Favori à Cannes : Hollywood-Système, mise en scène WikiLeaks

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Favori à Cannes : Hollywood-Système, mise en scène WikiLeaks

Belle stratégie de communication : WikiLeaks sort plus de 200.000 documents divers (30.287 “documents” and 173.132 courriels [e-mail] de Sony Pictures Entertainment) documentant les relations plus qu’incestueuses entre Hollywood et le Système, dans le chef de ses divers officines ad hoc, principalement le bureau Public Diplomacy and Public Affairs du département d’État, le Pentagone et, indirectement, la CIA. La diffusion de cette masse de documents qui perme de fixer l’engagement-Système aujourd’hui effectivement massif de Hollywood dans toutes les campagnes de communication, – notamment la guerre antirusse et la “démonisation” de Poutine, – tombe le jour où le Festival de Cannes annonce sa sélection des films pour sa compétition annuelle du mois de mai. Espérons que les frères Coen, qui président cette année le Festival, sauront convaincre le jury que le film Hollywood-Système, mis en scène par WikiLeaks, mérite un Grand Prix Spécial du même jury qui devrait être proclamé comme supérieur à toute autre production de l’année, sinon de l’époque depuis 9/11.

Le 16 avril 2015, Variety a résumé le déroulement opérationnel de l’affaire, qui est un prolongement de la polémique qui opposa Sony Pictures et la Corée du Nord à la suite du piratage du film The interview ... «WikiLeaks has published 30,287 documents and 173,132 emails stemming from last winter’s cyber-attack on Sony Pictures Entertainment. The hack was reportedly initiated by North Korea in response to the studio’s decision to release “The Interview,” a comedy that centered on an assassination attempt on North Korean leader Kim Jong-un. That resulted in a series of embarrassing revelations, exposing correspondence between top executives and producers that ultimately led to the ouster of studio chief Amy Pascal and her replacement by TriStar chief Tom Rothman.

»WikiLeaks, which came to prominence releasing sensitive government documents, said that it was releasing the archive because reporters were only able to “scratch the surface” before the correspondence was taken down. “This archive shows the inner workings of an influential multinational corporation,” WikiLeaks editor-in-chief Julian Assange said in a statement. “It is newsworthy and at the center of a geopolitical conflict. It belongs in the public domain. WikiLeaks will ensure it stays there.”

»The group said that the correspondence expose Sony’s political fundraising and its lobbying activities on behalf of anti-piracy. In particular, WikiLeaks cites emails detailing how members of the studio set up a “collective” in order to get around campaign donation limits and send money to New York Governor Andrew Cuomo, because of his support for state film and television tax incentives and work cracking down on piracy. The release announcing the document release specifically cites Sony Pictures Entertainment CEO Michael Lynton’s involvement with military and intelligence think tank the Rand Corporation, and the company’s overtures to stars like George Clooney and Kevin Spacey in order to come to their events.»

Variety détaille également, dans un autre article du 16 avril 2015 la position de Sony Pictures et son embarras alors que le groupe croyait être sorti de la crise de The Interview. Sony a déjà cherché une riposte légale mais il est particulièrement mal placé pour le faire en raison du caractère semi-clandestin de WikiLeaks et de la position de son principal responsable, Julian Assange, qui est réfugié à l’ambassade d’Equateur de Londres depuis plusieurs années, dans des conditions très difficiles, presque carcérales par le fait même, mais qui est de ce fait judiciairement intouchable. (Assange représente l’archétype du calvaire que le Système fait subir à ses ennemis, mais aussi la façon dont ces “ennemis”, qui n’ont plus rien à perdre, peuvent riposter et infliger de graves dommages au Système... Si le Système, dans le chef des autorités britanniques et suédoises, avait montré moins de furieuse intransigeance contre Assange et l’avait laissé trouver une solution de compromis, Assange aurait été en un sens plus vulnérable qu’il n’est aujourd’hui.)

Variety signale qu’un consultant en cybersécurité, Hemanshu Nigam, qui dirige la sociétéc de cybersécurité SSP Blues, a commenté que cette affaire montrait l’extrême vulnérabilité des grandes corporations-Système, une fois qu’une brèche importante a été réalisée dans leur système de communication interne. “Sony est la victime aujourd’hui, mais Google peut être la victime demain, et la question non résolue est de savoir comment empêcher la dissémination du matériel récupéré”. Et le matériel de Sony est désormais exploitable d’une façon qui détaille avec une précision remarquable les liens entre Sony (c’est-à-dire Hollywood, purement et simplement) et le Système auquel Hollywood est aujourd’hui quasi-complètement soumis. Entre autres, Sputnik.News a donné quelques précisions sur les connexions, procédures, implications, etc., entre Hollywood et le Système (le 17 avril 2015).

«The latest documents released by Wikileaks reveal some uncomfortable – yet unsurprising – truths about the relationship between Hollywood and the US Government. In its propaganda efforts against Russia, the US State Department may have pressured Sony – and some of the biggest stars – into cooperating. [...] As Wikileaks notes, Sony Pictures Entertainment CEO Michael Lynton is also on the board of trustees for the RAND Corporation, a research arm of the US military. According to emails, the State Department may have taken advantage of Lynton’s dual positions to further its own propaganda aims.

»“As you could see, we have plenty of challenges in countering ISIL narratives in the Middle East and Russian narratives in central and eastern Europe,” an email to Lynton from Richard Stengel, US State Department undersecretary for public diplomacy and public affairs, reads. “Following up on our conversation, I’d love to convene a group of media executives who can help us think about better ways to respond to both of these large challenges.” ”This is a conversation about ideas, about content and production, about commercial possibilities,” Stengel adds. “I promise you it will be interesting, fun, and rewarding.”

»“Who are folks I can or should see in NY are anti-Russian messaging — and also anti-ISIL messaging?” he asks Lynton in another email. In response, Lynton provided a list full of other Hollywood executives who would presumably also be cooperative. This included senior level management from Turner Broadcasting and Walt Disney International. Other emails suggest that Lynton was also asked to pressure Hollywood celebrities into promoting foreign policy objectives of the Obama administration.

»“We have already started to think through ways your superstars could potentially help amplify some of the great work US Embassy Paris is doing,” wrote a staffer on behalf of the US ambassador to France. “We’d love to include Sony names in events here, either as guests or performers, and would love the opportunity to leverage their popularity to promote the President’s priorities and agenda overseas.” Celebrities suggested by Lynton include George Clooney, Kerry Washington, Julia Louis-Dreyfus, as well as major filmmakers like David Fincher and Steven Spielberg. “Would also include Natalie Portman as she has just done a movie in Israel and is very involved there,” one email read.

»But Sony’s ties with the government extend even beyond the State Department emails. Documents reveal that Lynton also had contact with the president, having dinner with the Obamas. Wikileaks also revealed an email from Democratic Senator Chuck Schumer, which detailed his concerns with a perceived Russian threat. “Putin is little more than a schoolyard bully, so if he refuses to back down, we must bring Europe in as part of an aggressive solution,” Schumer wrote to Amy Pascal, a senior executive with Sony. “Sanctions have already hurt him, and the threats of expelling Russia from the World Trade Organization and forbidding it from hosting the next World Cup give us a strong hand.”»

Comme l’écrit Sputnik, il n’y a rien de bien nouveau ni d’étonnant dans cette collaboration de Hollywood avec le Système, qui fut effective de tous les temps depuis l’invention de l’“industrie du cinéma”. Mais cette collaboration fut d’intensité variable et d’orientations différentes selon les époques, les présidents, les orientations idéologiques dominantes. Par exemple, le soutien sans faille d’Hollywood à Roosevelt et à son New Deal, puis à son engagement vers la guerre et durant la guerre elle-même (les USA étant alors alliés à l’URSS), permit à une tendance de gauche assez radicale de s’exprimer à Hollywood, avec parfois une forte proximité du parti communiste US. Cela conduisit à une réaction brutale dans l’immédiat après-guerre, sous la forme d’un “Mccarthysme avant McCarthy” puisque l’attaque principale du Congrès contre Hollywood (avec les fameuses “listes noires” et les “Dix d’Hollywood” [Hollywood Ten] désignant dix scénaristes, metteurs en scène, réalisateurs, etc., qui furent officiellement mis à l’index, poursuivis pour outrage au Congrès, perdant tout emploi, s’expatriant pour certains) date des années 1946-1950 alors que McCarthy n’opéra qu’à partir de 1951. Dans tous les cas, Hollywood rentra rapidement dans le rang, les producteurs et dirigeants des studios ayant instantanément adopté la ligne dure du Congrès et menant eux-mêmes la purge des éléments jugés “déviationnistes” de la ligne américaniste du Système.

Ce rappel signale aussi qu’Hollywood entretint toujours l’image d’une majorité pro-démocrate et libérale (progressiste) qui relève bien entendu plus de la communication que de la véritable politique. C’est cette situation d’“image” qui fit qu’Hollywood sembla montrer une certaine opposition à la politique-Système que les USA adoptèrent délibérément avec GW Bush, républicain contre lequel les démocrates menèrent une opposition de circonstance. Ainsi vit-on des films montrant une ligne antiSystème, notamment sur la guerre d’Irak (Dans la Vallée d’Elah, Zone Verte, etc.), et cela jusqu’à l’élection d’Obama. A partir de là, Hollywood bascula complètement dans un soutien enthousiaste pour Obama, avec donations à mesure pour ses campagnes électorales, et bascula également au niveau de l’orientation “idéologique”, épousant de plus en plus nettement la “politique-Système” qu’Obama avait reprise à son compte. Dès lors, les ponts étaient complètement rétablis et Hollywood travailla désormais et travaille directement en collusion avec les services officiels de communication élaborant la propagande et lesnarrative officiels. Un film comme Zero Dark Thirty (2012) est en général considéré comme directement inspiré et alimenté par la CIA. C’est cette situation de complète osmose d’Hollywood avec le Système, embrigadant quasi-officiellement des vedettes prétendument libérales comme Clooney ou Spielberg, qui prévaut aujourd’hui. On peut même faire l’hypothèse que la collaboration n’a jamais été aussi forte et les extraits diffusés par Sputnik montrent que Washington demande désormais à Hollywood de s’engager plus directement encore, notamment pour ses activités hors-cinématographiques, passant des activités humanitaires dans le bon sens de ses vedettes à éventuellement des activités directement de politique de communication antirusses, – pour prendre le théâtre principal de la guerre de communication.

Un autre domaine où Hollywood coopère à fond est celui des organisations et grands traités commerciaux. Un article de The Intercept du 17 avril 2015 sur certains des documents WikiLeaks montre que les patrons des grands groupes de production (Sony dans ce cas) sont fortement engagés dans la bataille pour les deux grands traités de libre-échange (TTP avec l’Asie et TTIP avec l’UE). En échange, ces groupes réclament des dispositions et leur avantage et il est évident que les conditions exceptionnelles que le pouvoir public fait à la production cinématographique française sont mises en cause par Hollywood en échange de son soutien. Les cinéastes et acteurs français qui ont pris l’habitude de travailler avec Hollywood, en ayant l’impression d’atteindre ainsi au pinacle du cinéma-7ème Art alors qu’ils ne font qu’être absorbés par l’“industrie du cinéma”, pourraient ainsi se retrouver directement à Hollywood-sur-Seine, annexe du grand frère... (Lequel Hollywood qui n’a pas la Seine chez lui pourrait bien, – juste retour des choses, – devoir un jour s’abandonner soi-même, comme son compère Las Vegas, pour cause d’assèchement complet de la Californie soumise à la disparition progressive d’une alimentation en eau et à une sécheresse qui sont devenues, pour cette région, la norme d’un climat modifié aux conditions de vie de la postmodernité hyperlibérale. Peut-être pourrait-il trouver asile sur la Seine, dans une France transformée aux normes américanistes par le TTIP.)


Mis en ligne le 18 avril 2015 à 10H32