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1493En prenant deux domaines, on peut voir mise en évidence l’évolution du Système, avec ses enchaînements spasmodiques et désordonnés surpuissance-autodestruction. En fait de “domaines”, il s’agit de deux crises intégrées dans une situation figée en un amoncellement de crises qui ne se résolvent pas et ne peuvent se résoudre”, selon le schéma général de l’infrastructure crisique. Pour bien comprendre les constats que nous faisons plus bas, il faut avoir à l’esprit, ce que nos lecteurs n’ont pas toujours, que nous sommes amenés à donner au concept de “crise” une description dynamique différente de celle qui est généralement acceptée. Nous avons très récemment mentionné cet aspect de notre méthodologie, que l’on doit avoir à l’esprit pour bien embrasser le sens de notre démarche. Cette rapide explication se trouve dans le Glossaire.dde du 12 janvier 2014.
«On observera ici, et cela vaut aussi pour d’autres articles du Glossaire.dde, que l’emploi généralisé du terme “crise” n’est pas nécessairement approprié selon la stricte définition de la chose ; mais il l’est, selon nous, si on situe cet emploi dans un contexte particulier, qui est effectivement celui que nous choisissons, que nous désignons explicitement ou qui est simplement implicite chez nous ; il s’agit du contexte de cette période spécifique de “fin de civilisation”, ou de “fin de ‘notre’ contre-civilisation” comme nous désignons la “civilisation” où nous nous trouvons depuis le début du XIXe siècle. La “crise” devient alors dans ce cas une circonstance d’une séquence temporelle et civilisationnelle plus large, plus ample et évidemment décisive, et une circonstance si fortement liée à cette “séquence temporelle et civilisationnelle” qu’elle en est d’une même substance. La “crise” devient une composante essentielle, et de plus en plus exclusive, du Temps Général que nous vivons, et elle se caractérise par une sorte de structuration, voire même jusqu’à représenter l’idée assez paradoxale, sinon oxymorique, d’une “paroxysme durable” qui devient de plus en plus un “paroxysme structurel”, qui devient la seule façon d’être de notre temps métahistorique...»
• Les deux “domaines”, ou “deux crises intégrées dans une situation figée en un amoncellement de crises qui ne se résolvent pas et ne peuvent se résoudre”, sont la crise syrienne et la crise Snowden/NSA, avec bien entendu leurs différents degrés d’intensité et les effets à mesure. La crise syrienne est considérée comme élargie à son plus large contexte possible, y compris les aspects psychologiques et de communication des acteurs-devenus-figurants des diverses directions politiques, et pour l’immédiat à la conférence “Genève-2” et à la question de l’Iran. Un dernier “rebondissement”, qui constitue en fait une poussée d’une tentative de dissolution de l’élan constructif suscité par les suites de l’épisode paroxystique d’août-septembre 2013 (“attaque chimique”, menace avortée d’attaque US contre la Syrie), est le retrait précipité de l’invitation de l’Iran de participer à “Genève-2” par le secrétaire général de l’ONU, deux jours après avoir lancé cette invitation. (On notera au passage le comportement manipulé dans tous les sens, jusqu’au ridicule du numéro de cirque, du secrétaire général Ban Ki-moon. Un épiphénomène de cette situation de paralysie.) Une citation rapide de Russia Today du 21 janvier 2014...
«The UN has withdrawn an invitation for Iran to the January 22 Geneva 2 peace conference after Syria’s main western-backed opposition group threatened to pull out of talks if the Islamic Republic attends. A UN spokesperson announced Monday that UN chief Ban Ki-moon has withdrawn his invitation for Iran. "He (Ban) continues to urge Iran to join the global consensus behind the Geneva communique," Ban's spokesman Martin Nesirky said. "Given that it has chosen to remain outside that basic understanding, (Ban) has decided that the one-day Montreux gathering will proceed without Iran's participation." [...]
»"We are hopeful that, in the wake of today's announcement, all parties can now return to focus on the task at hand, which is bringing an end to the suffering of the Syrian people and beginning a process toward a long overdue political transition," State Department spokeswoman Jen Psaki said in a statement. Meanwhile the Iranian ambassador to the UN, Mohammad Khazaee, has expressed doubts that the Geneva 2 conference will settle the conflict in Syria. “I’m not very optimistic that the Geneva 2 conference might solve anything in Syria,” the diplomat told Itar-Tass on Monday.»
• Concernant la crise Snowden/NSA, le constat est d’abord que l’intervention d’Obama n’a rien changé, sinon dans le sens de l’embrouillement des choses. (Voir une enquête PEW du 20 janvier 2014, avec le titre «Obama’s NSA Speech Has Little Impact on Skeptical Public».) Surtout, elle n’a en rien stoppé le mouvement réformiste au Congrès, bien au contraire (voir le 20 janvier 2014). Les défenseurs de la NSA, donc représentants du Système dans cette occurrence, ont lancé une nouvelle “offensive” pour tenter d’effectuer une déflection du sujet de la crise en tentant de la réorienter vers Snowden lui-même, en l’accusant (une fois de plus) d’être un agent russe. Russia Today, le 21 janvier 2014 :
«Two of the top lawmakers within the United States intelligence community say that Congress is now considering whether any officials in the Russian government have influenced the actions of US National Security Agency leaker Edward Snowden. [...] Rep. Mike Rogers (R-Michigan) and Sen. Dianne Feinstein (D-California) — chairpersons of the House and Senate committees, respectively — each opined as to a secret Snowden-Russia relationship during appearances on the political talk show circuit this weekend.»
Sur son tweet et en plusieurs messages, Glenn Greenwald a réagi le 19 janvier en qualifiant justement cette tentative : «The stench of panic and desperation from official Washington is suffocating... I'm not surprised official DC has sunk to “he's a Russian spy!” – that's just panic...» Il commente également : «[B]ut the way media has mindlessly repeated it is amazing...» ; pourtant il remarque par ailleurs, en citant Reuters sur son blog, le 19 janvier 2014 :
«Other U.S. security officials have told Reuters as recently as last week that the United States has no evidence at all that Snowden had any confederates who assisted him or guided him about what NSA materials to hack or how to do so.»
Il est difficile de ne pas éprouver devant ces deux cas une si forte impression de désordre, de confusion, etc., – et, avec ces deux cas où on les décrit, ce pourrait être pour certains une impression de “contre-attaque” du Système qu’ils pourraient juger, une fois de plus, décisive. Ces diverses appréciations qui renvoient à des jugements généraux des péripéties des situations de deux crises qui se poursuivent selon l’appréciation du concept qu’on a donnée plus haut sont des appréciations conjoncturelles. Bien entendu, notre propre appréciation (conjoncturelle) est celle du désordre et de la confusion, les “contre-attaques” du Système n’étant que des événements spasmodiques mieux définis par les termes offerts parGreenwald, – valables pour les deux cas : “panique”, “désespoir”, – mais “panique” et “désespoir” comme éléments du désordre et de la confusion. Mais ce qui nous importe, à nous, c’est de dégager la signification structurelle et fondamentale, qui est similaire et parallèle dans les deux cas.
En effet, dans les deux cas on voit que des tentatives ont été faites pour faire évoluer la crise d’une façon décisive. Dans le cas syrien, cela fut la proximité d’une acceptation de la participation de l’Iran à “Genève-2” et, parallèlement, une réhabilitation presque complète d’Assad à son poste de direction de la Syrie, par ceux qui annonçaient il y a deux ans sa chute pour dans quinze jours. Dans le cas Snowden/NSA, on attendait que l’intervention d’Obama fût déterminante et fasse prendre à la crise un tournant décisif. Dans les deux cas il s’agissait d’attendre quelque chose qui aurait ressemblé à une sortie de crise (et on l’attend encore, d’ailleurs, dans le cas Syrie/“Genève-2”, mais dans des conditions désormais considérablement dégradées). Dans les deux cas, des interventions du côté du Système font que les conditions se compliquent brusquement à nouveau, et que les deux crises risquent de retomber, ou retombent effectivement dans leur embourbement général d’où jaillissent des paroxysmes qui accentuent le désordre.
Il s’agit de bien se comprendre pour ne pas raisonner selon des termes selon nous dépassés, désormais complètement inappropriés et sans la moindre valeur, de “victoires” ou de “défaites”. On ne mène pas un duel contre le Système, on doit conduire une bataille subtile et complexe pour favoriser sa tendance à l’autodestruction. Le fait de l’embourbement dans l’infrastructure crisique joue un rôle fondamental dans l’avancement du processus d’effondrement, et les deux cas exposés vont évidemment dans ce sens. Les actions du Système qu’on observe, lancées parce que le Système ne peut accepter de reculer, de céder, d’accepter un compromis, etc., vont ainsi dans le sens de chercher à saboter toute avancée dans un sens constructif et apportent, paradoxalement si l’on veut mais logiquement, une contribution à la stagnation crisique actuelle favorisant le processus d’effondrement. Nous sommes devant le paradoxe que nous ne cessons de mettre en évidence selon lequel, disons une “contre-attaque” éventuellement réussie du Système (comme la possibilité en existe désormais avec la crise syrienne et “Genève-2”, dans le premier cas évoqué) contribue à la poursuite de cet embourbement crisique qui constitue un facteur fondamental du processus d’effondrement du Système. Dans l’autre cas évoqué (Snowden/NSA), bien entendu, la contribution d’une réaction du Système (“panique”, “désespoir”, dit Greenwald) doit avoir comme effet direct de renforcer l’action des forces antiSystème contribuant également a accélérer le processus interne du Système ayant comme finalité son autodestruction. (Effectivement et pour choisir le cas antiSystème en apparence extrême pour Snowden/NSA il est beaucoup plus intéressant de ne pas parvenir directement à une réforme profonde et radicale de la NSA, et de voir se développer cette alternance d’attaques et de contre-attaques, renforçant une dynamique qui pourrait conduire à un affrontement au sommet entre les trois piliers du système de l’américanisme [le “combat de titans” évoqué le 20 janvier 2014].)
C’est une illustration de notre conception présenté dans l’article du Glossaire.dde du 12 janvier 2014, qui concerne un phénomène spécifique (“le Système”) qui s’est développé depuis la fin du XVIIIe siècle (le “déchaînement de la Matière”), comme un tournant fondamental de la situation du monde, passant de ce qui était un développement encore équilibré et respectueux des nécessités naturelles de cette situation du monde à un développement complètement déséquilibré compromettant totalement les nécessités naturelles et cette même situation du monde. (C’est ce que des scientifiques éclairés, puisqu'il se confirme qu'il y en a, admettent eux-mêmes en proposant l’identification sous le nom d’anthropocène [voir le 4 novembre 2013] d’une nouvelle ère pseudo-géologique, caractérisée par l’activité humaine destructrice sous l’influence du Système. Voir notamment Le choix du feu d’Alain Gras et L’événement anthropocène de Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz.) Voici un extrait de ce Glossaire.dde concernant notre conception.
«...Dans cet extrait, nous nous concentrons sur l’attitude du sapiens, dont nous-même certes, pour tenter de bien comprendre l’extrême difficulté du processus à suivre et de l’action qui s’en déduit. C’est en effet une souffrance intellectuelle très forte et parfois proche de l’insupportabilité qu’après avoir identifié le Système comme la perversité même, voire la Représentation Totale du Mal, de souhaiter qu’il ne cesse de se renforcer (faire acte de surpuissance) le plus possible et le plus vite possible. C’est pourtant la logique même puisque ce renforcement de la surpuissance accélère le processus d’autodestruction, avec l’idée synthétisée fondamentale et qui doit être affirmée : la mort (l’effondrement) du Système est dans le Système lui-même et seul le Système peut avoir raison du Système et il s’y emploie.
»Cela ne nous empêche pas, bien entendu, d’être systématiquement du parti antiSystème, de la Résistance et de soutenir tout ce qui est antiSystème et Résistance, qui vient de partout y compris du Système. C’est une nécessité de sauvegarde et d’énergie intellectuelles pour soi-même, voire d’hygiène intellectuelle pour éviter la pathologie fatale de la folie, mais aussi une tactique qui va de soi selon un constat stratégique évident : toute résistance antiSystème accentue la riposte automatique de la production de sa surpuissance par le Système, et donc la course du Système vers son autodestruction.»
Mis en ligne le 21 janvier 2014 à 11H04
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