Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
155421 juin 2013 – A côté des observations subjectives diverses, qui ne sont pas nécessairement futiles, qui vont de la plaidoirie pour notre situation économique à nos états d’âme nécessitant la solidarité des lecteurs, il y a un aspect objectif important dans notre choix de cette formule de donation pour donner à dedefensa.org le soutien vital dont il a besoin. Il se trouve que ce constat n’a pas de meilleur avocat, ce mois-ci, dans le fracas du monde qu’on ne peut ignorer et où il est directement impliqué, que celui de Glenn Greenwald. Bien entendu, et de la façon la plus normale du monde, son article du Guardian du 4 juin 2013 est passé inaperçu ; “de la façon la plus normale du monde” puisque, deux jours plus tard, Greenwald devenait à la fois le héros et l’inspirateur direct de l’affaire PRISM/NSA/Snowden, et qu’il est évidemment plus nécessaire et aussi plus intéressant de lire le produit du travail d’un journaliste indépendant de ce calibre, que de lire ce qui est nécessairement la répétition de la description des conditions dans lesquelles il travaille.
Il n’empêche, Greenwald est un cas unique. Lorsqu’il est passé de Salon.com au Guardian, sa notoriété était établie. Un arrangement pouvait aisément être trouvé, avec Greenwald entièrement rémunéré par le Guardian. Greenwald a refusé, proposant une formule mixte : le Guardian payant la moitié de la rémunération proposée, Greenwald s’assurant de l’autre moitié en demandant des donations à ses lecteurs. Ainsi la donation du lecteur est-elle située à sa vraie valeur : non seulement une nécessité de subsistance pour permettre l’exercice de son travail (pas pour Greenwald à l’origine, mais lui-même faisant en sorte qu’elle le devienne), mais aussi une nécessité intellectuelle pour assurer l’indépendance du contenu de son travail ; une nécessité triviale et une nécessité noble, la seconde rachetant amplement la première et lui donnant même un peu de sa noblesse...
«Ever since I began political writing, I've relied on annual reader donations to enable me to do the journalism I want to do: first when I wrote at my own Blogspot page and then at Salon. Far and away, that has been the primary factor enabling me to remain independent – to be unconstrained in what I can say and do – because it means I'm ultimately accountable to my readers, who don't have an agenda other than demanding that I write what I actually think, that the work I produce be unconstrained by institutional orthodoxies and without fear of negative reaction from anyone. It is also reader support that has directly funded much of the work I do, from being able to have research assistants and other needed resources to avoiding having to do the kind of inconsequential work that distracts from that which I think is most necessary and valuable.
»For that reason, when I moved my blog from Salon to the Guardian, the Guardian and I agreed that I would continue to rely in part on reader support. Having this be part of the arrangement, rather than exclusively relying on the Guardian paying to publish the column, was vital to me. It's the model I really I believe in.
»It is an indispensable factor in my independence. It enables me to work far more effectively by having the resources I need and to spend my time only on the work which I actually believe can have an impact. It keeps my readers invested in the work I do and keeps me accountable to them. And it's what enables me to know that I'll be able to continue focusing on the issues and advancing the perspectives which I think are vital regardless of who that might alienate. I've spent all of this week extensively traveling and working continuously on what will be a huge story: something made possible by being at the Guardian but also by my ability to devote all of my time and efforts to projects like this one.»
Le reste du texte de Greenwald est une apologie de ce “modèle” de journalisme, plus que jamais nécessaire aujourd’hui où les grands groupes de presse rassemblent le maximum de publications dans leurs mains, les intégrant ainsi au Système avec les conséquences qu’on sait. (En 1982, il y avait 50 groupes médias aux USA ; ils sont 5 aujourd’hui, 8 si on y ajoute les trois géants de l’internet [Google, Yahoo !, Microsoft]. Voir notamment Global Issues, 2 janvier 2009 et Wikipédia, à la rubrique Concentration Media Ownership.)
Il n’y a plus de choix désormais en ceci qu’il n’y a plus de demi-mesure possible. La situation se trouve définie entre le rouleau-compresseur du corporate power section médias et ce qu’on nomme du vocable général de “presse alternative”, – auquel nous préférerions l’expression plus large mais néanmoins plus précise de “communication-antiSystème”. La base même de cette “communication-antiSystème” est bien le lien entre la plume de celui qui écrit et ceux qui lisent ce que cette plume produit, et cette combinaison passant nécessairement par le soutien des seconds à la première. Greenwald a parfaitement saisi l’essence de la situation de cette “communication-antiSystème”, qui est nécessairement collective...
«As governments and private financial power centers become larger, more secretive, and less accountable, one of the few remaining mechanisms for checking, investigating and undermining them – adversarial journalism – has continued to weaken. Many of these large struggling media outlets don't actually do worthwhile adversarial journalism and aren't interested in doing it, but some of them do. For an entity as vast as the US government and the oligarchical factions that control it – with their potent propaganda platforms and limitless financial power – only robust, healthy and well-funded journalism can provide meaningful opposition.
»For several years, I've been absolutely convinced that there is one uniquely potent solution to all of this: reader-supported journalism. That model produces numerous significant benefits. To begin with, it liberates good journalists from the constraints imposed by exclusive reliance on corporate advertisers and media corporations. It enables journalism that is truly in the public interest – and that actually engages, informs, and inspires its readers — to be primarily accountable to those readers.
»Reader-supported journalism also democratizes political discourse and injects otherwise excluded perspectives; it does so by enabling the funding of a platform for those who want to cover issues and advocate perspectives unwelcome in most large corporate conglomerates. It provides a crucial alternative to the easiest careerist path for journalists to make a living: working for and serving the most powerful and wealthiest corporate factions. Under this model, it is only the journalists who people perceive are providing a real public value who are supported.
»And, probably most importantly, this model elevates the act of journalism into a collective venture, where readers are invested in the adversarial pushback against powerful institutions that good journalism provides. Readers become a part of it and the causes it advances, rather than just passive recipients of a one-way monologue. In sum, it's vital that journalism be funded not only by large corporate interests with homogenous agendas but by citizens banding together as well.
»This model is not entirely new. The great independent journalist IF Stone was able to produce his path-breaking newsletter of the 1950s and 1960s only as a result of reader support. The emergence of political blogs at the beginning of the last decade, which really did produce several unique voices and had some genuine impact on the political discourse, was driven in part by some advertising but in many cases primarily by annual reader donations; in many cases, they still are. Various forms of public radio and television have long relied on voluntary donations, and political magazines from Mother Jones to National Review still do.»
Nous avons emprunté, dans notre texte, les trois-quarts de celui de Greenwald. Nous croyons, nous savons bien entendu qu’il ne nous en fera aucun reproche, si la chose lui arrivait jamais à l’oreille par un canal ou l’autre. Nous pensons qu’il expose magnifiquement la question que nous-mêmes traitons régulièrement, pour chaque donation. En fait, c’est moins le sens de l’urgence pour nous (donations), assez habituel certes et qui subsiste donc, qui nous a poussé à emprunter de larges extraits de son texte, mais bien la valeur intrinsèque de ce texte, qui doit intéresser nos lecteurs.
Bien entendu, il n’est pas question que nous nous mettions en parallèle avec Greenwald, ni sur le même pied. Ce journaliste est exceptionnel, il a des moyens d’action également exceptionnels, et un courage à mesure. Nous pensons néanmoins que son exemple, son action depuis que l’affaire PRISM/NSA/Snowdon a démarré, constituent un formidable exemple de la capacité d’un esprit indépendant, travaillant avec des moyens raisonnables (dont une partie fournie par le soutien de ses lecteurs), à provoquer des événements d’envergure mondiale, secouant le Système jusque dans ses tréfonds. Il existe aujourd’hui l’hypothèse que PRISM/NSA/Snowdon, dont nous estimons qu’elle est devenue une crise en soi (voir le 20 juin 2013), une crise autonome, capable de susciter elle-même des effets et des conséquences extraordinaires, peut amener des bouleversements considérables allant jusqu’à la possibilité d’en entraînement décisif de la crise d’effondrement du Système. Bien entendu, ce n’est pas une prévision mais simplement une hypothèse ; le fait qu’elle puisse être posée et envisagée sérieusement est en soi un événement d’une immense importance.
Observez les effets absolument démultipliés, entre les contacts puis la collaboration de deux hommes (Greenwald et Snowdon), et les effets et conséquence possibles sur cette puissance inouïe qu’est le Système. Vous ne pouvez pas ne pas tirer une conclusion décisive sur cette situation sans précédent où un si petit nombre d’hommes, dotés de moyens si restreints, tiennent en main cette potentialité extraordinaire de frapper au cœur le Système. Et qu’est-ce donc qui fait agir Greenwald, qui lui donne cette force unique, outre sa conviction bien entendu, sinon le soutien de ses lecteurs, ses centaines et milliers de commentaires que suscitent ses articles, et l’intervention financière, également de soutien, qu’il obtient de ses lecteurs ?
Nous ne sommes pas Greenwald, décidément. Mais nous sommes dans des circonstances proches, certainement dans son esprit, et l’appel à la solidarité qu’il lance dans son texte c’est le nôtre également. Greenwald juge que cet aspect collectif est le plus important, comme nous l’avons écrit dix fois, cent fois... «And, probably most importantly, this model elevates the act of journalism into a collective venture, where readers are invested in the adversarial pushback against powerful institutions that good journalism provides. Readers become a part of it and the causes it advances...
... Bien, inutile de faire quelque comptabilité peu ragoûtante là-dessus. Vous voyez la barre de comptage, vous savez où nous sommes et ce dont nous avons besoin. Vous savez que nous avons besoin de votre soutien.