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1281La rhétorique habituelle du bloc BAO, qui prétend représenter l’universalité du monde globalisé, est de menacer d’isolement quiconque se trouve sur son chemin dans ses entreprises de déstructuration-dissolution. C’est le cas pour la Russie, avec des trains de sanctions contre elle, et la menace de l’isolation bien entendu. Le problème est que, parfois, et même souvent dans cette époque étrange, les dieux se retournent contre ceux qui les sollicitent d’une façon un peu trop comminatoire. Par conséquent, le bloc BAO, qui a la mauvaise surprise de voir l’Inde juger “légitime” la position russe dans la crise ukrainienne, doit désormais se préoccuper de la position du président-saint, BHO lui-même, dans sa propre demeure.
• D’abord, l’opinion publique de la Grande République, qui se fiche comme d’une guigne de l’Ukraine, est absolument mécontent de son président. Un sondage Fox.News du 6 mars 2014 (sur Newsmax.com), effectué les 2-4 mars, donne des résultats impressionnants pour Obama. Le plancher des 40% des “satisfaits” est dépassée, vers le bas bien entendu, et le républicain et milliardaire Donald Trump peut résumer de la sorte la situation d’Obama, se référant au malheureux président Carter (1977-1981, battu en 1980), le président démocrate le plus impopulaire de l’histoire des USA (c’est-à-dire de l’histoire des sondages) ; «We're getting into Jimmy Carter territory — and I never thought I'd see anything like that again...»
«Sixty percent of Americans say the United States is worse off today than it was when Barack Obama became president, according to the latest Fox News poll. Only 34 percent think the country is better off. The president is also slipping among Democrats. In 2012, 81 percent felt the country was better off; that figure is now 57 percent.
»The new poll brought more bad news for Obama. On practically every key issue from the economy and job creation to healthcare and foreign policy, a majority of Americans disapprove of the president's performance. Statistically, the president has hit a record low in popular opinion this week. The Fox poll shows 54 percent of Americans disapprove of how he has done his job. Less than four in 10 voters — 38 percent — feel positive about his performance. That's down from November 2013, when 40 percent approved.»
• Nous parlions de Trump avec une idée derrière la plume, certes ... Non que le personnage soit passionnant et exemplaire ; milliardaire (“zillionnair”, comme ils disent), membre des fameux 1% gravitant autour de Wall Street, la rhétorique avantageuse et la pensée réduite aux clichés du genre, ultra-nationaliste interventionniste, et se piquant avec une démagogie sans aucune dissimulation d’être ultra-populiste pour plaire aux foules républicaines ; car Trump, ce personnage de l’écume des jours du Système, se pique d’être un politique (il a même envisagé d’être candidat à la désignation républicaine à la présidence en 2012) et, finalement, son clinquant et sa médiocrité ne déparent nullement au milieu du personnel politique tel qu’on le connaît ... Mais qu’importe tout cela, puisque seul importe pour notre propos son intervention au Conservative Political Action Conference (CPAC) des conservateurs en général et du parti républicain notamment, une réunion annuelle qui n’a plus guère d’intérêt pour la situation du parti républicain depuis que Ron Paul s’est retiré des affaires de politique active. L’intervention de Trump, rapportée par Newsmax à nouveau, le 7 mars 2014, a rendu la foule des militants “extatique”, – selon le terme employé. Donc Trump n’a guère d’intérêt, non plus que ses conceptions, mais ce qui doit nous intéresser c’est la teneur de son discours, aussi grossier et démagogique que lui, avec ses effets sur les militants.
«Billionaire businessman Donald Trump ditched the teleprompter at the Conservative Political Action Conference on Thursday and received huge ovations as he slammed President Barack Obama's leadership both at home and abroad. “We have so many problems — and we have so little leadership,” Trump said at the session in suburban Washington. “It's all about the leadership.”
»He cited China's move this week to devalue its currency against the American dollar, as well as Russian President Vladimir Putin's assault on Ukraine as examples of the United States' decline as a world power. “The reason why they're doing it is because our leadership is so weak and so pathetic that they can get away with it”... [...] “You look at other countries. They're doing the same thing. They have no respect for our leader and, frankly, they have no respect any longer for our great country,” he added. [...]
»Trump said that Putin is ‘toying’ with Obama in Ukraine. “He has the Olympics. The day after the Olympics, he starts with the Ukraine. When he goes into Crimea, he's taking the heart and soul, because that's where all the money is. That's the area with the wealth”. “So that means the rest of Ukraine will fall — and they’re predicting that it will fall very quickly,” Trump concluded. “It's like with this country: if we don't make it great, it's going to fall. It's really going to fall.”»
Donc, Trump n’a aucun intérêt, non plus que ses discours, ses prédictions, etc. Ce qui importe ici, c’est que ce grossier porte-voix entonne les thèmes qui plaisent aux électeurs républicains, à la direction du parti, aux conservateurs primaires abreuvés de la narrative sur l’exceptionnalisme US et qui jurent que cet exceptionnalisme est en train d’être cochonné par la “faiblesse” du président alimentant le déclin-express des USA. Cet amoncellement de clichés n’est d’ailleurs nullement dédaigné par les démocrates, comme le montrent les interventions de Kerry, consacrant des heures aux contacts avec la presse pour arguer haut et fort que les USA ne sont pas devenus neo-isolationnistes, qu’ils ne sont pas devenus cette puissance en déroute que décrivent certains (voir Trump) ; ces interventions de Kerry avaient lieu fin-février (voir le 28 février 2014), alors que l’Ukraine plongeait dans le chaos, et nous dirions sans la moindre hésitation que le brutal durcissement US à la fin-février et au début mars a évidemment et essentiellement sinon exclusivement à voir avec cette campagne démocrate pour réfuter l’argument du neo-isolationnisme.
L’intervention de Trump et les réactions des républicains montrent bien entendu que ces mêmes républicains réfutent absolument cette rhétorique des gens d’Obama ; ils accentuent leurs critiques jusqu’à l’hystérie au plus l’autre côté tente de les réfuter. (Question intéressante, qui suggère sa réponse à peine est-elle posée : les républicains haïssent-ils plus Obama que Poutine ?) Cela signifie que Washington est plus impuissant que jamais, que les USA sont plus divisés que jamais, que la crise ukrainienne, d’une telle gravité et qui pourtant a laissé les USA indifférents jusqu’à la fin-février, n’a absolument pas fait l’unité nationale derrière le président comme on attend du Système lors d’une crise grave. Au contraire, la crise ukrainienne alimente encore plus, si besoin était, la division des USA, et constitue un facteur de plus d’affrontement, qui va s’amplifier sans mesure d’ici les élections mid-term. C’est-à-dire que, dans l’affaire ukrainienne, – par exemple, par contraste avec le climat en 2002-2003, avec l’invasion de l’Irak, – la présidence est placée devant deux fronts : celui de la crise ukrainienne d’une part, celui de l’affrontement interne aux USA, – le second, on s’en doute pour ce pays en complète décrépitude intellectuelle et politique, beaucoup plus important pour le brillant Obama que le premier.
C’est un facteur qui n’est guère pris en compte dans la basse-cour de la communication du bloc BAO. C’est pourtant un facteur essentiel, parce qu’il interdit à Obama, – s’il en avait l’idée, ce qui n’est nullement démontré, – de songer à une politique plus nuancée que celle qu’il conduit, parce qu’il va continuer à le pousser à la surenchère, à l’affirmation des narrative les plus grossières, à un maximalisme sans la moindre retenue en soutien de la bande de Kiev et contre Poutine et la Russie. Au plus Obama tente de s’imposer comme un leader intransigeant et furieux, au plus sa faiblesse est exposée au grand jour, pour ceux qui veulent bien consentir à regarder les choses, et cela conduisant les Trump & Cie à encore accentuer leur critique et à affirmer que Obama est faible, faible, faible («our leadership is so weak and so pathetic»)... Cet enchevêtrement de narrative et de mensonges est tel que, parfois, l’on côtoie la vérité des caractères et des politiques, puisqu’effectivement la stupidité et la démagogie de Trump finissent par dire le vrai lorsqu’il parle de «our leadership [...] so weak and so pathetic». Par conséquent, il faut avoir à l’esprit que l’essentiel de la politique du bloc BAO dans la crise ukrainienne est conduit sans aucun intérêt pour la vérité de cette crise ukrainienne, qu’elle est quasi toute entière déterminée par la crise interne du bloc, et essentiellement par celle du pouvoir à Washington. Ajoutons que cette logique, interprétée différemment et selon des normes et des mœurs politiques qui ne sont pas les mêmes, caractérise pour beaucoup les politiques ukrainiennes de divers autres pays du bloc, – l’Amérique restant plus que jamais le modèle, plus que jamais lorsqu’il s’agit de s’effondrer avec la grâce et l'élégance d'un fromage trop fait, comme on se répand.
Mis en ligne le 8 mars 2014 à 06H03
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