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193120 novembre 2009 —Nous ne pouvions, à un moment ou l’autre, ne pas réagir aux nombreux commentaires suscités par notre précédent message “interne”, du 5 novembre 2009. Expédions la feuille de température des abonnements par une citation déjà fameuse, celle du porte-parole du Pentagone Geoff Morrel, commentant le rapport JET-II sur le programme JSF: «I think it's fair to say that if the JET had provided some especially good news, we would be trumpeting it.» Remplacez JET par “évolution des abonnements”, mais sans tout de même aller jusqu’à l’horreur extrême de comparer le sort de dedefensa.org à celui du système JSF. (Nous sommes encore dans des décomptes approximatifs à cause de la complexité du système mélangeant des abonnements de durée différentes et de formes différentes; il nous faudra au moins prendre les résultats sur quatre mois pour apprécier l’effet général.)
Le premier point principal que nous relevons des divers commentaires autant que de nos réflexions à ce propos concerne le constat qu’une portion importante des lecteurs, bien sûr parmi eux les abonnés, comprend parfaitement le sens de notre démarche. Certains d’entre eux nous prodiguent des conseils, d’autres des critiques que nous prenons (à tort ou à raison) comme constructives, et nous les en remercions tous sans réserve. Il y a là-dedans le sens d’une communauté.
Il reste que notre situation est que nous sommes dans le cœur d’un processus d’installation d’un système bien plus complexe à l’usage qu’on ne pense en théorie à propos de cette sorte d’opérations. Il nous paraît aujourd’hui imprudent et utopique, et déraisonnable, de nous tourner vers un autre système, qui demanderait de tout recommencer avec des moyens que nous n’avons pas, qui consumerait encore plus ce que nous avons de plus précieux – le temps – à rattraper les inévitables imperfections, réclamations, demandes d’explication, etc. aussi bien dues à certaines manipulations maladroites de lecteurs, qu’à des imperfections de notre système, qu’à nos propres erreurs. C’est épuisant et c’est débilitant. Cela ne signifie nullement que vous deviez interrompre ce genre de suggestion mais explique que nous n’y répondions pas nécessairement, ni n’en tenions compte éventuellement, du moins pour le temps présent et plutôt par épuisement de nos ressources et du reste que par indifférence. Pour l’instant, notre objectif est de poursuivre dans la voie ouverte, même si elle ne donne pas (encore?) le soutien espéré, jusqu’où nous pourrons aller, avec toujours l’espoir que la situation évolue favorablement.
Nous ne sommes en rien indifférents à la catégorie des lecteurs qui veulent lire dedefensa.org mais n’ont pas les moyens de s’abonner. Nous restons absolument fermes sur les prix en cours, comme référence principale. Cela n’empêche pas des aménagements. Nous pouvons signaler ici que nous avons ainsi accueilli quelques cas, depuis septembre dernier, et avons offert des arrangements temporaires plus accessibles, y compris des arrangements temporaires d’accès. Nos abonnés ne doivent pas s’en offusquer, ils doivent savoir qu’il s’agissait de cas, si peu nombreux (ils ne font pas tous les doigts des deux mains), qui nous paraissaient évidents et méritaient notre attention. Qu’il soit tout de même ajouté ceci pour notre gouverne à tous: dans deux cas qui venaient de personnes s’étant plaintes des prix par rapport à leurs situations économiques extrêmement précaires, avec détails à cet égard qui nous parurent de bonne foi et convaincants, avec l’affirmation de la nécessité pour eux de suivre dedefensa.org, nos propositions bienveillantes ont provoqué en réponse un silence étonnant. Cette sorte d’incident fait tout de même s’interroger sur la validité et la sincérité de certaines récriminations concernant les abonnements, par exemple se demander si certaines de ces interventions ne sont pas faites pour simplement attaquer le principe de non-gratuité, voire le site lui-même en le dénonçant pour ses pratiques honteuses. Notre site n’a pas que des amis et l’attaque vicieuse est un champ fécond pour l’imagination humaine.
Pour être plus précis sur ce cas des lecteurs ayant des difficultés pour payer le prix des abonnements, nous rappelons tout de même – pardonnez-nous de nous répéter mais il n’est pas sûr que toutes les observations tiennent compte de tout ce que nous avons écrit – ce que nous avons déjà écrit le 3 octobre 2009. (Nous soulignons en gras le passage qui montre cette préoccupation en question.)
«• Un lecteur (Frédéric Guillien) nous interroge sur la disposition des articles une fois qu’ils ont été payés, par celui qui en dispose. Peut-il le communiquer à d’autres, à des connaissances, etc., non par le lien qui reste payant, mais par les moyens du bord, que tout le monde connaît. Bien sûr, nous ne sautons pas avec enthousiasme sur la demande mais n’avons aucun anathème de sacrilège ou menace quelconque à lui opposer. Le corps de la réponse que nous avons fait est celui-l: “L'affaire du ‘domaine payant’, ce n'est pas de gaieté de cœur mais plutôt l'empire de la nécessité. La chose est claire, n'en parlons plus. Donc, le ‘domaine payant’ n'est pas fait pour interdire le plus possible de nous lire hors du moyen sonnant et trébuchant qu'on sait mais pour avoir les moyens de survivre et de vivre… […] C'est pourquoi nous parlons souvent d'abonnements comme, également, une forme de soutien du site, et la précision n'est pas indifférente. […] Nous n'allons pas passer notre temps à surveiller ce qu'on fait des articles…” Nous dirions qu’à partir du moment où un abonné en dispose, il en fait ce qu’il lui plaît, à charge de sa responsabilité de ne pas agir jusqu’à nous priver par le fait, “jusqu’à ce que mort s'ensuive, de nos soutiens, c'est-à-dire des abonnements.”
»• La question du prix des abonnements est au cœur de nombre de remarques. Nous en avons conscience. Nos lecteurs ne peuvent oublier que ces prix répondent à une logique. […] Cela exposé, il est très possible que la formule évolue, notamment pour prendre en compte la situation de ceux qui ont des difficultés à atteindre ces sommes. De ce point de vue, nous sommes ouverts à la possibilité d'arrangements, sans que nous soyons encore fixés à ce propos.»
A propos du premier point cité, peut-être aussi pourrions-nous faire une suggestion aux lecteurs disposant de peu de moyens: pourquoi certains d’entre eux ne se regroupent-ils pas en une sorte de coopérative de deux, trois ou quatre, partageant ainsi l’abonnement pris au nom de l’un ou par tout autre moyen, et faisant circuler les articles entre eux? Nous-mêmes pouvons accepter ce principe, dès lors qu’il y a un engagement formel de ces quelques personnes, et alimenter directement ces diverses personnes en acceptant un seul abonnement de cette coopérative (une telle formule serait surtout envisageable pour la formule de l’abonnement annuel, parce que la formule de l’abonnement mensuel représente un élément très instable pour nous, qui est également coûteux puisqu’une somme fixe est prélevée sur chaque transaction)… C’est une idée à creuser. Nous le répétons: dans de tels cadres restreints, et à condition qu’ils restent restreints, nous n’avons aucun obstacle d’exclusivité à opposer, dans la mesure où cela est pratiqué avec discipline et mesure, où cela est fait pour ne pas décourager d’éventuelles prises d’abonnements.
Le cas cité plus haut de récriminations sur le coût, suivies de propositions arrangeantes de notre part, suivies du “silence étonnant”, nous amène à signaler le comportement d’une catégorie de lecteurs, ou de non-lecteurs dans ce cas… Un lecteur, très récemment, citait un texte d’étude statistique d'un blog annonçant que 67% des “lecteurs” (?) passant sur ce site n’en lisaient rien. Il nous a paru que cette référence et ce qu'elle dit, dont le principe pourrait s'appliquer dans une certaine mesure à dedefensa.org, cela en plein débat sur le “domaine payant”, l'abondance dans passages sur notre site et la question des abonnements, pouvaient ne pas déplaire à certains. On a les satisfactions qu'on peut.
Cette intéressante révélation statistique est un triste argument pour la gloire démocratique de l’Internet de la connaissance, et un bon argument pour la suite, y compris pour le “domaine payant”... A quoi sert-il de plaider pour la gratuité comme la panacée universelle si de fortes majorités d'internautes n’en profitent en rien puisqu’ils ne lisent pas? Réussite de leur démocratie, sans aucun doute, où l’on préfère les images qui bougent aux textes qu’on doit lire. Dans tous les cas, cette sorte de constat nous éloigne encore plus de la “mystique quantitative”, c’est-à-dire de la qualité et de l’influence d’un site appréciées à la masse de ses visiteurs. Nous croyons de plus en plus que le “domaine payant” opère une sélection, non pas économique comme on croirait à première vue, mais bien intellectuelle et de caractère, dans le sens de la qualité. Cela ne signifie par que notre entreprise de “domaine payant” va l’emporter mais qu’elle est en accord avec nos principes et avec la bataille que nous menons. Quand nous constatons la prolifération extraordinaire des publicités sur les “sites gratuits” d’information, nous nous demandons, avec réponse assurée, où se trouve exactement l’asservissement à l’argent, c’est-à-dire au fric sonnant et trébuchant du système.
Cette question de la gratuité ou pas nous a donné l’idée d’une analyse qui sera le sujet du prochain dde.crisis (les huit pages de la rubrique de defensa). Nous plaçons cette analyse dans le cadre général de ce que nous nommons l’ère psychopolitique, et de la communication en général, que nous jugeons être aujourd’hui, avec le technologisme, une des deux forces que l’époque. C’est une approche qui nous intéresse parce qu’elle insère notre cas personnel dans un cadre plus large d’une des crises centrales du système, donnant à notre action l’orientation qui nous intéresse.
Dans ce cadre d’analyse, nous avons développé la question d’Internet, dont nous estimons qu’il arrive à un “deuxième âge” du point de vue de son rôle dans le phénomène de la communication. Nous vous en parlerons prochainement, en résumant ce que nous entendons par “deuxième âge”, laissant l’analyse complète, bien sûr, à dde.crisis du 25 novembre 2009. Dans ce cadre, nous disons quelques mots sur la question de la gratuité. Nous ne pensons pas déflorer le contenu de dde.crisis en en extrayant ces quelques lignes, qui concluront ce texte en vous exposant notre sentiment sur la gratuité et, à l’inverse, sur la non-gratuité. Nous vous livrons ce passage en songeant au sentiment de ce lecteur qui écrivait que le fait de devoir éventuellement payer un abonnement le glaçait (“comme plonger dans un bain d’eau glacée”). Nous espérons qu’il appréciera notre avis pour ce qu’il vaut, qui est au contraire que l’abonnement est pour nous un lien de solidarité extrêmement chaleureux – le contraire de l’eau glacée – avec le lecteur.
«…La question de la gratuité d’Internet, c’est la question de l’argent. L’argent subit le même sort que la raison. La raison n’est qu’un outil de l’intelligence pour comprendre le monde alors qu’elle est devenue, dans la perversion de notre système, la définition du monde et son explication centrale, sinon exclusive, entraînant une crise fondamentale qui est la confrontation de cette croyance (au sens religieux) avec le chaos du monde. Pour l’argent, c’est le même processus: cet outil pour tenter d’organiser l’économie du monde est devenu, dans le système, l’explication et la seule valeur du monde, infectant les psychologies à mesure; mais pour nombre d’adversaires du système, essentiellement les rescapés des idéologies et des utopies aux effets catastrophiques du siècle précédent, l’argent est devenu également une valeur en soi, le Diable lui-même. Ce deuxième parti rejette toute référence et utilisation de l’argent comme si, en disposant de l’argent, on était irrémédiablement corrompu par le système. C’est donner une piètre image de la résistance psychologique, intuitive et rationnelle à cette fausse valeur qu’on dénonce alors avec tant de vigueur qu'on la prendrait pour vraie.
»Dans cette sorte de raisonnement, la gratuité d’Internet est devenue la défense inexpugnable contre l’invasion d’Internet par les marchands du temple, les Murdoch & compagnie, qui y voient une vache à lait de plus. Consigne, par conséquent: restez ferme sur la gratuité (éventuellement, c’est-à-dire nécessairement à terme, au prix de la publicité ou d’autres soutiens occultes, qui constituent une forme incomparablement plus efficace de récupération au profit du système).
»Au contraire, l’argent, qui n’est qu’un moyen de subsistance dans les conditions pour l’instant inévitables de la vie courante imposée par le système, devient le moteur du “deuxième âge” d’Internet, celui qui peut attaquer avec efficacité le système. Il permet à ceux qui organisent la résistance au système de faire le travail professionnel et historique que nécessite une attaque efficace du système. Il établit un lien ferme avec les lecteurs, qui sont en même temps des soutiens, en toute liberté, d’une orientation qu’ils ont choisie; il s’agit alors de l’argent, cet outil malléable, qui devient un lien intellectuel de solidarité. (Il rejoint le principe de la lettre d’information publiée, ou Lettre d’Analyse, qui limite les frais de production, rejette la publicité, n’a aucun lien avec les trusts de distribution et assure ainsi le travail intellectuel indépendant grâce au seul rapport des abonnements.)
»La question de la gratuité d’Internet ne concerne donc pas Murdoch & compagnie mais bien la communauté efficace et novatrice à l’intérieur d’Internet, qui entend se développer pour porter l’attaque contre le système. C’est retrouver une fonction abandonnée de l’argent, qui devient alors une fonction vertueuse. C’est donner à Internet le cadre et le fonctionnement, en même temps que la responsabilité intellectuelle, qui sont la caractéristique du “deuxième âge”. C’est là, et nullement dans les discours démagogiques, que se tient la vraie révolution.»
Stay tuned, comme ils disent. Nous vous annonçons pour très bientôt, des interventions qui, nous l’espérons, vous intéresseront.
• Comme déjà précisé, un texte sur le “deuxième âge” d’Internet.
• Egalement, un (ou deux) texte(s), à partir d’interventions de lecteurs, pour mieux définir, d’une part, les modalités intellectuelles de fonctionnement du site dedefensa.org et, d’autre part, les orientations centrales, qu’on aurait qualifiées en d’autres temps d'idéologiques et qui ne le sont pas du tout, du même dedefensa.org.
• Dans quelques jours, c’est-à-dire quelques-uns de plus qu’il n’était prévu, la première mise en ligne du livre La grâce de l’Histoire, qui a bien évidemment son petit retard, accompagnée des présentations qui importent. C’est autour du 1er décembre qu’il faut attendre la chose.
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