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12329 mars 2009 — Le président Obama ne cesse de partir en guerre. La déclaration officielle de la Maison-Blanche du 5 mars constitue une déclaration de guerre lancée à la bureaucratie du Pentagone. Certains, pleins d’espoir, mais pourquoi pas par les temps qui courent et qui sont pleins d’espérance, y verraient une continuation, une poursuite du discours fameux mais si peu célèbre de Rumsfeld, le 10 septembre 2001. Dans l'esprit, l'attaque d'Obama n'est pas vraiment une surprise, mais la rapidité et la décision de la chose sont remarquables.
Dans tous les cas, voici la substance des déclarations d’Obama sur cette question de la réforme du Pentagone (sur DefPro.com, le 9 mars), notamment considérée par le biais de la question des techniques de contrats.
«Now, I want to be clear, as Commander-in-Chief, I will do whatever it takes to defend the American people, which is why we've increased funding for the best military in the history of the world. We'll make new investments in 21st century capabilities to meet new strategic challenges. And we will always give our men and women the – in uniform, the equipment and the support that they need to get the job done.
»But I reject the false choice between securing this nation and wasting billions of taxpayer dollars. And in this time of great challenges, I recognize the real choice between investments that are designed to keep the American people safe and those that are designed to make a defense contractor rich.
»Last year, the Government Accountability Office, GAO, looked into 95 major defense projects and found cost overruns that totaled $295 billion. Let me repeat: That's $295 billion in wasteful spending. And this wasteful spending has many sources. It comes from investments and unproven technologies. It comes from a lack of oversight. It comes from influence peddling and indefensible no-bid contracts that have cost American taxpayers billions of dollars.
»In Iraq, too much money has been paid out for services that were never performed, buildings that were never completed, companies that skimmed off the top. At home, too many contractors have been allowed to get away with delay after delay after delay in developing unproven weapon systems.
»It's time for this waste and inefficiency to end. It's time for a government that only invests in what works. And what's encouraging is, is that there is broad bipartisan consensus on behalf of reform, and we are committed to taking swift action that changes our system of contracting to save taxpayers' money.»
Cela, c’est une déclaration de guerre, une de plus. Il est difficile de ne pas rapprocher, dans l’esprit de la chose, cette citation de celle, précédant d’une décade, pour commenter le budget monstrueux que BHO leur jette à la figure. (Citation reprise d’un texte de Matthias Chang, sur GlobalResearch.com, du 7 mars, que nous signalait un lecteur, avec le souligné en gras effectivement conservé de Chang.):
«I realize that passing this budget won’t be easy. Because it represents real and dramatic change, it also represents a threat to the status quo in Washington. I know that the insurance industry won’t like the idea that they’ll have to bid competitively to continue offering Medicare coverage, but that’s how we’ll help preserve and protect Medicare and lower health care costs for American families. I know that banks and big student lenders won’t like the idea that we’re ending their huge taxpayer subsidies, but that’s how we’ll save taxpayers nearly $50 billion and make college more affordable. I know that oil and gas companies won’t like us ending nearly $30 billion in tax breaks, but that’s how we’ll help fund a renewable energy economy that will create new jobs and new industries. In other words, I know these steps won’t sit well with the special interests and lobbyists who are invested in the old way of doing business, and I know they’re gearing up for a fight as we speak. My message to them is this:
»So am I.»
L’attaque de BHO contre le Pentagone est également présentée par Nathan Hodge, de Danger Room, le 5 mars. Une référence pressante est faite au discours de Rumsfeld du 10 septembre 2001, rappelé plus haut, avec cette précision assez ambiguë pour exciter nos imaginations, – pour avancer l’idée, que nous avons nous-mêmes souvent répétée, que 9/11 a évidemment tué 9/10, – et pour exposer le souhait, non sans scepticisme, que rien de semblable, ou de similaire dans les effets, ne viendra contrecarrer l’effort de BHO, comme 9/11 a tué 9/10… («The next day, that effort basically went out the window. Whether the Obama administration will have better luck remains to be seen.»)
«But can Obama really save the Pentagon from itself? Color me skeptical.
»An overhaul may be desperately needed in government contracting, but it's instructive to look back at ex-Secretary of Defense Donald Rumsfeld's speech on Sept. 10, 2001.
»“Every dollar we spend was entrusted to us by a taxpayer who earned it by creating something of value with sweat and skill -- a cashier in Chicago, a waitress in San Francisco,” he said. “An average American family works an entire year to generate $6,000 in income taxes. Here we spill many times that amount every hour by duplication and by inattention.”
»While Rumsfeld was talking about reforming Pentagon business practices, the larger intent was also the same: to cut down on wasteful and duplicative spending. The next day, that effort basically went out the window. Whether the Obama administration will have better luck remains to be seen.»
Bien entendu, il ne manque pas de commentaires pour annoncer une mobilisation immédiate des lobbyings divers du complexe militaro-industriel contre Obama. Voici cette citation de Spencer Ackerman, de The Washington Independent du 4 mars:
«If I was a lobbyist for Lockheed or Boeing, I’d be dialing my contacts in the Pentagon and the Hill to figure out what the prospective damage to my company was. And then I’d come up with a strategy to fight this forthcoming Office of Management and Budget review.»
… Le reste du commentaire suivant la couleur habituelle du scepticisme de rigueur devant une telle tentative, au vu de toutes les précédentes, dans le même sens, qui ont toutes échoué. Tout de même, Ackerman termine par cette remarque qu’on pourrait interpréter simplement par l’observation qu’Obama a choisi la technique Cortez (brûler ses vaisseaux) pour renforcer son côté Foch (voir plus loin), pour s’engager dans la bataille en se refusant la possibilité de l’abandonner, en en faisant un enjeu central de sa présidence.
«But Obama has now placed defense-contracting reform at the center of his efforts at cutting wasteful spending, and he’s put cutting wasteful spending at the core of his deficit-reduction approach; and both the press and the Republican Party will watch that deficit-reduction approach as a test of his presidency.»
Chers lecteurs, il est difficile à suivre, Barack Obama. Il est maintenant manifeste que le président US a choisi la voie radicale: lutte contre la crise, certes, parce qu’il est impensable de faire autrement, mais aussi, lutte contre le système. Le calcul, lui aussi, va de soi, – il est aussi simple. La crise doit affaiblir le système, le mettre sur la défensive. C’est le moment d’attaquer.
Il y a une autre façon de voir, en retournant l’image. Alors, BHO devient un Foch remis au goût de la techno-bureaucratie, avec les complications de notre postmodernité et les imbrications des faiblesses diverses; car Obama, lui aussi, est faible, d’une faiblesse incroyable compte tenu de la lutte contre la crise, mais tout en étant fort compte tenu des attentes du système qui le croit muselé par la lutte contre la crise. Vous savez, Foch (« Mon centre cède, ma droite recule. Situation excellente, j'attaque»); le maréchal de France dit qu’il est faible, donc que la meilleure réponse c’est l’attaque, et aussi que la meilleure réponse c’est l’attaque parce qu’il est faible et que l’ennemi ne croira jamais qu’il va attaquer dans un tel état de faiblesse. Obama dit: la crise me presse de partout, au centre, à droite, qu’importe, – j’attaque. Ce n’est pas si mal trouvé, car effectivement l’“adversaire” (le système) est affaibli comme on l’a dit, mais, aussi, hors de sa garde parce qu’il croit, de même, BHO trop affaibli pour attaquer; même les prévisionnistes, les lobbyistes, les consultants, tous ces corrupteurs et garde-chiourmes de la pensée conformiste, sont pris à contre pied: comparez toutes les prévisions, tout au long de 2008, sur l’immobilisme de la politique extérieure, sur l’immobilisme à la défense, etc., qu’on devait attendre de la nouvelle présidence, et ce que nous sort le président US.
Par conséquent, est-il plus inspiré, sans qu’il soit nécessaire qu’il le dise ou qu’on le signale aux USA (et puis, hein, keseksa, Foch?), – Obama a-t-il pris comme modèle, plutôt Ferdinand Foch qu’Abraham Lincoln? Pour l’esprit, on comprend la comparaison, car Obama est entièrement à la manœuvre pour l’instant, et à la manœuvre en position de faiblesse (l’esprit, du côté de Lincoln, était de rechercher la masse et donc la supériorité du poids, selon la méthode américaniste, pour écraser les Sudistes). Pour le reste, comme l’on dit, comparaison n’est pas raison; la victoire de Foch n’est pas nécessairement au bout du chemin pour Obama. Dans tous les cas, on comprend parce que c’est une évidence qu’il est infiniment plus difficile de vaincre Moby Dick que l’armée du Kaiser.
Bien, BHO ne nous déçoit pas, jusqu’ici. Il a un côté manœuvrier, lorsqu’il balance (notamment en politique extérieure) les déclarations entre conformisme à “la ligne du parti” et novation, et puis un esprit de décision lorsqu’il s’agit d’asséner un coup, – et un esprit de décision qui montre dans quelle direction il pousse. Il a aussi l’intelligence de diviser l’establishment, notamment en mobilisant le Congrès (Levin-McCain et leurs initiatives législatives) à ses côtés contre la bureaucratie; il choisit bien ses alliés, par ailleurs “alliés naturels” (le GAO, notamment). Pour autant, nous n’en sommes qu’aux prémisses et l’adversaire est pour l’instant plutôt groggy et peine à riposter. Cela ne durera pas. La guerre est déclarée, l’attaque est lancée, encore faut-il vaincre. La guerre contre la bureaucratie et contre les lobbies qui vont avec, c’est pire qu’une guerre de tranchée, celle dont justement Foch voulait sortir en attquant.
D’autre part, encore une fois en tournant l’hypothèse classique (“l’adversaire est groggy, cela ne durera pas”), il y a la possibilité de continuer à faire du Foch, même dans une guerre des tranchées, – c’est-à-dire lancer à nouveau et à nouveau l’attaque lorsqu’on sent l’enlisement gagner. C’est là qu’on approcherait du nœud gordien. Une hypothèse est qu’en effet, s’il veut poursuivre son effort d'attaques succédant aux attaques et ne pas abdiquer, il est probable qu’Obama serait conduit, voire forcé à sortir du cadre légal habituel, pour pouvoir effectivement poursuivre, – et ce serait aussi une “fuite en avant”. C’est là qu’on parvient à la limite d’une autre hypothèse, qui est l’hypothèse “American Gorbatchev”, qui vaut d’ailleurs pour d’autres domaines.
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