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1575L’arrivée de BHO à la Maison-Blanche fut vécue comme un moment extatique par tous les esprits libéraux et progressistes qui basent leur perception de l’imperfection du monde sur le racisme. BHO à la Maison-Blanche devait symboliser la fin du racisme dans la plus belle et la plus achevée des démocraties, et il s’agissait, comme l’on dit dans les salons, d’un “symbole fort”. La mort en Floride d’un adolescent et Africain-Américain de 17 ans, Trayvon Martin, passée inaperçue courant février et devenue aujourd’hui une cause nationale, secoue toutes ces certitudes. Ce qui est en cause essentiellement, ce sont les conditions où Trayvon Martin a été abattu, par un citoyen qui s’est instituée lui-même vigile selon une loi nouvelle de la Floride, et le comportement des autorités (police, municipalité, etc.), particulièrement arrangeantes avec l’agresseur.
• Le 25 mars 2012, Reuters signale l’intervention d’Obama, intervention prudente et allusive, bien dans sa manière. Le président US, pseudo-Africain-Américain selon ses critiques africains-américains (voir plus loin), continue une attitude qui, selon un nombre grandissant d’activistes noirs, agit objectivement contre les intérêts de leur communauté et aggrave les conditions générales de cette communauté.
«Seventeen-year-old Trayvon Martin, dressed in a “hoodie” hooded sweatshirt, was shot dead a month ago in Sanford, Florida by a 28-year-old white Hispanic neighborhood watch volunteer who said he was acting in self-defense.
»“If I had a son, he'd look like Trayvon,” Obama said in his first comments about the shooting, acknowledging the racial element in the case. “Obviously, this is a tragedy,” Obama told reporters. “I can only imagine what these parents are going through. And when I think about this boy, I think about my own kids.”»
• PressTV.com a réuni trois activistes noirs le 23 mars 2012, pour des commentaires généraux sur cette affaire. L’intérêt de ces interventions est qu’elles dépassent complètement le cas du jeune Martin pour embrasser la question de l’état actuel du racisme aux USA, et des rapports de cette situation avec Obama. Roger Wareham, avocat new yorkais et militant des droits de l’homme au sein de sa communauté africaine-américaine, lie le racisme aux USA, actuellement en constante aggravation, au capitalisme («The only way that this is going to be resolved is by way of a mass movement of people who are determined not only to deal with racism as an ideology, but the underline structure which breeds racism, which is capitalism.»)
«…I believe this is happening more and more as the economic situation in the US worsens. Racism is the oxygen that has fed the development of capitalism in this country from the kidnapping of Africans to bring them to the Western world, to North America, South America, the Caribbean, to the stolen labor that built this country. Racism fed that’s. Racism was the basis of that and that has never gone away. In this period of time when the economic situation is getting worse, they look for a scapegoat, and the default scapegoat has always been the black people, people of African descent. The attitude in this country is that, you can do anything to a black person and you can get away with it.
»I think, the inconsistency in terms of a response are tied to a number of factors that’s part of a mythology, that you have referred to earlier around this myth of the US as a democracy with justice, that’s part of a mythology and sometimes even the victims buy into the mythology and believe that they can get justice as well if we go above the local justice and go to the federal justice system, we’ll be able to get justice without maintaining the type of pressure that’s going to force them to do that. There’s the belief that we’re in a post-racial society, because there’s a black president, ignoring the different manifestations of racism that exist.
• Le Dr. Randy Short, de Baltimore, est un activiste de la Southern Christian Leadership Conference. Ses attaques portent surtout sur Obama et le rôle d’Obama comme narrative symbolique sur le leurre de la résolution de la question du racisme. Short relaie des attaques personnelles contre Obama, lui déniant un droit de représentation des Africains-Américains, – puisque, selon lui, justement, Obama n’est pas un Africain-Américain.
«That’s a big issue, because those people who are African-American, if I were to give an estimation, people who have a history several hundred years and it’s not based on his white mother, but the father who is Kenyan who is a recent comer here. So, we have an issue as well as a person who is black, but doesn’t have the kind of roots and connection to the pain that many of us have and even if you did have an African-American who was here, who came from several generations, he would have to appeal to a white majority, which means that you more or less, get more of the same. You treat blacks the same way a white president would and hope that folks a sense of fulfillment through the status of a person being black that’s a president. And that’s all we have, a status, not substance. […]
»This is a society that covertly wages war on a minority. We have to see African-Americans as the single largest national minority group in the world, without any control of its destiny. The Democratic Party has constantly betrayed us, and we can’t really trust the Republicans either. Now I need to say this that President Obama has systematically worked against black people going to the international community. George Bush did it first when there was a world conference against racism in 2001 that Bush had everyone boycott.
»Mr. Obama has had that done twice. In fact, the Obama administration denies the existence of racism in the country. So we have a man who is worshipped like he is Jesus Christ, Martin Luther King, Gandhi, Santa Clause put together, and if his administration says there is no racial problem, why are so many people happy to see a black person make it? I call these people blacknecks. They’re so happy there’s a black person in the White House, they’re like white rednecks, they don’t want any change. The changes that there’s a black man in the White House, We’ve achieved everything we’re supposed to do, and that has people immobilized.»
• Frederick Alexander Meade, auteur et activiste des droits civiques à Atlanta, parle essentiellement de l’ampleur et des perspectives du mouvement qui s’est créé à l’occasion de la mort de Trayvon Martin
»Based on what we’ve seen, clearly, this has really taken on a life of its own. You have rallies, demonstrations emerging in cities all over the country. College students have gotten involved. Yesterday in Florid, the state in which this murder occurred, you had approximately 50 schools in which high school students walked out as a demonstration of support for Trayvon Martin. Really, this movement it continues to grow. There is no indication that it will stop any time soon. This time, I think not only African Americans, but a number of Americans irrespective of race, religion, political ideology; clearly understand that an enormous injustice has occurred…»
L’affaire Trayvon Martin réveille, ou révèle si l’on veut, la question raciale aux USA, – question irrésolue, question même étouffée et aggravée par l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche. L’actuel président est l’alibi de rêve, le faux nez posé sur une situation qui, étant ainsi proclamée résolue par le symbole de son élection, n’a fait qu’empirer sous sa présidence. L’intérêt est que cette vérité éclate aujourd’hui, dans cette année 2012, qui est un peu une “année de tous les dangers” pour le Système, alors que la campagne présidentielle US monte en puissance, – ou, plutôt, “monte en démagogie”, c’est-à-dire en intention de tromper, et “monte en désordre” si elle est observée dans sa dynamique. Nous avons signalé à plusieurs reprises qu’à notre sens, l’élection d’Obama ne répondait en rien à la question du racisme, ni ne terminait ce chapitre particulièrement sombre et voyant, et mauvais pour la réputation dans les salons, de l’histoire de l’américanisme ; qu’elle l’aggravait au contraire, en y ajoutant un chapitre, type postmoderniste, d’autant plus que les USA n’avaient pas élu Obama pour ce qu’il semble être à notre belle conscience morale, mais simplement à cause de la crise, parce qu’il n’y avait pas d’alternative, parce qu’il semblait apte à l’affronter … (Voir, par exemple le 20 novembre 2008, le 3 août 2009, le 19 septembre 2009, le 20 septembre 2011.)
Sommes-nous au point d’émergence de cette évidence, à la fois de l’état du racisme aux USA et de la condition faite aux Noirs malgré leur pompeuse identification comme Africains-Américains, et du rôle faussaire de BHO ? Cela tomberait bien. En attendant, et selon l’hypothèse qu’effectivement ce mouvement s’amplifierait, nous présentons quelques remarques…
• Effectivement, l’affaire pose un problème pour Obama, pour l’accomplissement de la grande œuvre de son mandat de président, qui est sa réélection. Il doit à la fois montrer un certain soutien à la communauté noire, qui est un électorat quasiment considéré comme acquis pour lui mais qu’il ne faut tout de même pas ignorer dans ses moments de désarroi, cela sans soulever le soupçon de “favoritisme racial” chez les autres catégories d’électeurs, surtout les Blancs. Ce n’est pas une épreuve facile, et c’est plutôt un nouveau cactus au cœur d’une campagne électorale déjà bien déboussolée. Aucun candidat, d’ailleurs, n’est vraiment à l’aise ni remarquable sur la question raciale, sinon par un désintérêt général et un état non moins général de négationnisme que cette question puise encore se poser… Sauf un, naturellement, l’incontournable Ron Paul, par ailleurs traîné dans la boue comme raciste invétéré pour des lettres d’information publiées sous ses auspices mal informées dans les années 1980 : sa proposition de faire cesser la “guerre contre la drogue”, qu’il dénonce pour son inefficacité et pour ses effets indirects avec des résultats d’un racisme avéré, avec essentiellement une attaque continuelle contre ces communautés, par élimination et incarcération d’un nombre prodigieux de Noirs et de Latinos. (Voir, à ce sujet, ce 25 mars 2012, sur TomDispatch, de Michelle Alexander, «The Age of Obama as a Racial Nightmare».)
• Un autre aspect très important de ce mouvement, s’il est appelle à durer, est de savoir dans quelle mesure il peut se rapprocher, voire fusionner avec d’autres mouvements de contestation, notamment le mouvement Occupy. La mise en évidence par certains activistes noirs (voir Roger Wareham) que le racisme aux USA est d’abord un moyen, directement enfanté par le capitalisme, d’alimenter le développement et la puissance de ce même capitalisme, et, par conséquent, de nourrir ses excès, rencontre bien entendu l’axe central de développement du mouvement des 99%, – dont les Noirs qui manifestent pour protester contre la mort du jeune Martin feraient, finalement, nécessairement partie. Plus généralement, on parle ici d’une convergence entre Noirs et “petits Blancs” (ce dernier concept largement étendu avec les ravages du capitalisme et de lac crise, à la classe moyenne dévastée), qui nous a toujours paru être le nœud fondamental d’une insurrection populaire aux USA en réunissant les deux classes qui sont principalement victimes du capitalisme. Le racisme a été utilisé par le Système, comme moyen d’opposer justement Noirs et “petits Blancs”, et donc de diviser une possible contestation.
• … Actuellement, Occupy (les 99%) recommence à s’agiter, avec diverses manifestations. Le mouvement cherche un axe pour relancer sa contestation et hésite entre les conditions économiques d’une part ; ou bien, d’autre part, la répression policière qui a pris des allures d’une extraordinaire vigueur, apparentant de plus en plus les USA à un ensemble hétéroclite tenu essentiellement par les abus de la classe dirigeante et une répression policière féroce. Aujourd’hui, les USA vivent de facto sous un régime de loi martiale, que le président Obama s’empresser de structurer au moyen de diverses législations (voir Russia Today le 19 mars 2012). Le choix d’une protestation commune Noirs-Blancs sous l’égide des 99% contre la violence policière aurait l’avantage de réunir tout le monde derrière un mot d’ordre agressif et particulièrement actuel. L’entrée en piste des Noirs aurait l’avantage de faire tomber le maquillage extrêmement lourd de la vertu antiraciste du régime, estampillé jusqu’ici par la présence de BHO à la Maison-Blanche. Les salons seraient moins à leur aise.
Mis en ligne le 26 mars 2012 à 09H44