dedefensa.org et les donations : “ainsi soit-il”

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dedefensa.org et les donations : “ainsi soit-il”

Nous avons dépassé le sixième mois de la nouvelle formule de financement du site, par donations mensualisées, – la nième formule de financement que nous avons lancée depuis le mois de mars. On le sait ou on ne le sait pas exactement, mais cette formule fait eau de toutes parts par rapport à ses ambitions. Un décompte rapide fixe les choses pour les six premiers mois de cette formule, – une demi année, ce qui est un laps de temps qui commence à être assez significatif pour suggérer une appréciation structurelle de la formule.

• Pour ces six derniers mois, les sommes collectées correspondant aux chiffres de nos besoins se situaient entre €12.000 et €18.000 (financement “minimal” et financement “confortable”, – voir nos explications à ce propos.).

• Les résultats, depuis mars, avec mars inclus, sont successivement de €2.181, €1.460, €1.603, €1.397, €1.242 et €1.103. Le total est de €8.986, chiffre qu’il faudrait “pondérer” par le fait que le mois de mars englobe des donations spontanées faites entre le 15 février et le 1er mars, durant la période intermédiaire entre les deux formules ; c’est donc autour de €8.500 qu’il faudrait ramener ce chiffre. Le constat est donc que nous sommes largement en dessous du chiffre de financement “minimal”. Et la suite n’est nullement encourageante puisqu’elle tout simplement catastrophique : le résultat de €320 au 18 septembre 2011 implique une tendance effectivement catastrophique, – d’ailleurs d’une façon incompréhensible, puisque les conditions générales subsistent et que nous sortons des vacances, où le lectorat et l’intérêt pour le site sont en général plus réduits.

A plusieurs reprises, j’ai songé à prendre la plume pour tenter de soutenir cette campagne, d’en faire la promotion. Cela a été fait au début, puis largement en décroissant, avec comme seule mesure restante l’affichage de la grande barre de progression de la donation, en bandeau de la page d’accueil, les quatre ou cinq derniers jours du mois. Cela procède, je l’avoue pour mon compte, d’une certaine réticence naturelle pour cette sorte d’action. J’avoue également éprouver une certaine considération étonnée pour la façon dont certains, sur d’autres sites tout à fait honorables, réagissent avec promptitude et justesse aux sollicitations des événements. Je cite à cet égard deux réactions de Justin Raimondo, alors que la campagne trimestrielle de levée de soutien financier de Antiwar.com se trouvait en marche.

• Le 16 août 2011, il terminait sa chronique sur le boycott de Ron Paul par les médias-Système par ces paragraphes :

«Now we’re asking our readers and supporters to come through again – and the need has never been greater. We’re working to undermine – and bypass – the same media bias that has sent news of Ron Paul’s success down the Memory Hole. They can’t bear that he’s rising in the polls because they can’t bear a world where their opinions and prejudices are not the received wisdom – so won’t you help us make life just a little bit more unbearable for them?

»Please – give as much as you can, as soon as you can. The media is our enemy: this much we know. The question is: will we have the intelligence and perseverance to forge our own media, and take our case to the American people?

»Our fate – the fate of peace and liberty in our time – is in your hands.»

• Le 21 août 2011, à nouveau, dans une chronique consacrée à l’intérêt malveillant que le FBI porte à lui-même (Raimondo) et à son site, ces derniers paragraphes…

«Antiwar.com is clearly under attack from the government – but that’s not the only problem we face. The government is so eager to know how we get our money, and so I’ll let them in on the inside scoop: with increasing difficulty. Thanks to their disastrous economic policies, whereas two or three years ago it took us a mere week to meet our fundraising goal, these days it takes three weeks.

»We’ve got the feds breathing down our necks, and our creditors, too: it’s a two-front war against snoops and a bank account in perpetual decline.

»We need your help in fighting this battle: we need our readers and supporters to stand up to Big Brother (or, in this case, Big Sister), and tell the feds to go to hell. The best way to do that is by making your tax-deductible donation to Antiwar.com. We intend to expose the feds’ spying operation and part of that is a legal fight – but we need funding for such an effort, far more than our minuscule budget presently allows.

»We want to teach these creeps a lesson, one they’ll never forget – but we can’t do it without your help. Please, make your donation today – before “Operation Smear Antiwar.com,” better known as “Operation Frame-Up,” puts us out of business for good.»

Well done, comme ils disent, et Antiwar.com a rempli son contrat et bouclé ses $100.000 trimestriels. Il n’y a aucune jalousie, aucune amertume, aucun reproche cachés dans ces deux exemples que je rapporte. Je pourrais même renforcer la chose de cette confidence qu’à la lecture de la première chronique citée de Raimondo, j’avais été tenté de l’exploiter pour le compte de dedefensa.org et de sa propre campagne, en m’appuyant sur l’argumentation de Raimondo qui est universelle et vaut pour nous également (et en le citant, d’ailleurs). Je ne l’ai pas fait pour la raison qu’on peut implicitement comprendre dans les remarques ci-dessus (“une certaine réticence naturelle pour cette sorte d’action [de promotion et de sollicitation]”) ; dans ce cas, on pourrait considérer que ce fut une faiblesse de ma part, due à la fatigue psychologique (l’absence d’élan à cet égard, le découragement) pour ce domaine des donations.

De ce point de vue, il y a une sorte de différence de culture qu’il semble impossible de réduire, entre l’attitude d’un Raimondo et la mienne, – entre un site US et un site européen francophone, – l’un et l’autre se réclamant d’une orientation absolument contestatrice de l’ordre établi. Je ne dis en aucune façon que l’une de ces attitudes est plus raisonnable que l’autre, que l’autre est plus vertueuse que l’une. Je ne fais que constater l’évidence et, par conséquent, les conséquences qui en découlent. Pour ajouter au constat, il y a cette observations que les lecteurs US de Antiwar.com et les lecteurs de defensa.org, évidemment francophones sinon français, réagissent de façons très différentes, chacun dans les mêmes sens que j’ai décrits pour Raimondo et moi-même. Là aussi, la différence des cultures, des psychologies, est immense.

Cela conduit à des observations bien peu encourageantes pour defefensa.org, pour la forme de développement suivie jusqu’ici, avec les formules envisagées, – on les comprendra sans que j’ai besoin de les détailler, ces observations. Il n’y a plus guère de “solutions” alternatives à explorer, et je n’en ai d’ailleurs plus guère ni la force ni, surtout, le goût. La lassitude s’est installée, d’autant que l’essentiel de mon énergie est consacrée au contenu du site et non pas au moyen de faire la promotion de ce contenu, et à la nécessité de soutenir le site pour cette raison. Même cette énergie pour le contenu du site connaît parfois quelques faiblesses, dans tous les cas dans le chef de qui s’y emploie ; la psychologie se fatigue là aussi. Dans ces conditions, réserver une partie de cette énergie précieuse à rechercher une “stratégie de marketing” efficace, comme ils disent, ne présente aucun attrait dans la mesure où c’est trop sacrifier aux pratiques du Système. (Cela pouvait se concevoir lorsque les réactions des lecteurs étaient encourageantes ; ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui.)

Ayant exposé mon incapacité, et surtout ma réticence, voire mon hostilité, à mener une campagne permanente de promotion des donations, – une pratique qui m’est personnellement si étrangère, allant de pair avec mon hostilité au Système, – je confirme d’une façon générale que je ne vois guère de solution. D’une certaine façon, j’ai du mal à bien plaider ma cause parce que, étant de cette culture que j’ai dite, je connais aussi, moi-même, la réticence qu’il y a à participer volontairement au soutien d’un site (je parle d’un autre que dedefensa.org) ; dans mon cas, il s’agit de ma réticence regrettable, sinon mon impuissance, à mêler les affaires mercantiles propres au Système à un effort intellectuel dans la bataille contre le Système (lequel mérite évidemment une majuscule, contrairement à ce que croient certains, – ou bien, c’est vraiment ne rien comprendre à notre démarche). J’ai une profonde estime, voire de l’admiration, pour ceux de nos lecteurs qui dépassent cette sorte de réticence et parviennent si intelligemment à écarter toute référence aux méthodes du Système pour soutenir spontanément dedefdensa.org sans la moindre réticence.

Il y a même quelques fidèles qui ont institué des donations régulières (mensuelles). Ce sont eux qui maintiennent un fond courant de soutien à dedefensa.org, et s’ils n’étaient pas là nous serions proches de €0 pour ce mois de septembre. Je pense que la seule méthode pour aider de defensa.org, c’est effectivement de choisir ce type d’action sur le long terme. Que ceux qui y sont prêts entendent cet appel, quant à moi je n’insisterai pas plus là-dessus.

Le “long terme”, justement. En toute franchise, je n’ose plus rien en dire de précis. Dans les conditions actuelles, je ne sais plus où nous allons, et, surtout, jusqu’où nous pouvons aller. L’abondance du lectorat, qui reste constante, n’a rien à voir avec ce pessimisme, c’est-à-dire qu’il ne peut guère le combattre. Curieusement, il y a ma résolution, qui est de poursuivre certes, – et je dis “curieusement”, parce qu’il s’agit d’un facteur d’une telle force (c’est mon privilège un peu ambigu de le mesurer) que je croirais souvent qu’il suffit à balayer le pessimisme éprouvé précédemment, irrésistiblement…

Je devrais ajouter un sentiment personnel, qui vaut ce qu’il vaut, et que j’ai quelque réticence à exposer, mais sans doute faut-il que cela soit dit. Un facteur important dans le désenchantement qu’on distinguera dans ces lignes, c’est l’interprétation à laquelle je cède parfois de penser que cet échec des donations, c’est aussi la faiblesse de la réaction de la solidarité que j’espérais. A côté de cela, ou plutôt au contraire, je comprends parfaitement que, dans les conditions de la crise, et dans une situation où rien ne permet d’espérer une éclaircie, – c’est même l’essentiel du thème central des réflexions de ce site, avec l’idée explicite complémentaire que ce rien est signe d’espoir, – on soit contraint à une attitude de réserve, voire d’abstention dans ce domaine financier. Tout cela est juste d’un côté comme de l’autre, tout cela est absolument contradictoire, et je ne puis rien ajouter sinon que nous sommes au terme du constat, – et, après tout, “ainsi soit-il”…

Philippe Grasset