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1107Le Pentagone a la mémoire longue. Il n’oublie jamais les projets qui lui permettent d’encore compliquer les choses, de surcharger les occasions, de rendre beaucoup plus compliqué ce qui l’était déjà et qui avait menacé d'être simple au départ. L’idée d’un JSF avec des bombes nucléaires est une idée qui vient ajouter un peu de sel sur la queue d’une affaire (celle du JSF) qui n’en finit pas de s’agiter – pourtant c’est une idée qui n'est pas neuve du tout puisqu’on l’avait évoquée, par exemple, en mars 2002. Aujourd’hui, le Washington Times ressort le bébé, le 3 septembre 2009, ou plutôt il nous décrit comment le bébé progresse dans les arcanes du kafkaïen budget de la défense, glissé entre les lignes et entre quelques paragraphes… Soudain arrêté par une intervention intempestive du Congrès, soudain cause d’une bataille sur les virgules et sur $65 millions.
«Obama administration national-security officials are gearing up to battle Congress over $65 million that a House subcommittee cut from the fiscal 2010 budget and that had been slated toward upgrading the oldest tactical nuclear bomb in the U.S. arsenal.
»The administration requested the money for a study about upgrading the B61, an aircraft-delivered tactical nuclear bomb that both the Pentagon and the Energy Department say is needed to defend Europe as part of what the military calls “extended deterrence.” The matter is urgent for the Pentagon because the study is needed now to meet a 2017 deadline for outfitting the bomb on the new F-35 jet. Current F-16 jets that carry B61s will be phased out of service in eight years. […]
»The B61 money was cut by the House Appropriations subcommittee on energy and water development. Subcommittee Vice Chairman Ed Pastor, Arizona Democrat, said in a June 23 statement that the B61 money was zeroed out because the administration “has yet to meet the requirement for nuclear strategy, stockpile and complex plans that we first directed in fiscal year 2008.”»
Il s’agit donc bien de bombes tactiques nucléaires B61, actuellement stockées en Europe, dans diverses bases (en Hollande, en Belgique, en Allemagne, en Angleterre, en Italie), qui peuvent être utilisées par des F-16 de l’USAF en souvenir des bonnes vieilles habitudes de la Guerre froide, mais qu’on voudrait moderniser pour les adapter au F-35 d’ici 2016… Tout cela, pour “défendre l’Europe” (“…needed to defend Europe as part of what the military calls ‘extended deterrence’”) – contre qui, quel adversaire nucléaire, au nom de quelle doctrine où l’Europe aurait son mot à dire? Les F-35 avec armes nucléaires en 2015 comme les F-16 avec armes nucléaires en 1985? La bureaucratie du Pentagone poursuit sa course, comme un buffle, tête baissée et yeux fermés, en repoussant avec horreur cette sorte de questions qui remettent en cause les programmes et les procédures.
Voici donc quelques munitions pour un nouveau débat. Le dépôt continué d’armes nucléaires tactiques US dans ses bases aériennes d’Europe est un véritable scandale pour la souveraineté nationale, la stratégie et la sécurité nationale des pays d’Europe. Ces armes ne correspondent à rien, à aucune doctrine cohérente, à rien de concevable de manière raisonnable, et elles constituent une intrusion flagrante et continue dans les diverses souverainetés, si cela existe, des pays concernés. Par conséquent, les pays d’Europe occidentale (notamment) n’en parlent pas parce qu’ils ne sauraient quoi en dire qui n’exposât pas leur indignité et leur couardise. Ils se taisent, en attendant qe le temps passe. (Curieux, pendant ce temps les pays d’Amérique du Sud partent presque en guerre pour quelques bases colombiennes utilisées par les Marines US pour la lutte contre la drogue. Appréciez la différence et pesez, une fois de plus, la dignité politique de l’Europe enfin constituée, comme chacun sait.)
Cela dit avec l’emportement d’usage, le brave JSF pourrait donc faire renaître, en l’actualisant, cette vilaine querelle que les hommes politiques du cru n’aiment pas voir se répandre dans les foules européennes plutôt pacifistes et anti-nucléaires. En effet, comme l'on sait, nombre de ces pays d'Europe attendent avec impatience leurs F-35 et vont devoir se montrer ravis que ces fers à repasser aient, en plus, une capacité nucléaire complètement under control, à Washington évidemment. Mais le Pentagone se fout bien de ces détails extérieurs, plongé dans les dédales de sa bureaucratie et la comptabilité de sa puissance. Voici donc le JSF chargé d’une nouvelle mission de déstabilisation.
Mis en ligne le 7 septembre 2009 à 05H46