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2224A la fin 2009, lorsqu’il fut admis qu’il y aurait bien des changements dans l’arrangement initial (Bush-Pologne) concernant les systèmes BMDE (antimissiles) en Pologne, lorsqu’il fut admis qu’il n’y aurait pas dans l’immédiat de batteries terrestres BMD des USA ou de l’OTAN, les experts polonais s’interrogèrent à propos d’une batterie de missiles sol-air Patriot que les USA avaient promis pour protéger la base BMDE, et que les USA allaient envoyer tout de même, malgré la suppression de la base BMDE. Le 26 novembre 2009, nous écrivîmes à ce propos, retranscrivant notamment les avis des experts polonais. Ainsi put-on lire ceci…
«Que disent de cette affaire l’un et l’autre experts interrogés par Stars & Stripes? Peu d’enthousiasme, sinon une complète dérision.
»“It is coming from Germany,” said Jan Filip Stanilko, an analyst at the Warsaw-based Sobieski Institute, a political think tank. “It was settled during previous negotiations.”
»The previous negotiations were under the Bush administration, which had agreed as part of its ballistic missile-defense posture to place 10 ground-based, long-range missile interceptors on a base in Poland. The Patriot battery was an add-on, said John Pike, director of globalsecurity.org. The intent of the Patriot was to guard and defend the missile base from potential Russian attack, Pike said. But the Obama plan scrapped the Polish interceptors. Instead, it calls for sea-based interceptors in the Mediterranean.
»So it’s not clear to Pike and others just what the Patriot battery would now protect. “It’s totally nonsense,” Stanilko said. “One battery doesn’t change anything. It can defend one district (of a city.) From a military point of view, it’s irrelevant; it won’t defend Poland at all. It’s a symbolic gesture.” Pike seconded the opinion. “A complete waste of everybody’s time in order to save face,” he said.»
Il faut noter, en complément essentiel pour notre propos, que les Russes se formalisèrent assez peu de ce déploiement plutôt folklorique des Patriot US en Pologne. Ils n’élevèrent pas la voix, ne parlèrent aucunement de déstabilisation de la situation stratégique et ainsi de suite ; il est vrai qu’on se trouvait, à cette époque (automne 2009) en pleine lune de miel entre la Russie et Obama, ce qui montre que la dangerosité d’un système d’arme n’est pas indifférente à l’humeur et à la psychologie des dirigeants politiques. Dans tous les cas, cela nous conduit, de Patriot en Patriot, à ceux de Turquie.
On sait que c’est à partir de la mi-novembre (2012) que l’on commença à parler du déploiement de Patriot de l’OTAN en Turquie, pour protéger la Turquie contre la menace syrienne sans aucun doute terrible, notamment des Scud chargés jusqu’à la gueule de non moins terribles substances chimiques. La stupidité de l’argument en regard de la situation politique du cas envisagé témoigne, outre de la réduction chronique des esprits militaires postmodernes, de la pauvreté de la politique turque, même si elle est le fait d’hommes intelligents fourvoyés dans une voie sans issue. Il fallait bien trouver un argument quelconque pour que l’agressivité turque se justifiât par une menace à mesure, et une menace qui surpassât cette agressivité qui avait conduit la Turquie vers des impasses menaçant aujourd’hui, plus que jamais, la stabilité même du pays ; bref, on fit appel à l’OTAN, parce que, incontestablement, cela fait, comment dire, “plus sérieux” c’est cela…
Dès lors, l’OTAN entrait dans le jeu syro-turc. Il était difficile de penser, rétrospectivement, que les Russes allaient laisser passer cela comme une lettre à la poste, mais il y avait en plus, pour eux, la possibilité de se saisir de l’événement comme d’un argument en bonne et due forme pour inaugurer, ou aller vers une nouvelle stratégie. Le 23 novembre 2012, Russia Today rapportait l’irritation du ministre russe des affaires étrangères… Certes, Lavrov comprenait les inquiétudes turques mais il ne considérait certainement pas qu’en militarisant la frontière turco-syrienne, et encore avec des systèmes spécifiquement livrés par l’OTAN, on abaisserait la tension et, par conséquent, qu’on supprimerait la cause de ces inquiétudes. Lavrov cita Tchékhov et son syndrome fameux en Russie, du premier au troisième acte : “Lorsque vous posez une arme sur une table bien en évidence, sur la scène, au premier acte, vous pouvez être sûr que l’on s’en servira au troisième acte”. La sens russe et tourmentée de la tragédie n’est jamais loin.
«“Anders Fogh Rasmussen informed [Lavrov] about the situation related to Turkey's request that NATO deploy Patriot air defense missiles on its territory. Lavrov reiterated Russia's concerns about the plans to step up the military potential in the region and the proposal on establishing a direct communication line between Ankara and Damascus to avoid incidents,” the Russian Foreign Ministry said in a statement it published on its website following the conversation.
»Earlier, Lavrov used a theatrical metaphor to drive home Russia's concern over the increased militarization of the region. “Our concerns are rooted in the ‘Chekhov’s gun syndrome’ that says that if a gun appears on stage in the first act it will definitely fire by the third,” he said. The emergence of weapons at a time when attempts are being made to resolve a conflict creates risks – not necessarily due to the scenario, but because any stockpile of weapons naturally creates threats, he explained. “Any provocation may trigger a very serious armed conflict. We want to avoid this,” he said.»
Divers autres avertissements ont été développés et explicités par l’une ou l’autre autorité russe ces dernières semaines, à propos de ces Patriot de l’OTAN, par le chef d’état-major russe lors d’une rencontre avec le chef du comité militaire de l’OTAN, à plusieurs reprises par le porte-parole du ministère des affaires étrangères. Le ton des officiels russes est souvent dramatique, et on le dirait lié à d’autres préoccupations débordant le cadre de la seule crise syrienne. Un article de Sergey Strokan est venu apporter quelques lumières sur ces préoccupations, justement en élargissant le champ géographique et stratégique du débat. Publié d’abord dans le quotidien Kommersant, il a été repris par divers organes de presse, dont Russia Today le 17 décembre 2012. En voici un extrait qui permet de voir que le cas des Patriot, outre d’impliquer la Turquie, la Syrie et l’OTAN, implique également la Russie et l’Iran, – et cela commence à faire beaucoup, car ainsi nous entrons dans le domaine de la “crise haute”…
«One could ask: What is wrong with Turkey’s genuine wish to effectively seal off its borders from hundreds of potential threats emanating from its troubled neighbor, and take advantage of being a NATO member? Independent military experts have found NATO's official explanation of Patriots being used for defensive purposes confusing.
»The Patriot system is not used against shells and rocket-propelled grenades, which eventually could be fired at Turkey from Syrian territory. Patriot missiles are used to intercept and destroy missiles as well as to shoot down aircraft. But what missiles does Syria possess that the Patriots could be used against, and why would President Assad arm these alleged missiles with deadly sarin gas (if he even possesses such chemical weapons)?
»The pretext for the deployment of NATO Patriot missiles in Turkey does not appear credible. But if the real motive is not to deter Syria, why is NATO hurrying to station its anti-missile systems in the region, a part of the world already overloaded with deadly weapons? What if this move has a hidden agenda? “Turkey has explained its request to NATO as exclusively related to its need to defend itself from a possible attack from the Syrian army. But there could be a second motivation for this actions, which is a preparation for military strike against Iran,” a Russian diplomatic source told Kommersant daily.
»If one considers the distance between the region of Patriot deployment in Turkey and the Iranian border, Moscow's worry could seem a bit far-fetched. However, Patriot missiles can easily be moved to any region in Turkey, including its eastern border with Iran. “These are mobile units that can be moved to any point in Turkey. It’s only about 500 kilometers from where the units will be located to Tebriz in Iran, where some say there are secret nuclear facilities,” Dmitry Polikanov said. Polikanov is the vice president of the Moscow-based PIR Center, an independent thinktank. “Considering that the US wants to use Turkey as an advance missile shield, the Patriots might be stationed there forever. Turkey wanted to modernize its weapons anyway and already started taking bids for similar weapons systems. Under these circumstances, the weapons are most likely directed against Iran,” Polikanov said, adding that any kind of provocation could now become a pretext for war. And the installation of NATO anti-aircraft missiles in Turkey means that Iran will no longer be able to retaliate if attacked.»
Cette introduction de l’Iran dans ce jeu est évidemment confirmée par des déclarations et même des actes. C’est le chef d’état-major iranien, le général Hassan Firouzabadi, qui avertit (le 15 décembre 2012, voir Reuters) que le stationnement des Patriot était un acte qui préparait la Troisième Guerre mondiale, rien de moins. D’une façon assez énigmatique, Firouzabadi évoque le précédent de la crise des missiles de Cuba, sans qu’on sache s’il affecte à l’Iran le rôle de Cuba. Quant à Ahmadinejad, il annule une visite à Ankara, le 17 décembre, sous prétexte d’un surcroît de travail, alors que nul n’ignore que ce sont les Patriot qui sont en cause.
Enfin, l’opposition turque s’inquiète de ces Patriot-là et juge qu’ils sont déployés pour d’autres tâches que l’absurde mission de la protection des centaines de kilomètres de la frontière turco-syrienne, à savoir la protection des installations radar du système BMDE (antimissiles) de l’OTAN. Le 17 décembre 2012, Hurriyet Daily News rapporte la réponse de l’OTAN : «Patriot missile to be deployed in Turkey are not designed to protect NATO early warning radar facility in eastern Anatolia, a NATO official has said, dismissing claims from opposition party leaders suggesting the anti-missile system will not target Syrian threats. “Patriots have their own radars. They are for defense. Their single aim is to prevent any medium-range missiles from hitting Turkish land and preventing deaths or injuries,” NATO’s deputy secretary-general, Kolinda Grabar-Kitarovic, said in an address at the 19th International Antalya Conference on Security and Cooperation on Dec. 15.»
Tout cela ne satisfait personne et le fait remarquable dans cette affaire est bien la position sans concession, vis-à-vis de la Turquie, prise par l’Iran et la Russie. Les deux pays, malgré les mésententes provoquées par la différence de politiques syriennes, ont toujours veillé à conserver des bons liens avec la Turquie (la réciproque étant tout aussi vraie, sinon plus). Cette fois, ce n’est plus le cas. C’est à ce point qu’intervient l’affaire du SS-26 Iskander. Depuis un article de WorldNetDaily du 7 décembre 2012, signé par Reza Kahlili, un transfuge des Gardiens de la Révolution iraniens présenté comme un agent de la CIA, l’annonce que les Russes ont livré ou sont en train de livrer des missiles sol-sol SS-26 Iskander à la Syrie a largement été répercutée. (Voir sur ce site le 11 décembre 2012.) Wikipédia a repris l’information à son compte dans son article consacré au SS-26. Des médias turcs ont répercuté la nouvelle, avec cette précision intéressante de Hurriyet Daily News du 19 décembre 2012, selon laquelle la Russie envisageait de livrer, sinon avait effectivement livré ces SS-26 en Syrie, et envisageait de faire de même à Kaliningrad, face à la Pologne, c’est-à-dire face à l’OTAN. Enfin, DEBKAFiles en a rajouté avec ces précisions, également concernant le SS-26, ou 9K720, le 19 décembre 2012 :
«On Dec. 5, the first American, Dutch and German Patriot missiles landed in Turkey.
»Within hours, three Russian warships had put into Syria’s Tartus port – the Novocherkassk and Saratov landing craft and the MB-304 supply vessel. Aboard were 300 marines. And not only fighting men. They also delivered a fearsome weapon for Assad’s army and a game changer in the Syrian conflict: 24 Iskander 9K720 (NATO codenamed SS-26 Stone) cruise missile systems, designed for theater level conflicts.»
Cela nous paraît bien assez pour considérer que, du point de vue de la communication, avec une telle chaîne du système de la communication venant de sources diversifiées, la présence de SS-26 en Syrie doit être considérée comme un fait très probable et, du point de vue de la communication justement, et de la perception qu’elle implique, comme un fait acquis. Personne ne se prive de rappeler que le SS-26 est un système formidable de type missile de croisière, d’une autonomie de 280 kilomètres dans sa version exportation (E), sans doute l’une des armes les plus efficaces de l’arsenal russe, absolument impossible à arrêter par quelque défense aérienne que ce soit, d’une précision extrême et portant une charge explosive de 750 kilos à des vitesses hypersoniques, – qui peut être nucléaire si besoin est, – ce qui renvoie le Scud au rayon de la préhistoire et de l’Âge de pierre. (L’un des exploits rapportés du Iskander est un tir réussi sur une base abritant un bataillon de chars géorgiens durant la guerre d’août 2008, avec 28 chars géorgiens détruits en un seul coup.) Ici et là, l’accent est mis sur le fait que les Iskander resteraient sous contrôle russe, ce qui laisse planer l’incertitude sur la version livrée (on parle de la version E, mais il y a aussi la version M, réservée à l’armée russe, avec une autonomie de 480 kilomètres). Le flou reste également de rigueur pour déterminer ce qu’il serait fait de ces engins selon l’évolution de la situation, et si un certain nombre d’entre eux ne seraient pas livrés à l’Iran.
Du point de vue de la communication, avec l’assise opérationnelle sérieuse que constitue l’imbroglio qui va du Patriot à l’Iskander, l’affaire de la crise syrienne s’est internationalisée au niveau de l’armement le plus sophistiqué dépassant complètement les conditions internes de la crise syrienne, et même la seule dimension régionale de cette crise. C’est-à-dire qu’avec la puissance de la communication qui accompagne ces évolutions de l’armement, la crise politique syrienne est elle-même directement internationalisée du point de vue politique, bien au-delà du niveau régional. Rien d’officiel n’est dit à cet égard, mais la perception est désormais entrée dans ce champ majeur, qui est effectivement celui de la crise haute, reliant entre elles les grandes crises de la région (Syrie, Iran, pétrole, etc.).
…C’est donc ce qu’on nomme une “escalade”, et nullement au niveau régional, précisons-le, mais bien au niveau le plus haut des puissances : outre les puissances régionales, deux puissances internationales majeures sont dans le jeu, – l’OTAN et la Russie. Comme toujours dans les conditions internationales actuelles où dominent le système de la communication, les narrative diverses et surtout bavardes jusqu’à l’hystérie et humanitaires jusqu’à l’angélisme, les perceptions faussées ou paresseuses, l’évolution se fait d’une façon souvent inconsciente, voire faussaire. On ne voit rien venir de la vérité de la situation jusqu’à ce que la vérité de la situation s’impose avec brutalité.
La décision de déployer des Patriot en Turquie est pour le moins incertaine. Les habituelles interprétations de plans bureaucratiques majeurs et de machinations stratégiques de conquête de l’OTAN nous paraissent comme d’habitude bien aimables et extrêmement, vraiment extrêmement indulgentes pour les capacités et la résolution, sinon la lucidité stratégique, des acteurs du bloc BAO, et de l’OTAN en premier. Tous les échos montrent que la décision de l’OTAN a été prise dans une atmosphère incertaine. Ces échos disent que les seules positions fermes étaient celles des bureaucrates et des militaires, les Turcs ayant un plan précis qui met le Patriot dans l’ensemble bureaucratique et technologico-stratégique OTAN (selon Hurriyet : «The command operation of the Patriot systems will be linked to Ramstein NATO base in Germany through Turkey’s 1st Air Command headquarters in Eskisehir, a Turkish official told the Hürriyet Daily News…»). Cela montre, essentiellement de la part des militaires et bureaucrates turcs et otaniens, la volonté habituelle de ces milieux adorateurs de la quincaillerie avec le soutien des fabricants de cette quincaillerie, de profiter de cette occasion pour imposer un système impliquant une intégration accentuée et des commandes à venir d’autres systèmes du genre.
A ce stade d’alors, la menace envisagée qui était celle des Scud syriens, était dérisoire et complètement irréaliste. Pour autant, la “riposte” ne valait guère mieux et ne vaut pas plus aujourd’hui. On a souvent rappelé l’inefficacité presque archétypique des Patriot (voir encore le 22 novembre 2012) qui, en 1991, selon les sources les plus optimistes, abattirent un seul des 39 Scud irakiens tiré sur Tel Aviv, – le ministre israélien de la défense préférant parler, lui, d’une efficacité des Patriot déplacés par les USA en Israël de 0%. Les nouveaux modèles n’ont pas changé grand’chose, les Patriot conçus selon nombre des normes faussaires des constructeurs américanistes qu’on retrouve sur le JSF, ayant fortement intégrés en eux des faiblesses absolument fondamentales.
…Mais tout cela n’avait alors (à la mi-novembre, quand la décision de livrer à la Turquie fut envisagée) guère d’importance. Le côté politique montrait la plus grande incertitude et considérait la mesure beaucoup plus comme étant de communication que réellement opérationnelle. Contrairement à l’hypothèse de ceux qui y voient un maître-plan de l’OTAN, certains des “donateurs” (des “prêteurs”) de Patriot à la Turquie n’ont aucune intention de les y laisser longtemps, et particulièrement les Allemands, qui effectueront très vite une nouvelle évaluation de la situation, pour déterminer s’il est nécessaire de prolonger le déploiement. Toute cette appréciation était construite sur l’appréciation que les Russes seraient certes mécontents, mais qu’ils en resteraient à des protestations de pure forme. A cet égard, le précédent polonais de 2009, rappelé en début de texte, semblait renforcer l’argument. Il semble désormais et justement qu’on puisse envisager l’hypothèse qu’il n’en a rien été, et qu’on est en droit d’explorer cette hypothèse. (Laquelle ne nous incline guère à voir une grande finesse complotiste dans le chef de l'OTAN : déployer cette ferraille catastrophique qu'est le Patriot pour donner aux Russes un excellent argument pour déployer leur SS-26 ? Du point de vue de l'habileté tactique, on a vu mieux...)
…La question étant désormais : les Russes ont-ils délibérément choisi l’escalade ? Le bloc BAO, qui n’a pas la moindre vision, ni même la moindre compréhension de l’évolution générale des événements, et de l’importance disproportionnée, bien au-delà de la Syrie, à la fois géographiquement mais aussi ontologiquement, qu’a prise la crise syrienne, le bloc BAO ne comprend strictement rien à la position russe. Le bloc BAO ignore à la fois le sérieux des Russes dans cette affaire, et aussi, d’une façon plus générale nourrie par le complexe de supériorité de ce rassemblement de pays représentatifs de la postmodernité, la puissance nouvelle de la Russie qui n’a plus rien à voir avec la Russie d’Eltsine, et qui s’est pourtant manifestée en Géorgie en août 2008. Le bloc BAO n’a évidemment pas noté une déclaration solennelle de Lavrov faite le 16 juillet dernier, et dont le contenu s’est renforcée depuis par la force des choses ; déclaration rappelée dans un texte de Fyodor Loukyanov du 17 décembre 2012, dans Al Monitor : «The model of how the international community will respond to internal conflicts in the future largely depends on the outcome of the resolution of the Syrian crisis.» On pourrait, à notre sens, avec ce qui s’est passé depuis le 16 juillet, remplacer largely par entirely…
Si c’est le cas, si les Russes en sont venus à cette appréciation, alors oui, ils considèreraient le déploiement des Patriot comme une intervention de l’OTAN dans une crise qui concerne le modèle général des relations internationales à établir et à venir, et sur lequel il est impensable de céder ; alors oui, ils considèreraient que les Patriot peuvent aussi bien servir à protéger les sites turcs (radar) faisant partie du réseau antimissile BMDE en train d’être établi, et dont ils ne veulent à aucun prix ; alors oui, ils considèreraient ces Patriot comme prêts à entrer en action en cas d’attaque contre l’Iran, dans laquelle il est désormais acquis qu’ils seraient partie prenante, du côté de l’Iran bien sûr, parce qu’une telle attaque leur paraît absolument démente pour la situation générale et le système des relations internationales ; alors oui, ils considèreraient que tout est lié et le déploiement possible/probable de SS-26 en Syrie pourrait bien s’accompagner d'un déploiement de SS-26 à Kaliningrad, contre les sites BMDE en Europe, contre l’OTAN, ces missiles contre lesquels tous les Patriot du monde ne peuvent rien… (Ce dernier point rendrait les Européens bien marris et malheureux, en étendant le conflit syrien à leur propre oasis de Prix Nobel de la Paix, et en les instruisant que la crise syrienne fait partie de la “‘crise haute” qui affecte tout le système des relations internationales, dont ils font effectivement partie.) La riposte russe dans l’escalade serait donc, non pas d’équilibrer le nouvelle puissance déployés (les Patriot et leurs pétaradantes erreurs), mais bien de passer à un échelon nettement supérieur… On découvrirait donc que, comme disent les amis américanistes, Russia means business, – et comment !
En d’autres mots, l’hypothèse SS-26 entretien l’hypothèse, par ailleurs renforcés par nombre de durcissements russes au niveau fondamental de la communication, que Poutine serait arrivé au terme de ses méditations, concluant qu’il faut maintenant parler très sérieusement, c’est-à-dire commencer à agir. Et que ferait le bloc BAO devant cette hypothèse ? Sait-il seulement que la Syrie, hors de ses propres narrative hollywoodiennes à lui, bloc BAO, a amplement de place pour des hypothèses très sérieuses ? Sait-il que la Russie est vraiment un “client sérieux”, qu’on ne réussira pas à traiter par quelques réunions du parti des salonards ?... Au fait, et pour élargir le propos, le retrait du groupe de bataille du USS Dwight-Eisenhower du large de la Syrie vers les ports plus apaisés de la côte Est des USA (voir Russia Today le 18 décembre 2012) a-t-il un rapport avec l’attitude russe, et confirme-t-il que les USA sont prêts à traiter en secret avec la Russie pour un règlement de la crise syrienne, si ce n’est déjà fait, ce qui laisserait tremper le reste européen du bloc BAO le bec dans l'eau ? (Ce retrait rend absolument furieux les Turcs et leurs Patriot OTAN, lesquels deviennent absolument ridicules dans cette occurrence ; ce retrait prive les Turcs d’un soutien opérationnel fondamental dans le champ de l’affrontement de la communication, et alors le coup des Patriot, au lieu de les défendre, les expose désormais à tous les coups et dégrade brutalement leurs relations avec la Russie et l’Iran, – décidément, la paire Erdogan-Davutoglu ne cesse de les accumuler, les sottises postmodernistes.)
Ainsi change la problématique de la crise syrienne, hors de ses terribles remous intérieurs. Jusqu’ici, l’extérieur de la crise syrienne était suspendue à cette seule question posée avec dévotion et respect : quand le bloc BAO perdra-t-il enfin sa vertueuse patience devant cette affreuse occurrence humanitaire où il (le bloc BAO) a les mains si propres, et consentira-t-il à intervenir en Syrie, selon les plans du maréchal BHL ? Désormais se profile une autre question, toujours concernant cet extérieur : la Russie est-elle en train de modifier sa position et de s’impliquer, désormais, dans la crise comme véritable puissance, décidée à faire entendre sa voix au son de sa puissance et non plus de sa seule raison ?... Puisque, décidément, c’est le seul langage, celui de la puissance, que semble affectionner le bloc BAO, qui n’en peut plus à force de rouler des mécaniques vertueuses, peut-être un tel prolongement conduirait-il les uns et les autres à réfléchir, ou bien à assumer les conséquences de leurs paroles, puisqu’il n’y a pas d’actes, et de leurs jugements de cervelles d’oiseaux… Peut-être y sommes-nous.
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