Combien de guerres, combien de défaites? Deux, trois, quatre?

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Avec un sarcasme désenchanté, William S. Lind envisage une hypothèse stratégique concernant la situation US dans “l’arc de crise”, avec les engagements US effectifs en Irak et en Afghanistan, et les engagements possibles au Pakistan et en Iran. Son hypothèse, exposée aujourd’hui sur Antiwar.com, s’appuie sur l’analogie allemande des deux guerres mondiales, avec les deux fronts, à l’Est et à l’Ouest. «One way to look at the wars in Iraq and Afghanistan is to see them as one war with two fronts. Germany fought two-front wars twice in the 20th century, and it was almost able to prevail because it had the advantage of interior lines. The German Army could quickly shift divisions and corps from the Eastern to the Western front or vice versa, using the superb German rail system.» (Et, bien sûr, les USA ne disposent pas de telles facilités entre l’Irak et l’Afghanistan…)

Ce texte, qui est d’un grand intérêt parce qu’il nous fait réaliser d’une façon très concrète des situations sur le terrain, et la situation US en particulier, développe plusieurs points avant d’en arriver à ses conclusions. Ces points sont connus mais d’une façon chaotique, déstructurée. Confrontée à la réalité d’une hypothèse opérationnelle, ils prennent tout leur sens et tout leur poids.

• La première appréciation fondamentale que Lind fait réaliser à son exacte signification est la situation catastrophique des forces armées US et la crise profonde de la puissance militaire US, – cette crise de la puissance, avec le paradoxe d'un budget réel du Pentagone qui dépasse les $1.000 milliards. Il y a véritablement une situation de pénurie des effectifs; pour cette raison, on ne peut envisager, pour renforcer un front, qu’un transfert à partir de l’autre. La puissance opérationnelle de combat des USA est ainsi limitée pour le principal aux engagements en Irak et en Afghanistan et il n’y a pas de réserve générale.

«US commanders in Afghanistan have reportedly requested an additional 10,000 troops. Secretary of Defense Robert Gates was recently quoted in the Washington Post as telling the Senate Armed Services Committee, “I believe we will be able to meet that commanders’ requirement, but in the spring and summer of 2009…we do not have the forces to send three additional brigades to Afghanistan at this point.”

»The only source for additional troops for Afghanistan is Iraq. The September 2008 issue of Army magazine quotes Joint Chiefs Chairman Admiral Michael Mullen as saying, “I don’t have troops I can reach for, brigades I can reach, to send into Afghanistan until I have a reduced requirement in Iraq.”»

• La deuxième appréciation fondamentale que Lind éclaire grâce à son hypothèse est la situation US en Irak. Décrite largement, autant par le président que par les “necons”, que par les deux candidats à la présidence, comme une situation de victoire militaire, il s’agit en réalité d’une situation temporaire de “partage de pouvoir”, formule toujours génératrice d’apaisement temporaire mais toujours génératrice de violences à venir…

«While most of the stuff on the internet is junk, the junk pile does hold an occasional diamond. One such is a daily report called ‘NightWatch,’ written by a retired DIA analyst, John McCreary. As quoted in the Washington Post’s Tom Rick’s Inbox, ‘NightWatch’ for September 11, 2008 said that

»“The US, as the most powerful faction (in Iraq), imposed power sharing on the Kurds, the Arab Sunnis and the Arab Shiites…Power sharing is deceptive because it always features reduced violence. It looks like victory, but is not…

»“Power sharing can last a long time, but it is not a permanent condition and does not signify one faction’s triumph over the others. It is never an end state, but rather a transitional period during which the participants prepare for the next phase of the struggle…

»“Thus, power sharing is always a prelude to violence.”»

• Cette seconde situation conduit Lind à envisager une résurgence de la violence en Irak avant le printemps 2009, immobilisant le renfort envisagé par Gates pour l’Afghanistan en 2009. «Both the Army’s and the Marine Corps’ cupboards are bare. We will in effect face enemy offensives on both fronts simultaneously, with no reserves.» Poursuivant son analogie des deux fronts, Lind compare la situation qui serait alors créée à celle de l’Allemagne à l’été 1944.

Puis, la péroraison: «We will find ourselves face-to-face with failure both in Iraq and Afghanistan, with few if any options. If an attack on Iran has meanwhile brought that country into the war against us, we will face a third front. Events in Pakistan could create a fourth. It is the nature of long wars that they tend to spread.

»Whoever the next President is, he is likely to find himself living in interesting times.»

Lind a été d’avis qu’il existait entre l'automne 2007 et la mi-2008 une opportunité pour les USA en Irak: constater le déclin de la violence, baptiser cette situation “victoire” pour les USA et évacuer l’Irak aussi vite que possible. Cela n’a pas été fait, essentiellement parce que le pouvoir politique US est enfermé dans une impuissance conceptuelle: pour lui, la “victoire” en Irak doit se manifester par une main-mise stratégique sur le pays, ce qui s’avère impossible dans une situation de “partage du pouvoir” où les autres pouvoirs, notamment le pouvoir chiite à Bagdad refusent les exigences US. La situation irakienne est donc gelée en une trêve temporaire tandis que Washington glapit qu’il s’agit d’une “victoire” qui doit être marquée par l’établissement d’une forte présence US maintenue. Ces diverses exigences se perdent dans des chamailleries et des négociations sans fin, accentuant encore l’impuissance générale.

La puissance militaire US est enfermée dans une situation qu’on doit qualifier de statique. La puissance US est aujourd’hui définie comme une statique. La seule dynamique de la structure US dans cette situation opérationnelle, comme l’illustre Lind avec son analogie des deux fronts, est aujourd’hui celle de l’impuissance: seule l’impuissance progresse… (On notera qu'il s'agit d'une situation générale des USA aujourd'hui, valable pour d'autres domaines. Dans la crise financière également, la puissance US, quoique considérable qu'elle reste, est une statique. La seule dynamique est l'impuissance.)


Mis en ligne le 2 octobre 2008 à 11H32