D’Atlanta-1996 à Rio-2016

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D’Atlanta-1996 à Rio-2016

Nous revenons ici sur la défaite de Chicago pour le choix des Jeux Olympiques de 2016, plutôt que, dans ce cas, sur la victoire de Rio de Janeiro pour ces mêmes Jeux. Nous revenons sur cet événement à cause de la valeur politique et symbolique que nous lui attribuons, en référence directe à une autre de nos interprétations, également politique et symbolique. Nous accordons en effet une très grande importance au champ symbolique, exacerbé par la communication, dans son influence sur le domaine politique; selon un mouvement qui se nourrit lui-même en un cercle vicieux, ce champ de la communication portant et renforçant l’aspect symbolique des événements influence directement la psychologie, elle-même maîtresse de la politique parce qu’elle constitue une force d’influence puissante sinon décisive de la politique à cause justement de ce même phénomène de la communication.

Selon nous, en effet, c’est au JO d’Atlanta de juillet 1996 qu’a véritablement éclaté, après une terrible période dépressive, l’affirmation d’“hyperpuissance” hégémonique des USA, avec une très forte composante virtualiste, dans une époque où la communication effectivement mettait en place son rôle de premier composant de la puissance. Nous nous en sommes largement expliqués dans plusieurs textes, dont un texte extrait du livre La Chronique de l’ébranlement (Philippe Grasset, éditions Mols, 2004), que nous publiions sur ce site le 2 septembre 2005, sous le titre «D’Atlanta-1996 à Katrina-2005». Ainsi y a-t-il un lien symbolique, et par conséquent politique dans le contexte communicationnel que nous connaissons, à établir entre l’affirmation hystérique de la puissance virtualiste des USA à Atlanta en juillet 1996, et l’échec piteux d’Obama dans sa tentative de faire choisir Chicago pour les Jeux Olympiques de 2016.

Un jugement partisan et contrasté a accueilli, aux USA, l’échec d’Obama. Il s’agissait de constater l’échec de la démarche du président, reconnu même par un commentateur qui lui est souvent favorable comme Steve Clemons (le 2 octobre 2009: «The International Olympic Committee has just voted that Chicago has been eliminated from consideration as the 2016 host for the Olympic Games. An end to the Obama effect?»). Mais c’est bien plus que l’“effet Obama” qui est en cause, à moins que l’on ne considère, ce qui est somme toute une idée sommaire mais significative très défendable, que “l’effet Obama” est la dernière chance pour les USA de rétablir leur prestige et de restaurer leur puissance d’influence, ou, dans tous les cas, de freiner, sinon de stopper le déclin accélére des deux.

Mais Obama a échoué. Les non-JO de Chicago-2016 apparaissent alors, dans le plan du symbolique, comme un double sombre d’Atlanta-1996 («Il n'y a pas d'olympisme ici, tout juste une kermesse états-unienne, ahurissante d'indécence», écrivait Le Monde si peu suspect, le 28 juillet 1996). Ce jugement est projeté sur une date qui n’aura aucune réalité pour le destin qu’on lui prévoyait dans le chef des experts de communication avec leurs espoirs pour Chicago-2016, par rapport à ce qu'Atlanta-1996 avait signifié d’illusion de puissance exacerbée et d’hystérie de la psychologie.

L’événement des JO 2016 dont le président Obama n’a pas obtenu l’organisation pour les Etats-Unis constitue une défaite politique, on ne dirait pas majeure dans les faits, mais significative et pleine d’effets secondaires pour les Etats-Unis. C’est un événement médiatique et virtualiste pris à revers par la réalité, comme le fut la campagne des “green shoots” annonçant une reprise économique qui s’avère être une telle caricature de reprise, que cette campagne est désormais largement identifiée comme contre-productive pour l’effet engendré. La machine virtualiste américaniste, même avec l’aide de la puissance communicationnelle comme matrice du virtualisme, n’arrive pas à redémarrer et s’enfonce dans le marais d’une situation paralysée et explosive. Le magicien BHO ne peut rien, absolument rien pour cette machine.

On ajoutera, ce qui n’est pas indifférent, que, dans l’aventure, Obama a laissé quelques plumes de plus de sa réputation intérieure. La droite s’est emparée, non seulement de son échec, mais de la candidature même de Chicago – “sa” ville, mais aussi une ville corrompue par excellence, avec certains conseillers d’Obama venus de Chicago qui aurait eu de vastes intérêts satisfaits si Chicago avait été choisi. Certaines personnalités et certains milieux de droite se sont même bruyamment félicités de l’échec US à Copenhague, montrant l’incroyable profondeur de l’affrontement partisan en cours aux USA, où plus rien, même pas le sort de la puissance US, ne semble pouvoir apaiser les déchirements fratricides. Le président aurait pu s’éviter ce déplacement.

 

Mis en ligne le 5 septembre 2009 à 06H22