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1318Annonçant la signature d’un Presidential Order pour réduire de $85 milliards le budget fédéral en cours conformément à la loi dite de “séquestration”, le président Obama a commenté que ce n’était pas l’apocalypse mais le début d’une longue “bataille”. Il y a à boire et à manger dans cette observation… Cette conférence de presse venait après une dernière rencontre avec les parlementaires, pour trouver une issue de dernière seconde, rencontre que le Guardian du 1er mars 2013 qualifie de “futile” ; ce mot-là, pour qualifier toutes les tentatives pour trouver un accord bipartisan, sur la séquestration comme sur tant d’autres domaines, devrait être en vérité d’un emploi général et systématique…
«Barack Obama signed an order on Friday night to implement $85bn in spending cuts, a move he described as “dumb” and “arbitrary” and that he blamed on the intransigence of Republicans in Congress.
»Speaking at a White House press conference after a futile meeting with congressional leaders, Obama warned Americans to prepare for a drawn-out confrontation that could last for months and will be painful for working-class people. “We will get through this. This is not going to be an apocalypse, I think as some people have said,” Obama said. “It's just dumb. And it's going to hurt. It's going to hurt individual people and it's going to hurt the economy overall,” he said.»
»Obama met Republican congressional leaders Mitch McConnell and John Boehner and their Democratic counterparts Harry Reid and Nancy Pelosi at the White House on Friday morning but it was a largely pointless exercise. The meeting broke-up after less than an hour without any hint of a deal in the offing. […] The House is due to vote next week on a deal to prevent a federal shutdown but there is a risk this could end up in a new standoff between the Republican-controlled House and the Democratic-controlled Senate.
»In the sequester crisis, the Republicans want only cuts, on welfare rather than defence, and no new taxes. Obama wants cuts accompanied by closing tax loophole for the wealthy, in effect new taxes. Boehner, at the end of the White House talks Friday, was adamant that he will not contemplate any new taxes. “The discussion about revenue is over,” Boehner said.»
Russia Today a interrogé, le 1er mars 2013 Margaret Bogenrief, de ACM Partners, sur les conditions générales qui entourent l’entrée en vigueur de la séquestration, c’est-à-dire d’une part les conditions générales expliquant l’échec de toutes les tentatives d’accord, d’autre part les conditions générales d’application de la séquestration. $85 milliards sur un budget qui se compte en un nombre respectable de trillions de dollars ($1.000 milliards le trillion) et une dette qui se compte en un nombre encore plus respectable de ces mêmes trillions (sans doute proche des 17), ce n’est pas l’“apocalypse” comme le dit sagement le président Obama ; sauf qu’il n’est pas évident que le président-philosophe-cool ait compris que, peut-être, l’“apocalypse” n’a pas la forme qu’il croit… On cite ici les deux interventions de Bogenrief, telles que rapportées par RT.
• La crise de la séquestration n’est pas économique mais d’abord politique. Elle est quasi-entièrement fondée sur les mésententes insolubles et totalement partisanes, sinon caractérielles et irrationnelles, dans tous les cas relevant d’une psychologie catastrophique, entre démocrates et républicains, entre Obama et le Congrès, et ainsi de suite…
«The sequester is, in and of itself, clearly an inefficient method for tackling deficit growth, existing instead a reflection of the absolute and ugly political deadlock seizing DC. Perhaps most incisively, the sequester signals how absolutely unwilling Republicans are to tackle the tax side of the cutting spending and increase tax, which equals the decreased deficit part of the equation.
»Instead, most members of the GOP publicly fighting the President have already skipped ahead to thinking about the 2014 midterms, when they’ll be held to task for seeming to be ‘soft’ on Obama and the Democrats’ (and, really, reality’s) assertions that taxes must be play a role in the compromise. Instead, those up for re-election are concerned that, should they compromise, even more extreme potential electoral candidates will emerge post-sequester debate, claiming the incumbents went ‘soft,’ ergo winning the votes of the traditionally more-conservative mid-term electorate watching these proceedings closely. Obama, in turn, appears willing to wait out the detractors, after having scored a resounding win last November.»
• L’application de la séquestration, c’est-à-dire la répartition des réductions budgétaires, se fera d’une façon arbitraire, chaotique, et sans aucun doute sous la forme générale d’une confrontation. Cette répartition va encore accroître les divisions, les mésententes, et donc prendre une forme encore plus politique qu’économique tout en ayant un impact économique extrêmement inégalitaire et encore plus diviseur, y compris géographiquement, c’est-à-dire du point de vue de la structure des États-Unis.
«The cuts that are set to hit March 1 will, inevitably as in all things political and financial, hit the poor and disenfranchised, while avoiding the deficit’s biggest drivers. While $42.7 billion of the total $85 billion of cuts hits discretionary defense spending (a mere decimal point in the United States military industrial complex, which is currently paying down hundreds of billions of dollars in interest incurred on debt used to fund previous wars), the remaining $42.3 billion of cuts dig into discretionary nondefense spending, Medicare, and other mandatory spending. “Even more relevantly, a significant portion of these cuts (including those in defense) are set to hit specific geographical areas dependent on both the defense department for employment and other government and social programs, thereby making a consensus even more difficult for lawmakers focused on serving only their districts (after all, why would a Congressperson from Nevada tackle a politically contentious issue or fight to score a win for the constituents of Alabama?)...»
Effectivement, ce n’est pas l’“apocalypse” dans le style biblique, ou plutôt hollywoodien (type Star Wars, puisque le président, qui a des lettres y fait allusion dans son message). La somme est ridicule, relevant du porte-monnaie, du pourboire et de l’argent de poche, – $85 milliards, allons donc… C’est pourquoi, nombre de commentateurs ont vu dans la séquestration une vaste blague, un opéra-ballet, un “complot” pour dire le mot, monté pour nous dissimuler l’essentiel, qui est l’Himalaya de la dette, menant, elle, à l’apocalypse… Mais de quelle “apocalypse” parlons-nous, à la fin ?
Nous pensons en effet que c’est une conception d’une bien grande prétention et d’une bien courte vue que d’assumer et d’assurer que l’“apocalypse” ne peut n’avoir qu’une seule forme d’opérationnalité, qui est l’événement terrible, brutal, absolument catastrophique, type-fin du monde, ou plutôt type-hollywoodien selon la couleur du temps. L’apocalypse dont nous parlons n’est pas hypothétique et il est général ; il est simplement en cours, sous nos yeux et sous nos pieds qui sentent bien que le sol se dérobe à son rythme. La séquestration est donc une séquence parmi d’autres de l’apocalypse, qui ne dépend pas de la comptabilité et des montages financiers de sapiens, – l’apocalypse ne se fait pas dans l’arrière-cuisine. (Et, en échappant à sapiens, comme tous les autres événements qui importent, la séquestration s’impose comme eschatologique et justifie pleinement l’emploi du concept d’apocalypse.)
Pour le cas qui nous occupe, qui est celui de la crise d’effondrement du Système (situation-Système de l’apocalypse) que nous citons souvent également et logiquement non comme une hypothèse mais comme un fait en cours, l’apocalypse est le nom donné à l’événement de type autodestruction du Système, selon l’équation déstructuration-dissolution-entropisation, dont l’opérationnalité générale est régulière dans le sens de la chute, et même régulière dans son accélération comme si l’événement était conduit. De ce point de vue, la séquestration, – ce qui a précédé, la psychologie qu’elle a exacerbée, les antagonismes qu’elle a aggravés, jusqu’à son application telle qu’on la détaille ici et là, – est une séquence de l’apocalypse-par-dissolution. (Nous choisissons l’étape de la dissolution car, d’une façon générale, il semble bien que la phase de la déstructuration est à peu près partout accomplie.) On découvre même que cette séquence accélère la dissolution, de façon régulière et inexorable, non seulement à Washington, dans la direction politique, non seulement au niveau social et économique, mais même au niveau des Etats de l’Union, en séparant et en opposant les uns aux autres (même s’ils sont dirigés par les mêmes partis) selon celui qui sera ou ne sera pas touché par la séquestration. Nous ne faisons pas ici de cas particulier pour le Pentagone, comme nous faisons souvent, parce que justement ce cas est ici largement documenté ; là aussi, il n’y a aucun sens à s’en tenir à la comptabilité et observer que $43 milliards, c’est bien peu de choses comparé à un budget qui tourne encore autour de $600 milliards (qui sait la somme exacte ? On sait qu’on dépasse les $1.000 milliards si on prend en compte, fort justement, de nombre de budgets d’autres ministères ou agences, et de budgets dissimulés, tous affectés à la sécurité nationale). L’aspect comptable est vraiment, complètement secondaire, le plus bas, le moins significatif en réalité… Dans le cas du Pentagone, c’est évidemment le désordre qu’introduit cette réduction budgétaire que l’on s’est refusé à envisager et à programmer jusqu’à la fin décembre 2012, et l’impact psychologique à mesure qui frappe une bureaucratie et des structures déjà complètement aux abois et plongées dans une paralysie profonde. Ce désordre ne fera pas un bruit inhabituel, il accélérera irrésistiblement tous les caractères de la paralysie, – inefficacité, impuissance, gaspillage, corruption, etc., – bonne chance au brave Hagel…
Le mot est en effet lâché, qui colle directement aux mots “séquestration” et “dissolution”, qui va parfaitement à la situation politicienne de la direction washingtonienne : le désordre. L’“apocalypse”, aujourd’hui, se fait par la structure invertie du désordre, lequel est bien entendu l’outil favori de la dissolution. Il s’agit donc bien de l’apocalypse, – guillemets inutiles, – qui se poursuit, qui est entrée dans toutes les activités humaines courantes… (“Humaines”, bien sûr, c’est à voir, – c’est-à-dire à nuancer fortement puisqu’il s’agit du Système.) Dans tous les cas, l’«époque» que forme la séquence actuelle, commencée en 2008, est totalement, absolument eschatologique. Le sapiens n’a plus aucune prise sur elle, sinon de continuer à alimenter la crise, comme le chauffeur de la locomotive à vapeur s’activait à charger le foyer jusqu’à la gueule à grands coups de pelletées de charbon. Et la locomotive roule, roule, de plus en plus vite…
(N.B. in extremis : bien entendu, et pour rendre l'aventure intéressante, on doit avoir à l'esprit que nous employons le mot “apocalypse” dans son sens plein, essentiellement le sens venu du grec : “dévoilement”, “révélation”.)
Mis en ligne le 2 mars 2013 à 06H37