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1390Le Patriarche de Moscou et de Toutes les Russies Cyril Ier, chef de l’église orthodoxe russe, visitait la Pologne le 17 août tandis que le monde vibrait comme à l’annonce d’un événement colossal au verdict du procès des trois jeunes femmes du groupe Pussy Riot. Il s’agit d’apprécier les deux évènements à d’autres lumières qu’à celles des réseaux habituels du Système, – et, pour notre cas, nous attacher à la rencontre de Varsovie qui n’a guère encombré les colonnes des feuilles de la presse-Système. La question est de savoir où, éventuellement, s’écrit la métahistoire du temps.
La visite de Cyril Ier a pris un caractère très particulier du fait de la forme et de la teneur et du contenu de ses entretiens. Si Cyril a rencontré, comme il était normal, les autorités de l’église catholique de Pologne (la conférence des évêques de l’église catholique de Pologne), il a aussi rencontré le président Komorowski pour un entretien qui a eu un aspect politique inattendu par sa substance, qui s’est marié précisément avec la démarche nécessairement spirituelle de l’homme d’église. Dans le cas de cette rencontre, c’est moins de religion qu’il fut question que de l’apport possible de la spiritualité dans un projet politique de réconciliation, et éventuellement de rapprochement, entre la Pologne et la Russie.
Le 17 août 2012, Russia Today a rendu compte de cette visite de Cyril, et notamment des conversations avec le président polonais.
«“We are hoping it will turn over a new leaf in our bilateral relations,” Komorowski said on Thursday. The Polish leader, mindful of the turbulent history between Russia and Poland, expressed what he saw as the importance of reconciliation and forgiveness between neighbors. “Reconciliation can only be achieved through communication based on fundamental values such as freedom and responsibility, love for your neighbor and forgiveness… We will strive to establish good relations between our countries,” Komorowski said.
»A joint address to the people of Poland and Russia will be signed during the visit of Patriarch Kirill, and the document will serve as “an important landmark in the development of our relations,” the Polish President said. “The persecution and suffering experienced by our Churches help us better understand each other,” he said of the historic period when religion was stifled by Marxist ideology. “The Churches can do a lot to promote the development of Polish-Russian relations, help our peoples overcome the prejudices and stereotypes that prevent them from looking at each other with trust and hope.”
»Poland especially values the efforts made by the Russian Orthodox Church “aimed at disclosing historical truth,” he said. Komorowski wished Patriarch Kirill health and wellbeing so that he might “serve the reconciliation between the people of Poland and Russia for many decades ahead.” Patriarch Kirill, in turn, hailed “the prompt arrival of a time when Russia and Poland will fully recover from the dark days of atheism,” as well as the creation of a “world order based on everything good and true.”
»In an earlier meeting with the Presidium of the Polish Catholic Bishops' Conference, Patriarch Kirill stressed the central role of religion in cultivating relations between the people of Russia and Poland: “It's impossible to achieve a true peace between the people of Russia and Poland without active…dialogue between the two churches that have shaped the spiritual identity and culture of both nations.”»
L’intérêt de cette visite, et précisément de cette rencontre de Cyril avec le président polonais, est effectivement de constater combien la religion s’inscrit beaucoup plus dans un projet politique en le cautionnant d’une dimension spirituelle avérée, qu’elle ne reste dans sa propre dimension religieuse. Cette façon d’aborder la rencontre permet de renverser complètement le problème politique de la réconciliation entre la Pologne et la Russie à la suite de la période communiste, en substituant la dimension spirituelle à la dimension géopolitique. A des rapports d’antagonisme politique qui marquent nécessairement la période en rendant très difficile la réconciliation (la Pologne sous le joug de l’URSS) se substituent des rapports de solidarité dans une souffrance commune (l’église catholique de Pologne et l’église orthodoxe de Russie ayant souffert du même joug du marxisme athée). La dimension religieuse a une utilité historique et politique évidente et le problème des relations entre la Pologne et la Russie est ainsi complètement renversé ; cela n’a pas qu’une valeur historique (la réconciliation) mais également une valeur politique bien présente. Les récentes récriminations du président Komorowski concernant les antimissiles (voir le 14 août 2012) ont été aussitôt interprétées par le bloc BAO, essentiellement par les habituels Anglo-Saxons comme interprètes privilégiés du Système, comme la manifestation des craintes polonaises face à la Russie et la protestation contre ce qui serait une “protection” insuffisante de la Pologne par le bloc, – c’est-à-dire, un appel à “plus d’OTAN”, “plus d’incursion déstructurante US” par le biais de la quincaillerie militaire et ainsi de suite. La rencontre Cyril-Komorowski suggère une autre explication, exactement inverse. La dimension spirituelle que la religion apporte à la question politique y aide beaucoup.
Ce que cette dimension politique apporte, c’est une aide décisive au règlement des antagonismes historiques de l’ère communiste, en introduisant l’idée évidente et scandaleusement ignorée par le bloc BAO depuis la fin du communisme que la Russie (la Russie orthodoxe) fut la première victime du communisme athée, et qu’en l’occurrence elle en fut au moins autant la victime que la Pologne (la Pologne catholique). Mais ce qu’elle apporte surtout, c’est une incitation commune à la Pologne et à la Russie d’affronter le problème de la crise centrale et terminale du Système, au travers de ses diverses crises et ramifications, avec une dimension spirituelle ajoutée au seul aspect politique de la crise. (Cela rejoint d’ailleurs l’évidence de la substance de la crise, qui est bien autant spirituelle que politique, bien entendu.) La rencontre Cyril-Komorowski fait penser qu’un tel basculement est possible, et alors les craintes de sécurité de la Pologne, sa volonté de retrait des aventures néo-coloniales de type-Système parce que déstructurantes du bloc BAO, dans le chef de l’ensemble OTAN-USA, prennent une toute autre signification. Les données n’en sont plus classiquement géopolitiques et calculées en rapports de force (“idéal de puissance”) selon la comptabilité-Système courante dans la culture du bloc BAO, et dans l’idéologie libérale ou anglosaxoniste qui exprime le mieux l’esprit du Système (ou “l’esprit” d’absence totale de dimension spirituelle du Système), mais deviennent fondamentales avec une dimension spirituelle conduisant à l’opposition aux forces déstructurantes du Système. On a déjà envisagé une évolution de cette sorte en Russie (voir notamment ces deux textes, le 23 avril 2012 et également le 23 avril 2012) ; il est possible qu’elle touche également la Pologne, et alors la dynamique de rapprochement devient évidente.
Ce qu’il est absolument nécessaire d’apprécier dans ce phénomène, c’est la hiérarchie des dimensions. Si la religion est certes complètement impliquée, elle l’est essentiellement par la dynamique spirituelle évidente qu’elle apporte et nullement par sa propre dimension spécifiquement religieuse. Cela doit être envisagé quoi que pensent et veulent les personnalités impliquées, comme une évolution imposée par les nécessités d’une éventuelle résistance antiSystème (laquelle, dans ce cas, pourrait caractériser l’évolution polonaise, comme elle caractérise l’évolution russe). C’est cela que marquerait l’originalité de la rencontre Cyril-Komorowski qui, loin d’être une rencontre de pure convenance d’un chef d’État pour une autorité religieuse, a été marquée par un très fort contenu politique (avec sa dimension spirituelle implicite).
Mis en ligne le 18 août 2012 à 06H14
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