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1320Sans doute un brillant “dircom”, suivant en cela une tradition bien établie du système de la communication, avait-il songé qu’un discours à Berlin, 50 ans exactement après le fameux Ich bin ein Berliner, ce serait un fameux coup de pub. En juin 1963, ils étaient autour d’un million à se presser pour écouter et entendre le président Kennedy. Cette fois, pour BHO ils étaient 6.000, et encore s’agissait-il d’invités du gouvernement allemand et de l’annexe impérative du gouvernement allemand (l’ambassade US à Berlin).
... En juillet 2008 aussi, ils étaient venus en foule de centaines de milliers, à-la-JFK, pour saluer à Berlin le candidat Obama, l’homme du “Yes We Can”, – et pourtant, cela se confirme : hier, ils n’étaient que 6.000, en service commandé. Le discours fut morne, proclamant l’importance de la lutte contre le réchauffement climatique, de la lutte pour la protection des libertés civiles (toujours cette subtile ironie d’Obama, l’homme de PRISM) et proposant à la Russie une réduction d’un tiers de l’arsenal nucléaire, ce qui semble avoir fait sourire du côté de Moscou tant la chose ressemble à ce qu’elle est : un “coup” usé et épuisé de communication. (Par contre, les républicains ont montré de la fidélité à eux-mêmes en prenant la même chose au sérieux, selon le député Turner, républicain de l’Ohio : «The President seems only concerned with winning the approval of nations like Russia, who will applaud a weakened United States.»)
Même le fidèle Independent, toujours attentif et bienveillant pour le président US, observe, en employant d’ailleurs un curieux pluriel, qu’“il serait temps pour les présidents US de laisser derrière eux l’ombre persistante du discours de JFK”. Dans cet éditorial de 15 lignes en tout, pas plus, avec le titre volontairement ou involontairement ironique de « Mr Obama's farewell to arms in Berlin», (le 19 juin 2013), le quotidien semblerait conseiller à Obama de cesser de singer le passé pour commencer (?) à agir, comme si l’actuel président se trouvait au début de sa présidence et qu’il avait du mal à démarrer ... Ou bien n’a-t-il fait, pendant cinq ans, que de tenter de singer le passé, lui qui est la modernité incarnée ? «When John F Kennedy spoke in Berlin half a century ago and uttered the words “Ich bin ein Berliner”, he unwittingly set the standard for every US president who came after him. [...] Barack Obama – who had drawn ecstatic crowds in Berlin as a presidential candidate – clearly felt he had some hard acts to follow yesterday. [...] [I]t is time for US presidents visiting Berlin to leave the long shadow of JFK’s speech behind.»
• Obama venait du G-8 tenu sous la présidence britannique. Il a montré à Berlin le même épuisement psychologique qui le caractérise désormais, et qui caractérise également ses compères du bloc BAO. Il en faut, de cette explication de l’épuisement psychologique, pour se forcer à entendre notre président-poire, alias Hollande François, faire l’observation qui suit dans sa grande sagesse et avec son verbe mesuré ; cela, comme une sorte de conclusion du sommet du G-8 où l’on discuta de la Syrie exactement comme ils en parlaient il y a 18 ou 24 mois, sous l’œil un peu stupéfait de Vladimir Poutine à qui l’on faisait entendre qu’en réalité il ne tarderait pas à se joindre au bloc BAO, convaincu qu’il est au fond de lui-même, et sans encore le savoir, de la vérité de la chose ...
«Il n'y aura pas d'avenir de la Syrie avec Bachar al-Assad. Les Russes ne sont pas encore prêts à le dire ou à l'écrire mais parlant de transition, en réalité, qu'est-ce que ça signifie sinon un gouvernement de transition où il y aurait toutes les composantes de la société syrienne mais forcément sans Bachar al-Assad. On voit mal comment il pourrait en être le responsable.» Qu’est-ce que signifie, du point de vue de la logique de la pensée, ce passage sémantique entre le “toutes les composantes de la société syrienne” représentées dans ce gouvernement de transition enchaînant aussitôt sur ce “mais forcément” (sans Bachar) ? Qu’est-ce que signifie ce “forcément”-là ? Qu’Assad ne fait pas partie de la société syrienne ? En d’autres mots, qu’il n’existe pas ? (Assad “ne mérite pas d’exister”, disait à peu près Fabius in illo tempore. Philosophie du domaine par l’esprit-qui-pense.)
• Ainsi donc se poursuit la narrative, à laquelle ils continuent à souscrire et cet exercice les épuisant littéralement. Le cas fut similaire avec le Cameron britannique interprétant le communiqué du sommet du G-8 comme l’annonce du soutien des “leaders du monde” à un vaste mouvement en cours en Syrie, pour l’élimination de Bachar. Cameron alla même, dans son interprétation romanesque et romantique à la fois, jusqu’à promettre à l’appareil d’État syrien qu’il serait protégé, et sans doute maintenu dans ses positions une fois Bachar éliminé. Une formalité et nous y sommes, dans la nouvelle Syrie ... The Independent, qui se montra très zélé sous la plume de son correspondant Andrew Grice à Enniskillen, nous expliqua, le 18 juin 2013, le fond de la pensée du Premier ministre britannique et de ses conseillers, confirmant au passage l’analyse de notre président-poire sur l’évolution secrète de Vladimir Poutine, qui ne sait même pas encore lui-même (psychologie un peu lente, l’homme de l’Est et du KGB) qu’il a déjà rallié le bloc BAO.
«The G8 statement called for “agreement on a transitional governing body with full executive powers”, adding: “The public services must be preserved or restored. This includes the military forces and security services.” The wording was a message to Assad loyalists that they could have a future in a new Syria if they toppled their President. David Cameron, who chaired the summit at Lough Erne, told a press conference: “Those loyal to Assad, who know he has to go but who want stability in their country, they should take note of this point.” He said maintaining Syria's security forces would “learn the lesson” from Iraq, where disbanding the army and police after the 2003 invasion left a vacuum exploited by al-Qa'ida.
»British sources claimed that Russia had given ground behind the scenes, wanted a stable Syria and was not committed to propping up President Assad personally. They denied Mr Cameron had settled for a “lowest common denominator” approach to prevent a “G7 versus Russia” outcome at the summit.»
• De Damas où il se trouve, Patrick Cockburn dut lire avec quelque effarement l’article de son confère Grice, du même journal, faisant la part si belle à l’interprétation-vérité du Premier ministre Cameron. Il a pris la plume, simplement pour rappeler que les choses qui existent existent réellement. C’est dans The Independent du 19 juin 2013, et cela parle de la “fantaisie” cameronienne comparée à la vérité de la situation syrienne. Cameron a tenté un “coup”, comme on fait un coup d’État, contre cette vérité de la situation : échec complet, ce dont Cameron se fout sans doute complètement, passé à un autre sujet, à une autre narrative.
«The government of President Bashar al-Assad is tightening its control of Damascus, encircling and bombarding the remaining rebel strongholds in or near the city. [...] The capital is quieter than it was six months when the sound of artillery constantly reverberated from the mountains nearby. [...]
»“People are very tired after two years fighting,” said one local observer who did not want to give his name. “Many are feeling very poor because they have lost their jobs and prices are very high. But they don’t think there is any peace without Assad. They are looking to see what will come out of a Geneva peace conference.” He said that the rebels had been discredited in the eyes of some of their former supporters as a result of the widely watched film of a rebel commander eating the heart of dead government soldier and of a 14-year-old boy in Aleppo shot in the face for allegedly profaning the name of the Prophet.
»David Cameron’s pledge at the G8 on Tuesday to maintain Syria’s security services, military forces and state institutions while insisting that President Assad leave power appears to be wholly at odds with the reality on the ground. Assad’s forces have a tight grip on 13 out of 14 provincial capitals and increasingly hold the main roads between them. The one provincial capital captured by the rebels, Raqqah on the Euphrates in the east of the country, is held by Islamic fundamentalists who have no intention of maintaining Syria’s security services or military forces which they regard with fear and hatred.
»Mr Cameron’s message was interpreted by some as an appeal to the leadership of the Syrian security forces to mount a coup, safe in the knowledge that they would hold their jobs under any new government. But an important feature of the Syrian civil war is that the core of the regime has not split, unlike Egypt, Tunisia, Libya and Yemen in 2011. Assad’s fortunes are also buoyed up by the fact that he is no longer seen as an inevitable loser in the civil war inside and outside Syria.»
Cette réunion du G-8 porta la marque du bloc BAO dans son accomplissement, avec son cœur anglo-saxon (Cameron à la barre du bobard, BHO grognon qui leads from behind) et son appendice franco-louisphilippard qui ne cesse de stupéfier par sa résilience invertie dans l’exercice d’une volonté caoutchouteuse appuyée sur une politique aussi ferme que notre fameux éclair au chocolat qu’on aurait trempé dans de l’amidon. Le sujet principal fut la Syrie et tout se déroula comme si (bis) rien ne s’était passé depuis 18-24 mois : la même suffisance de l’esprit définitivement fermé, la même arrogance de boutiquier nouveau-riche, le même goût presque sociétal-époque postmoderniste pour l’inversion pratiquée comme le plus achevée des beaux-arts. On ne doit pas s’attarder au G-8 de ce début de semaine, justement, parce qu’il ne fut rien et qu’il n’a rien produit, absolument stérile, infécond et totalement vide. C’est la marque de cet épuisement de la psychologie qu’on retrouve chez Obama, parlant à Berlin par 33° degrés centigrade, sous le regard presque maternel d’Angela Merkekl et devant une foule disciplinée, invitée, bien rangée, mais lui-même tout de même protégé et toujours aussi cool, informal comme on est vide... («Draconian security measures, including sealed manhole covers and police sharpshooters on every surrounding rooftop, kept a larger public away. But Mr Obama broke the ice – or rather the 33C heat – by declaring: “I am going to take my jacket off. I think that among friends we can be informal.”»)
L’exercice de la narrative permanente est épuisante. (On ne dit pas “mensonge” parce que le mot est un peu brutal, et qu’en réalité ils ne mentent pas vraiment. Ils font leur travail, qui n’a aucun rapport direct avec la vérité de la situation ; en l’absence de ce rapport, donc en l’absence de toute “vérité”, on ne peut dire qu’il y a “mensonge”. On ne le dit donc pas.) Il faut insister sur cette idée de narrative multipliée par autant de problèmes, de crises, d’impasses, car chaque jour accentue la rupture avec ce que nous nommions “virtualisme”. Comme nous l’avons détaillé (voir notre Glossaire.dde le 27 octobre 2012), le virtualisme concernait une époque triomphante, où le bloc n’était pas encore le bloc, où les USA, centre du Système, pouvaient effectivement imposer par la puissance de leur communication et l’apparente hégémonie de leur puissance, une construction complète et cohérente d’une réalité absolument factice ; aujourd’hui, cette situation gît comme un miroir brisé, dont chaque éclat doit faire l’objet d’une narrative de plus en plus poussive et épuisante, et tous ces éclats perdant de plus en plus la cohérence, la cohésion, leur substance commune qui en faisaient auparavant un miroir bien en place. Ce fractionnement, qui a dépassé le stade de la déstructuration pour celui de la dissolution menant à leur entropisation, épuise effectivement leurs psychologies et les transforme en autant d’ombres caricaturales de ce qu’ils prétendirent être.
Un collaborateur de Russia Today, Afshin Rattansi, reprend (le 19 juin 2013) grosso modo l’idée du commentateur britannique Shoebridge (le 18 juin 2013) selon laquelle les rebelles font chanter Obama. Rattansi parle plutôt des sept pays “pris en otages” par les rebelles : «This loose coalition of rebels seems to have held 7 of the G8 hostage already, because they seem to be saying ‘we want this and we want that.’» L’idée est juste, certes, mais nous dirions qu’elle ne s’applique pas vraiment aux rebelles, eux-mêmes otages de leurs divisions, de leur incohérence, de leurs ambitions grotesques, de leur corruption, de leur absence totale de légitimité, – puisqu’avec les “parrains” qu’ils ont (bloc BAO), ils ne pouvaient qu’évoluer de cette façon. Les pays du bloc BAO sont otages d’eux-mêmes, par l’intermédiaire de leurs diverses narrative, et de plus en plus privés de toute légitimité, ce qui se mesure à la faiblesse de leurs discours, à la stupidité de leurs montages qui ne dépassent pas le temps d’un discours... Ces gens sont littéralement épuisés, reprenons le mot, et nous font assister directement et précisément à un véritable collapsus, selon le sens médical, de leur psychologie, – et cela s’exprimant de cette façon : «Le terme collapsus désigne de manière générale un effondrement (participe passé latin de collabi, tomber ensemble, tomber en ruine). Le verbe correspondant, “collaber”, s'utilise en général pour désigner un objet mou et creux qui se dégonfle et dont les parois collent.» Ces gens “collabent”, par conséquent, comme “un objet mou et creux” se dégonfle, et l’objet étant leur psychologie.
Mis en lmigne le 20 juin 2013 à 08H39
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