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130022 janvier 2009 — Les indications ne manquent pas de l’exceptionnalité des temps, et de l’urgence qui s’impose à cet égard. Il en faut, du sens de l’urgence, dans un système et dans une capitale où la vertu et le politically correct se portent haut, où la mécanique à broyer les individus qui se font prendre dans un scandale ou une situation hors des apparences vertueuses marche à plein régime, pour tenter de forcer à la désignation d'un Timothy Geithner comme secrétaire au trésor. C’est d’ailleurs le titre explicite de Reuters ce 21 janvier: « Crisis may force Geithner's approval.»
…Tant pis, BHO pousse les feux. Il veut Geithner malgré l’implication de ce dernier dans une affaire de non-paiement d’impôts personnels, il insiste pour que le Congrès le désigne, après l’audition du secrétaire au trésor-désigné le 28 janvier. Il n’est pas temps de lambiner, et il est possible que le Congrès effectivement n’insiste pas trop. «President Barack Obama's nominee for Treasury secretary, Timothy Geithner, though tarnished by disclosures of his failure to pay taxes, is likely too uniquely qualified for Congress to reject amid hopes to contain the worst economic downturn in decades.»
Ces observations n’ont, dans notre chef et sous notre plume, rien à voir avec les qualités supposées de Geithner, qu’il les ait ou pas, que lui-même soit un personnage recommandable ou pas. Ce qui nous importe, c’est d’observer les mesures extraordinaires qu’on prend, – dans ce cas tenter de forcer à la confirmation d’une personnalité suspectée de fraude fiscale, – parce que cette personnalité est une pièce maîtresse dans le dispositif de l’équipe de lutte contre la crise. On ne dit pas que Geithner est génial, on dit que la crise n’attend pas. Cela en dit long sur l’état d’esprit d’Obama et, surtout, sur la pression qu’il ressent de la crise qui galope.
De même n’attend-elle pas, la crise, pour les affaires extérieures non plus. D’abord, un rythme frénétique, comme l’annonce le Washington Post, le 20 janvier 2009, dès le premier jour de son mandat, et comme le confirme le Guardian du 22 janvier 2009. Selon le Post:
«President-elect Barack Obama will plunge into foreign policy on his first full day in office tomorrow, finally freed from the constraints of tradition that has forced him and his staff to remain muzzled about world affairs during the 78-day transition.
»As one of his first actions, Obama plans to name former senator George J. Mitchell (D-Maine) as his Middle East envoy, aides said, sending a signal that the new administration intends to move quickly to engage warring Israelis and Palestinians in efforts to secure the peace. Mitchell's appointment will follow this afternoon's expected Senate vote to confirm Hillary Rodham Clinton as secretary of state. And tomorrow afternoon, aides said, Obama will convene a meeting of his National Security Council to launch a reassessment of the wars in Iraq and Afghanistan.
»By the end of the week, Obama plans to issue an executive order to eventually shut down the military detention facility at Guantanamo Bay, Cuba, and to lay out a new process for dealing with about 250 detainees remaining at the prison.»
Sur la question de l’Irak, effectivement, l’administration Obama, le président lui-même, se précipitent pour activer un processus de retrait. Le Washington Post donne également des détails sur cette urgence-là.
«The first concrete evidence of a new foreign policy approach will begin with the meeting tomorrow. Obama will instruct the Pentagon to prepare for a stepped-up withdrawal of combat troops from Iraq, to be completed within 16 months, and will hear proposals for turning around the deteriorating war in Afghanistan. Defense Secretary Robert M. Gates and the chairman of the Joint Chiefs of Staff, Adm. Michael Mullen, will attend, and Gen. David H. Petraeus, head of Central Command, and Gen. Raymond Odierno, U.S. commander in Iraq, will weigh in via live video connection.
»Senior officers began late last year to prepare options for withdrawing from Iraq. Obama has said he will listen carefully to their recommendations before approving a plan that meets his specifications. He has said he expects to maintain a “residual force” in Iraq but has not indicated how many troops will remain over what period.»
On trouve dans l’article une certaine dualité, avec deux orientations politiques, d'une part celle de la crise intérieure qui semble défensive, d'autre part celle de l'extérieur qui semblerait plus “offensive” dans un sens constructif. Ainsi semblerait-il qu’on distingue deux urgences dans l’action d’Obama. Simplement dit, il y a l’urgence de la crise intérieure et l’urgence de la politique extérieure. On pourrait dire, et cela semblerait assez naturel, qu’il s’agit finalement de la même urgence: la crise est partout, Obama le sait, il agit dans l’urgence et cela s’exprime aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, d’une façon parallèle et sans lien nécessaire. Cette appréciation à première vue, sur ce dernier point de l'absence de lien nécessaire, n’est pas nécessairement la nôtre.
Nous pensons qu’il y a une différence entre ces deux urgences, et cela répond aussi bien à la position d’Obama et à l’analyse qu’il fait de la situation, à ce qu’on a ressenti de son discours d’inauguration du 20 janvier. Pour lui, la question intérieure passe tout. La crise est profonde et, surtout, elle affecte la psychologie des Américains. (« a sapping of confidence across our land – a nagging fear that America's decline is inevitable, and that the next generation must lower its sights», dit-il dans son discours d’inauguration.) Cette crise est la priorité des priorités. Il semble qu’elle soit encore plus grave que ce qu'on en a perçu jusqu’ici, qu'on la perçoive plus grave chaque jour. Obama évolue dans le sens d’une perception de l’aggravation de la crise, et il devrait trouver dans les divers dossiers de l’administration des preuves nouvelles de cette aggravation.
Cela implique que cette urgence pour les affaires intérieures tend à être de plus en plus prioritaire, qu’elle nécessite une attitude de plus en plus active et engagé. Elle nécessite un fort travail au Congrès, pour obtenir le soutien au plan de relance public (bailout), là aussi dans une situation d’extrême urgence. D’autre part, elle nécessite un soutien populaire, voire une participation populaire, car la confiance nécessaire par-dessus tout pour tenter de redresser ou de changer la situation est quelque chose qu’il n’est pas simple de regagner. (Dans ce cas, Obama est bien dans la même situation que FDR en 1933: comment faire redémarrer la confiance, donc la consommation, donc l’économie?)
Toutes ces circonstances expliquent la pression en augmentation de l’urgence de ce “front” intérieur. Cela rend de plus en plus impératif de réduire les charges extérieures, les effets des divers engagements, les pressions des politiques aventuristes en cours. Psychologiquement aussi, sinon plus encore, du simple point de vue de l'équilibre politique, cette orientation devient de plus en plus intéressante, voire impérative; la baisse constante de la confiance du consommateur US a quelque chose de commun avec la lassitude grandissante, voire l’exaspération du citoyen US pour les affaires extérieures.
Ainsi, l’urgence constatée pour l’Irak, comme pour d’autres crises extérieures, s’expliquerait-elle, de notre point de vue, de plus en plus par la volonté grandissante d’Obama d’être quitte le plus vite possible de la charge des crises extérieures pour soulager son “front” intérieur, – c’est la nécessité qui fait loi, encore plus que la vertu (quand les deux se rencontrent, la circonstance est intéressante). Il y a un phénomène de vases communicants entre les deux situations, mais l’urgence de la situation irakienne (quitter l’Irak), pour poursuivre cet exemple, devient clairement tactique tandis que l’urgence intérieure est fondamentalement stratégique.
Nous parlons d’une situation en pleine évolution (mais à quelle vitesse! Nous sommes au second jour de l’administration Obama et de son “agitation frénétique”). Nous constatons qu’existe la possibilité que le développement en cours d’une situation peut conduire Obama à envisager des décisions importantes au niveau de la politique extérieure. L’habituel et très valable argument qu’on oppose à cette possibilité, l’opposition de l’establishment voulant préserver ses engagements extérieurs en leur état expansionniste, tend à s’affaiblir notablement dans une telle hypothèse, ou une telle perspective; l’équilibre du “front” intérieur est, pour l’establishment la chose la plus importante.
Nous sommes toujours dans le même cas de figure que nous développons régulièrement; son argument principal est la pression de la crise centrale que nous connaissons, d’une puissance stupéfiante, qui ne cesse de dicter les politiques, d’influencer les comportements, de forcer les décisions. Il semble qu’Obama puisse être un homme sensible à l’intérêt d’épouser ce courant, voire de s’en faire un allié pour renforcer son statut, son autorité. Obama nous semble moins intéressé par la rigidité des engagements idéologiques, des structures politiques, que par l’action elle-même, la possibilité de prendre des décisions aux effets conséquents. (Voyez notre tentative de portrait psychologique du président US, du 6 décembre 2008.) De cette façon, le schéma des rapports des situations qu’on décrit ici a de bonnes chances de l’intéresser, et il peut faire de cette prise en considération de la crise et de ses effets un argument supplémentaire pour pousser à l’évolution qu’on décrit.
Quoi qu’il en soit, mais ceci expliquant cela d’ailleurs, l’administration Obama s’établit en amenant avec elle une sorte de situation d’état d’urgence. Toutes les prévisions raisonnables envisagées, tous les plans mesurés tirés à son propos avant l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche, sont sujets à la caution la plus pressante.
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