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209017 octobre 2002 — Aux USA, Hollywood est important, d'un point de vue politique également. Hollywood est un aspect essentiel, et de la politique d'“américanisation” du monde, et, éventuellement, le lieu paradoxal de quelques foyers de résistance à cette politique qui ont ainsi le moyen de se faire entendre. Dans la crise actuelle, Hollywood tient sa place. (Certes, par Hollywood, on l'a compris, nous entendons : le cinéma américain et, d'une façon plus large, tout le monde du spectacle [entertainment].).
Aujourd'hui, nous avons rassemblé quelques manifestations de personnalités de Hollywood/de l'entertainment US par rapport à la politique de GW, — c'est-à-dire contre elle, car ce sont les seules manifestations intéressantes. De l'autre côté, il n'y a pas pour l'essentiel le Hollywood partisan de GW mais le Hollywood conformiste, qui comprend notamment un pourcentage non négligeable de gens défavorables à la politique de GW mais qui n'osent prendre le risque de le dire. Toute manifestation de dissidence à Hollywood et dans le domaine qui l'englobe est intéressante comme un fait politique et un fait culturel tout autant : elle signifie un acte de résistance à la grande tendance conformiste d'acquiescement au pouvoir en place, cette tendance conformiste étant désormais présentée comme une véritable idéologie.
Voici plusieurs faits récents.
Le cas le plus récent est aussi le plus significatif. Il concerne Harry Belafonte. On connaît Belafonte, chanteur et acteur, l'un des premiers Noirs à réussir dans l'entertainment multiracial (l'entertainment blanc dans lequel des Noirs sont admis, qui a commencé à se développer à partir des années 1950) ; et, notamment, l'un des premiers Noirs à réussir quelques incursions à Hollywood en tant qu'acteur à part entière.
Belafonte a dû en passer par bien des exigences. Il souvent a été classé, y compris par ses “frères de couleur” comme plutôt proche du “bon Noir”, le Noir qui s'incère dans la société blanche sans la contester, sans la remettre en question, et en servant à cette société d'alibi pour se défausser du racisme général, — le Noir “bon chic bon genre”, à qui un Blanc pourrait un jour songer à donner sa fille. Il est de la génération d'un Sidney Poitier, autre acteur noir de la même catégorie. Certes, Belafonte a fait partie des soutiens au mouvement des droits civiques dans les années 1960, mais plutôt dans la fraction libérale de l'establishment, en se tenant à distance des radicaux type Malcolm X et même le Martin Luther King des deux dernières années (avant son assassinat en 1968). En un mot, Belafonte est resté un “modéré” dans le mouvement noir. Ses paroles en sont d'autant plus significatives.
La semaine dernière, Belafonte a violemment attaqué Powell et Rice, en les traitant de « house slave in the Bush administration ». Ci-dessous, on lit les explications détaillées de Belafonte mais on comprend le sens de l'expression : esclave “collaborateur” si l'on veut, qui est admis dans la maison du maître en récompense et participe “objectivement” à la bonne marche du système esclavagiste. Powell a réagi avec vigueur, mais avec prudence aussi, en prenant garde de ne jamais mettre en cause Belafonte (on voit une partie de sa réaction ci-dessous). Enfin, dernier épisode, Belafonte maintient son jugement tout en s'en expliquant et en se dégageant de toute accusation de mettre Powell en cause (et Rice, mais Rice ne réagit pas dans cette affaire).
L'important dans cette passe d'armes, est qu'il s'agit de deux Noirs modérés ou, dans tous, les cas, des non-radicaux qui sont dans l'establishment ; que l'un de ces deux Noirs modérés attaque pourtant l'autre sur la question de la race, impliquant qu'il y a un devoir de la communauté noire à s'opposer à la politique de GW ; que l'autre réagit avec une vivacité remarquable, montant qu'il l'est touché, — et il l'est effectivement, Powell, car il sait bien que certaines des tensions existant au sein de l'administration où il se trouve ont des connotations raciales, que certaines des attaques portées contre lui par ses adversaires à l'intérieur de l'administration s'appuient notamment sur des appréciations racistes à son encontre.
Au-delà, c'est la question du comportement des Noirs (Africains-Américains) dans la crise actuelle qui est posée. Avec le 11 septembre, beaucoup de Noirs se sont ralliés à GW au nom d'une solidarité nationale, donnant ainsi l'impression d'une résolution du problème racial. Cette impression est certes erronée. Le problème racial reste posé et, la crise durant, la politique GW étant de plus en plus contestée, le problème racial restant posé, apparaît l'interrogation grandissante du comportement des Noirs. La polémique Belafonte-Powell en est une bonne illustration.
Ci-après, extraits de la dépêche de CNN concernant cette question, dépêche en date du 15 octobre.
« Belafonte won't back down from Powell slave reference
» Singer Harry Belafonte on Tuesday refused to back down from his remarks last week likening Secretary of State Colin Powell to a house slave in the Bush administration, saying his problems are not with the man but with the policies Powell is supporting. “I like Colin Powell, I like his West Indian background, I like his intellect, I like a lot of things that he does and his style. What is at fault here is a policy that's taking this country to hell,” Belafonte said on CNN's Larry King Live, referencing the Bush administration's push to go to war with Iraq.
» In an interview on San Diego radio station KFMB-AM last Tuesday, Belafonte compared Powell to a plantation slave who moves into the slave owner's house and says only things that will please his master. “There's an old saying,” Belafonte said in that interview. “In the days of slavery, there were those slaves who lived on the plantation and there were those slaves that lived in the house. You got the privilege of living in the house if you served the master ... exactly the way the master intended to have you serve him.”
» Powell last week called the comments “unfortunate” and said he is “proud to be serving” his nation and his president. “I think it's unfortunate that Harry used that characterization,” Powell told Larry King Live last Tuesday. “If Harry had wanted to attack my politics, that was fine. If he wanted to attack a particular position I hold, that was fine. But to use a slave reference, I think, is unfortunate and is a throwback to another time and another place that I wish Harry had thought twice about using.”
» Belafonte said he was happy to have the chance to put his remarks in context but said he doesn't regret making them. “This was never meant to be a personal attack on Colin Powell's character,” he said. “What it was meant to be was an attack on policy, and the reference, the metaphor used about slavery is part of my personal feeling that plantations exist all over America.” The singer said he doesn't believe Powell agrees wholeheartedly with the Bush administration's position on Iraq, judging from his earlier comments that the dispute over Baghdad's weapons program should go through the United Nations, and he called the secretary a “sell-out.”
» Belafonte said his views also apply to National Security Adviser Condoleezza Rice, although, he said, he has never heard her step out of line with the administration's views. He called upon Powell and Rice and other black people in positions of power to use their platforms “to speak out about the ill-advised policies” of the Bush administration.
» “The idea that you work in the house of the master is almost in itself its own opportunity to do some mischief and make a difference, but when you are in that place and you help perpetuate the master's policy that perpetuates oppression and pain for many others, then something has to be said about it,” Belafonte said. “And the master in this instance, of course, was the president of the United States.”
» The singer said he opposes a war against Iraq unless such action were deemed necessary by the United Nations. “Go through the United Nations and follow the counsels and principles of the international community,” he said. “Stop bullying the world.” »
Couple célèbre du cinéma américain, l'actrice Susan Sarandon et le réalisateur-acteur Tim Robbins ont l'habitude de la contestation. Pendant quelques mois après 9/11, ils sont restés relativement discrets, confrontés à l'obligation de respecter une solidarité nationale après l'attaque. Depuis quelques semaines, ils devenus beaucoup plus actifs, c'est-à-dire activistes. On les a notamment vus et entendus lors d'une manifestation, à New York le 6 octobre, qui a rassemblé plus de 20.000 personnes.
« Actress Susan Sarandon, who gave one of the main speeches from the platform, declared: “Bush says you’re either with us or against us. I don’t know who ‘us’ is. I say to Mr. Bush — this is what democracy looks like. We will not give our daughters and sons for a war for oil.”
» Actor and director Tim Robbins, declaring himself an opponent of “fundamentalism of all kinds,” added, “What is our fundamentalism? It is cloaked with patriotism and the claim to spread democracy around the world.... Our fundamentalism is business. Our resistance to this fundamentalism must be resistance to profits against life, to the business of diverting attention from Enron and Halliburton.”
» Sarandon called on those present to pressure the Democrats in Congress to oppose Bush. “There are some people still functioning in the government,” said Sarandon. “We must support them, particularly (West Virginia Democratic Senator) Robert Byrd.” She gave the phone number of the Capitol Hill switchboard and urged people to call those Senators “who look as though they might have the courage” to oppose Bush. »
L'actrice Jessica Lange est un produit discret de la contestation hollywoodienne ; elle l'est plus par sa personnalité indépendante et les distances qu'elle maintien avec le système que par ses activités. Psychologiquement, Jessica Lange se tient à part du système, y compris à part de sa contestation spectaculaire. Il faut croire que ce qui se passe depuis 9/11 tend à la faire sortir de ses gonds. Ses déclarations, à la fin de septembre, à San Sebastian où elle venait recevoir une distinction pour sa carrière, ont été remarquables par leur dureté. (Rapport selon l'agence Sapa-DPA)
« The 53-year-old Oscar-winning US actress Jessica Lange lambasted the US government at a press conference at the San Sebastian film festival, where she received a lifetime achievement award. “What Bush intends to do with Iraq is unconstitutional, immoral and illegal,” Lange was quoted as saying. “I hate Bush. I despise him and his entire administration — not only because of its international policy, but also the national. Today it makes me feel ashamed to come from the United States —it is humiliating.”
» ”Bush stole the elections and since then we have all been suffering the consequences. The Iraq plan is absolutely mad, but what I do not understand is that nobody tries to stop it — neither inside nor outside the United States,” the actress added. “The atmosphere in my country is poisonous, intolerable for those of us who are not right-wing, so thank you for inviting me to this festival and allowing me to get out for a few days,” Lange said on receiving the Donostia Prize, presented by Spanish actor Jose Coronado. She also slammed Hollywood and said she preferred to work in Europe. »