Geronimo, ben Laden, un “B-3” et le JSF, quel rapport ?

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Geronimo, c’est l’opération de capture et de liquidation sommaire de ben Laden, et le JSF c’est le JSF certes… Y a-t-il un rapport entre ces trois choses ? En plus, si l’on y ajoute un projet de nouveau bombardier de l’USAF, que nous baptisons “B-3”, en vérité quel rapport ?

D’abord, quelques nouvelles, qu’il conviendra ensuite de rapprocher, en ajoutant d’autres ingrédients, pour en faire notre sujet.

• Le 12 mai 2011, Aviation Week & Space Technology développe une nouvelle selon laquelle l’USAF semble très favorable à un nouveau bombardier à long rayon d’action (une sorte de “B-3”, après le B-2), pour les interventions lointaines. Par contre, la nouvelle rapporte que ces mêmes autorités montrent une certaine animosité, un manque d’enthousiasme flagrant concernant le F-35/JSF…

«[…T]here are hints that the U.S. Air Force’s new bomber program is popular and the increasingly expensive F-35 program is not. “The [new] bomber is incredibly important to us,” says Erin Conaton, undersecretary of the Air Force. “To remain a world-class power, we need a penetrating bomber force that can touch difficult-to-reach areas of the globe.” […]

»“We’re committed to recapitalizing our fighter force,” Conaton says. “There’s no doubt though, [that] we are going to look at every part of our budget — acquisition, people and O&M [operations and maintenance]. I can’t give a precise answer about where [the F-35 spending] is going to be. [But] we’re going to look at a range of programs that might be ripe for additional efficiencies.”»

• Le même jour, le 12 mai 2011, Reuters publie une analyse de Andrea Shalal-Esa sur les efforts que fait Lockheed Martin (LM) pour tenter de faire baisser le prix du JSF. La chose a l’air extrêmement difficile, d’autant que LM est contraint par le Pentagone à une production ralentie, pour assurer une plus grande sécurité dans les essais en vol, leurs résultats et les rapports de modification avec les modèles en production, pour éviter de très coûteuses modifications en retrofit ; ce ralentissement de la production fait monter les prix des avions en cours de production et peut conduire directement à des réductions de commandes chez les acheteurs potentiels, avec augmentation conséquente du prix de l'avion à cause d'une production ainsi réduite ; c’est ce qu’on nomme le processus de “spirale de mort” (“death spiral”). Même les dirigeants de LM montrent assez peu d’optimisme sur la possibilité de baisser les prix de vente de l’avion, ce qui est assez inhabituel et nous indique qu’on approche des périodes où les confrontations avec la vérité du programme deviennent inévitables. Du côté du Pentagone, il est acquis que les prix de vente actuels sont tout simplement intenables.

Pourquoi placer toutes ces nouvelles ensemble, d’une part, et en rapport avec l’opération Geronimo d’autre part ? Voyons l’enchaînement de nos remarques.

• Les nouvelles concernant le prix du JSF sont mauvaises, très mauvaises, et il n’y a vraiment rien qui puisse laisser espérer une modification dans le sens de l’amélioration. Or, il s’avère de plus en plus que ce point est, dans le climat actuel de dettes publiques vertigineuses et de crise budgétaire, le point immédiat le plus sensible, l’enjeu le plus décisif.

• L’on arrive à cette heure de vérité pour le JSF au moment où son principal défenseur, le secrétaire à la défense Robert Gates, s’en va… Dans le contexte de ce départ, on ne dissimule plus, au Pentagone, que l’on examine des options alternatives au JSF, ou, du moins, au JSF dans le nombre prévu.

• Là-dessus vient se greffer cette affaire de l’enthousiasme de l’USAF pour le “B-3”, un nouveau bombardier de grande pénétration ; un nouveau poste budgétaire important, pour lequel il faudrait trouver de l’argent alors qu’on n’en a pas, pour lequel il serait tentant d'aller chercher cet argent dans le programme JSF. Cet enthousiasme est fondé sur une nouvelle perception des moyens opérationnels nécessaires pour le futur, notamment des capacités de frappe à très grande distance, à partir du territoire des USA, – exactement ce que le JSF ne peut absolument pas faire, parce que le JSF est l’avion d’une politique militaire d’engagement massif à l’extérieur, ménageant des infrastructures extérieures, proches de conflits extérieurs et à partir desquelles le JSF peut être engagé selon ses faibles capacités d'autonomie.

• A quoi correspond cet enthousiasme pour un avion de ce type, qui contredit quelque peu les choix faits jusqu’alors, selon les stratégies d’engagement extérieur que l’on percevait pour le futur ? Il correspond incontestable au vent de changement qui souffle depuis l’opération Geronimo, et que Panetta, le successeur de Gates et l'homme clef avec sa CIA de l'opération Geronimo, va certainement aider à s’engouffrer au Pentagone. Il s’agit d’une stratégie générale évoluant vers des frappes ponctuelles, notamment terrestres avec les actions de commando type JSOC, mais qui nécessitent un équipement aérien de soutien très spécifique, voire un appui ou un substitut par des systèmes aériens d’une même spécificité, dont le “B-3” serait évidemment un exemple évident… Bien entendu, le lien avec le “B-3” et le JSF, et entre les deux, est aussitôt fait, favorable au premier et défavorable au second. Cette spéculation nous paraît fortement justifiée par ce subit enthousiasme de l’USAF pour le “B-3”, allant de pair avec le scepticisme grandissant pour le JSF.

…Tout cela est gouverné, certes, par le sentiment grandissant du déclin de la puissance US, à Washington même, loin des oreilles étrangères, lorsqu’il s’agit de faire les comptes. De telles nouvelles stratégies d’engagements sélectifs, ponctuels, à très longue distance, sans aucune implantation, ressemblent de plus en plus à l’esquisse d’une politique de sécurité nationale fondée sur une nouvelle posture fondamentalement isolationniste de l’Amérique.


Mis en ligne le 12 mai 2011 à 14H04

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