoconservatism’s triumph: the creation of an entire Beltway industry, honeycombed through Congress and largely bipartisan, which finds political life not worth living without the prospect of confrontation with a distant enemy. The notion of treating Russia as a great power, acknowledging that Russia has serious security interests on its borders and treating those interests respectfully, does not occur to its members. Detente for them is a dirty word, akin to appeasement.

»In the meantime, we are on the verge of losing Baltimore, a major American eastern seaboard city, to lawlessness. From the get tough conservatives, and the liberal interventionists allied to them, not a peep about that. From neither group does one hear either defense of the police or meaningful proposals to salvage a city on the brink. It’s as if they recognize that restoring the rule of law to Baltimore would be difficult, requiring a thoughtful balance between economic investment, community organizing, and law enforcement—and would engage many layers of complicated politics. Foreign policy by contrast is easy: just send weapons to the good guys. If that doesn’t work, escalate. What could conceivably go wrong?»

Ainsi McConnell nous donne-t-il sans l’avoir précisément cherché, parfaitement résumée et surtout mise en place selon sa logique, la politique-Système dans son extension maximale, c’est-à-dire avec son aspect passif, intérieur ou “par défaut”. L’aspect agressif, expansionniste, direct et directement identifiable, est complété par l’aspect laxiste, indirect et difficilement identifiable à première vue. Le lien est mis en évidence d’une façon incontestable, il n’est plus seulement comptable et technique (effets de la politique-Système vers l’extérieur sur les budgets, sur la dette, sur l’équilibre des diverses fonctions utilitaires des directions-Système) mais fondamental puisqu’il concerne la structure même d’un ensemble nommé “société” ou “pays”, qui développe cette politique-Système. En détruisant l’extérieur du “centre” qui la produit, la politique-Système détruit son propre intérieur, et elle ne le fait pas par les voies institutionnelles sur lesquelles on peu éventuellement agir (manipulations budgétaires), mais plus fondamentalement par ses propres impuissances produisant des effets incontrôlable. La politique-Système des “idiots utiles” neocon ne programme rien de cette politique intérieure qui détruit le pays, elle laisse faire contre elle-même toutes les tendances déstructurantes et dissolvantes qu’elle dirige vers l’extérieur. Elle retourne contre elle-même, sans s’en aviser, le pistolet qu’elle braque vers les autres, simplement parce qu’elle a horreur d’intervenir dans ce domaine que, par définition, elle devrait pourtant chercher à consolider, à structurer, etc., – toutes ces choses qu’elle est absolument impuissante à faire et qui, à nouveau, lui font horreur. Plus encore, elle suscite à l’intérieur même d’elle-même des contradictions autodestructrices : au plus les cops (“flics”) sont surarmés, au plus des incidents ont lieu avec leur exploitation de communication, au plus les cops se mettent en position passive pour ne pas risquer d’implication, au plus le désordre lawlessness se développe.

Il n’y a donc en rien une “politique du chaos” (ou du désordre) des USA comme projet disons d’ordre historique, conçu d’une façon rationnelle et selon une logique découlant de cette conception, mais une logique interne irrémédiable de la dynamique elle-même, du chaos (du désordre), produite par la politique-Système en correspondance de la formule dd&e (déstructuration-dissolution-entropisation), utilisant prioritairement les USA mais éventuellement les autres supplétifs notamment et essentiellement du bloc BAO, et opérationnalisant la seule chose (le désordre) que peut être la finalité du phénomène qu’est le Système. (On ressent depuis plusieurs années et de plus en plus ce phénomène d’une pseudo-“politique” qui n’est pas dirigée ni élaborée par une volonté humaine mais qui impose sa propre conception réduite à sa propre dynamique, d’une façon autonome, dans le comportement souvent étrange ou incompréhensible de certains de ses acteurs qui mènent un combat interne pour tenter d’influer sur l’orientation de la dynamique [voir 21 juin 2015 et le 24 juin 2015 pour les cas les plus récents].)

Ce n’est pas, ce n’est en aucun cas quelque chose qui se rapprocherait de la qualification de “politique du chaos” (désordre) parce que cette dynamique ne profite à personne, qu’elle n’a aucune intentionnalité sinon celle du chaos (désordre), qu’elle est tout aussi active contre le producteur de chaos (désordre) que contre les victimes, enfin parce qu’elle n’a aucun but hors celui de l’entropisation qui ne peut être qualifié de “but” puisqu’il s’agit d’une recherche de la “néantisation” ; elle n’a littéralement aucun sens et ne peut donc être une “politique” qui a par définition un sens. Il y a un grand intérêt à mettre en évidence d’une façon aussi riche du point de vue chronologique et évènementiel, du point de vue conceptuel et du point de vue de la psychologie des principaux figurants le lien établi entre la dissolution de l’intérieur du producteur de la force et de sa pseudo-“politique” extérieure de déstructuration-dissolution. Au-delà de cette mise en évidence, on distingue beaucoup mieux combien ce producteur, c’est-à-dire ultimement le Système, se met lui-même en position irrémédiable de s’autodétruire, et très probablement de s’autodétruire avant d’avoir accompli toute la besogne dont il s’est chargé parce qu’à mesure qu’augmente sa surpuissance de destruction extérieure augmentent notamment les effets négatifs intérieurs, et par conséquent accélère l’évolution vers l’autodestruction. Au plus le Système est surpuissant et développe sa politique-Système, au plus il se détruit rapidement. C'est une constante de notre situation présente qu'on retrouve partout.


Mis en ligne le 25 juin 2015 à 15H35