Eh Joe, qui dirige la politique US?

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L’interview de Joe Biden au Wall Street Journal du 25 juillet a provoqué quelques vagues du côté de Moscou, comme nous le conte le New York Times du 26 juillet 2009. Cela est notammen venu d’une question faussement candide du principal conseiller de politique extérieure du président Medvedev, adressée sans doute au président Barack Hussein Obama, question posée en réponse à une première question, sur sa réaction après l’interview de Biden: “Mais, en fait, qui dirige la politique étrangère des Etats-Unis, le président ou l’un ou l’autre membre respectable de son équipe?”

«The Kremlin immediately responded to the [Biden’s] comments, made in an interview with The Wall Street Journal, with a demand for a clarification of the administration’s intentions toward Russia, saying essentially that it was receiving a mixed message so soon after President Obama had visited Moscow for the summit meeting.

»Calling the criticism “perplexing” in light of the diplomatic overtures initiated by the United States and described as “pressing the reset button,” the chief foreign policy adviser to President Dmitri A. Medvedev told the Interfax news agency, “The question is: who is shaping the U.S. foreign policy, the president or respectable members of his team?”

»The adviser, Sergei Prikhodko, said the atmosphere between the countries had improved since Mr. Obama’s visit early this month. “If some members of Obama’s team and government do not like this atmosphere, why don’t they say so?” Interfax reported him as saying. “If they disagree with the course of their president, we just need to know this.”»

La réaction de la Maison-Blanche n’a pas (encore?) pris une allure formelle, mais a tout de même consisté en un commentaire du porte-parole, sous forme d’une déclaration alambiquée. L’essentiel de l’interview de Biden était de dire: la Russie est faible, profitons-en avec habileté, mais, de toutes les façons, elle cédera; le commentaire du porte-parole est le suivant:

«The White House did not back away from the vice president’s remarks on Saturday, but attempted to smooth over the frayed relations with Russia. “The president and vice president believe Russia will work with us not out of weakness but out of national interest,” Robert Gibbs, the White House press secretary, said in a statement on Saturday night.

»“The president said in Moscow that the United States seeks a strong, peaceful and prosperous Russia — one that will be an even more effective partner in meeting common challenges, including reducing nuclear arsenals, securing vulnerable nuclear materials, contending with nuclear programs in North Korea and Iran, defeating violent extremism and advancing global security and economic growth,” Mr. Gibbs said.»

Durant la campagne électorale, Biden avait prédit que le nouveau et jeune président des USA, Barack Obama, serait soumis, dans les premiers mois de son mandat, à l’une ou l’autre épreuve en matière de politique extérieure. D’une certaine façon, on le mettrait à l’épreuve, on l’éprouverait, on tenterait de profiter de son inexpérience supposée. On pensa aussitôt à des références extérieures (Kennedy devant Kroychtchev en avril 1961). Peut-être s’est-on trompé, peut-être Biden songeait-il à lui-même; peut-être Biden est-il lui-même l’épreuve de politique extérieure qui est imposée à Barak Obama. (L’interview ne serait d’ailleurs pas la première “épreuve” imposée par Biden à Obama, puisqu’il y a eu récemment l’affaire du “feu vert” donné à Israël pour attaquer l’Iran.)

Répétons, comme nous le signalons déjà dans notre F&C de ce 27 juillet 2009, qu’il y a également la thèse “good cop”-“bad cop”, Biden jouant le rôle de repoussoir par ses gaffes, Obama paraissant d’autant plus raisonnable et arrangeant. Nous n’y croyons vraiment qu’à demi parce que c’est faire montre d’une appréciation beaucoup trop rationnelle d’un système qui a déjà montré ses limites à cet égard. Biden a des traits de caractère archi démontrés, qui le mettent bien trop loin de la maîtrise de comportement de BHO, pour pouvoir jouer un tel jeu. Par contre, on peut imaginer que BHO lui-même, faisant contre mauvaise fortune bon coeur, en fasse également un avantage épisodique, en se démarquant effectivement d’autant plus fermement des prises de position excessives et intempérantes de son vice-président. Mais le jeu a ses limites. La remarque de Prikhodko en a donné les mesures. Le président US ne peut pas laisser trop dire, et peut-être penser, que sa politique extérieure est en désordre et que chacun n’en fait qu’à sa tête, surtout quand il s’agit de celle de Joe Biden. Au bout du compte, son autorité est en jeu.

Il y a encore l’hypothèse selon laquelle Biden n’a fait que dire tout haut ce qu’Obama pense tout bas. C’est peut-être le cas, après tout, – mais si c’est le cas on observera alors qu’il y a dans toute cette affaire un manque notable d’habileté. Ce n’est pas en ridiculisant la puissance russe qu’on aménera la Russie à accepter des arrangements dont ont besoin les USA. Mais cette remarque, après tout, est peut-être hors de l’orbite d’entendement de la politique américaniste, qui a si fortement démontré ces dernières années que l’affirmation brutale de la force suffisait à son bonheur et à son triomphe.


Mis en ligne le 27 juillet 2009 à 07H03