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1175Qui ne se rappelle les certitudes qui nous habitaient, lorsque, en septembre 2009, Sarkozy s’était rendu triomphalement au Brésil et avait proclamé un partenariat stratégique (où la vente du Mistral à la Russie avait sa place), passant notamment par la vente du Rafale au Brésil. C’était l’époque où Sarkozy pouvait encore espérer échapper à la sanction infâme de l’Histoire d’être retenu dans nos mémoires comme le “scélérat-Président”.
…Puis la chose s’est peu à peu estompée. On voyait la perspective s’enliser, l’élan perdre de sa force, l’encalminage prendre forme… Aujourd’hui, qui parle encore de la plus petite possibilité d’arriver à cette vente ? Aux oubliettes de l’Histoire, cela ; l’Histoire n’a pas le temps de s’encombrer des velléitaires incapables de construire une vision stratégique et de la conduire à son terme. Nous parlons là, explicitement, de Sarko et de la direction française ; cela nous permet d’affirmer, pour prendre date le jour où il faudra s’en expliquer, que cette affaire, loin de s’être embourbée à la façon que nous l’évoquions plus haut, cette façon qu’on a laissé se développer comme une explication de convenance, en vérité s’est conclue (c’est-à-dire : ne s’est pas faite) sur un fait brutal, violent, explicite, où toute la faute revient à la France et à la diplomatie de voyou-scélérat de son président.
Reportons-nous huit mois après le coup de tonnerre de la vente du Rafale au Brésil, en mai 2010. Le Brésil, avec la Turquie, vient de monter un accord avec l’Iran sur la question de l’uranium enrichie. Toute la diplomatie du bloc américaniste-occidentaliste (BAO) est prise de court… Pensez donc : une initiative diplomatique qui permettrait éventuellement d’avancer vers un règlement avec l’Iran, qui ne passerait pas la vertu du bloc BAO, qui n’humilierait pas l’Iran, qui priverait Israël de son attaque décisive, victorieuse et préférée contre l'Iran, et ainsi de suite. Le 14 mai 2010, nous donnions une première appréciation des réactions du bloc BAO à l’initiative turco brésilienne. Concernant les Français, nous écrivions, en cultivant activement l’espoir que la diplomatie française était capable de sortir de son hébétude américaniste héritée du parti des salonnards :
«Les Français, qui pensent tout de même à la vente du Rafale au Brésil, ne cachent par leur enthousiasme, en s’abstenant de toute pression trop voyante. Kouchner, quant il le faut, s’y connaît en matière d’enthousiasme. A l’AFP, notre enthousiaste ministre des affaires étrangères a déclaré que la France soutient “pleinement la démarche [du président Lula] […] Le président Lula est sincère dans sa volonté de dialogue. Je salue sa détermination en faveur de la paix et nous respectons et soutenons pleinement sa démarche. Nous travaillons tout le temps avec les Iraniens, jusqu'à présent sans résultat. Nous souhaitons que le président Lula ait plus de chance que nous…»
Mais non, ce n’était qu’un accident. Cet état d’esprit dura ce que dure un feu de paille, élaboré dans la précipitation et l’improvisation avant que raison ne revienne (la belle raison dont les Français sont si fiers). Très vite, le réflexe pavlovien de la diplomatie française postmoderniste reprit le dessus et, en plein accord d’alignement avec les autres coquins du bloc BAO, la France travailla à saboter la démarche turco brésilienne, la couvrant d’appréciations méprisantes et peu amènes.
La conséquence la plus claire et la plus ferme de cet épisode, lorsque la chose (la position française anti-Brésil pour ce cas) apparut clairement, avant la fin mai 2010, fut une fureur non dissimulée de Lula. A partir de cet instant, le président brésilien décida que l’achat du Rafale ne se ferait pas sous sa présidence (sans compter ce qu’on peut imaginer des conseils qu’il dut donner, sur cette question, à celle qui lui succéda, Dilma Rousseff). Des sources européennes et brésiliennes du plus haut niveau nous l’ont affirmé sans l’ombre d’une hésitation ou d’une réserve, résumé de la sorte par l’une d’entre elles : «Ce jour-là, avec la colère de Lula, qui estimait qu’ainsi l’esprit de l’accord stratégique avec la France était rompue par les Français, le sort du Rafale pour le futur prévisible était scellé… C’est ce facteur primordial qui a joué, quasiment à 100%.»
Mis en ligne le 24 mai 2011 à 11H50
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