Glossaire.dde : dedefensa.org

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Glossaire.dde : dedefensa.org

6 avril 2015 – Cet article du Glossaire.dde a une fonction importante. Outre d’y avoir largement sa place, il est destiné à servir de présentation du site d’une façon générale et, plus précisément, d’assurer la fonction de référence principale du texte d’accueil, – la partie A propos de la tête de page d’ouverture du site, la “une” de dedefensa.org si l’on veut, lorsque ce texte d’accueil sera remis à jour. Nous compléterons donc des références vieilles de dix ans. (Les références de 2005 seront néanmoins conservées, comme référence paléohistorique de dedefensa.org, pour mesurer le chemin parcouru, et sous quelle forme.)

Cet article est long, certains le trouveront peut-être fastidieux, certains même passeront. Ce ne sera pas la première fois pour un texte de ce site, dont la caractéristique n’est certainement pas la facilité sollicitée ni la brièveté moderniste qui prétend en quelques phrases courtes et hachées, si possible sous forme de slogans, résoudre l’essentiel “utile” des questions qui nous assaillent. Il a tout de même l’avantage, du point de vue de dedefensa.org, de mettre les choses au net et au clair dans le chef du site, du travail qui y est fait, de son orientation, des principes qui le guident, etc. C’est-à-dire qu’il a l’avantage de rassembler les réponses évidentes, qu’on trouve éparpillées dans les nombreux articles du site, aux interrogations, remarques et critiques qu’on trouve parfois dans les rubriques du type Forum pour les lecteurs, et de répondre par avance, aux mêmes interrogations, remarques et critiques, qui continueront à être communiquées par la même voie, portant sur les mêmes aspects, etc. Le site dedefensa.org ne prétend pas être d’un abord facile, ni d’une lecture confortable, ni rassembler, dans chaque phrase, toutes les réponses auxquelles nous faisons allusion. Il nous arrive parfois d’espérer pourtant, qu’avant telle interrogation, remarque, ou critique, tel lecteur en général pressé de “consommer” ce qui est malheureusement souvent perçu sous la forme d’un “produit-information” pourrait s’aventurer dans certains textes de référence pour y trouver la réponse qu’il cherche. Nous ne prétendons certes pas qu’il y trouvera nécessairement satisfaction mais nous pensons que l’essai vaut d’être tenté.

... Bref, nous espérons que ce texte aura un rôle catalyseur à cet égard, pour rassembler ce qui peut l’être concernant les grandes lignes et les voies qui parcourent dedefensa.org. Mais pour cela, certes, il faudra lire cet article du Glossaire.dde, y compris ces premières lignes que vous n’êtes peut-être pas en train de lire, – et nous savons bien que “certains le trouveront peut-être fastidieux, [que] certains même passeront”... Qu’importe et quoi qu’il en soit ! Nous ne désespérons pas, sinon de faire triompher notre cause, au moins d’en faire entendre quelques échos.

Début de l’enquête, rappel des faits...

Il y a près de deux ans, le site dedefensa.org a publié son 10 000ème article. (Pour indication statistique : ces 10 000 articles marquaient un peu plus de treize ans de publication, avec bien entendu un départ extrêmement prudent, donc très lent. Par comparaison pour nous éclairer sur le rythme de publication : au 27 février 2015, 22 mois après les “10 000”, nous en étions au 11 000ème article.) L’article présentant cet “événement” symbolique s’intitule simplement «10  000», et date du 24 juillet 2013. Pour débuter ce texte-ci du Glossaire.dde, disons de “dedefensa.org dans son temps”, une citation de l’article “10 000” nous paraît opportune. Elle permet de déblayer le terrain, de le mettre au net et d’entamer véritablement la définition du site en précisant quelques vérités et orientations caractéristiques de dedefensa.org.

Dans les deux extraits, deux domaines sont abordés. Le premier concerne la définition du site, que nous faisons d’abord par exclusion furieuse de cette dénomination qui nous est souvent collée comme une étiquette indésirable, de “site géopolitique”. Ce n’est en rien le cas, et dont acte une fois de plus. Le second concerne la situation extraordinaire où nous nous trouvons de vivre une période d’effondrement de notre civilisation (effondrement du Système) et d’en même temps assister, avec tous les moyens de la communication nécessaire, en temps réel, nous dirions minute par minute, effectivement à l’effondrement de cette civilisation. Ce passage du “de notre civilisation” au “de cette civilisation” dans notre propos marque le processus étrange d’objectivisation du phénomène par rapport à nous ; dans le premier cas, vivant cet effondrement, donc partie prenante et la civilisation étant nôtre ; dans le deuxième cas, observant cet effondrement, donc presque comme observateur détaché et la civilisation étant “une civilisation” sans attache particulière avec nous. Ces caractères extraordinaires par rapport aux époques précédentes donnent une dimension complètement différente à notre métier, à notre mission telle que nous la définissons pour nous-même, avec une formidable capacité d’autonomisation par rapport aux flux de communication venus du Système et qui tendraient à nous imposer une vision spécifique du monde... Nous avons les moyens d’être libres dans une époque qui combat la liberté comme jamais aucune époque ne fit précédemment. (Et nous-mêmes, nous en usons, de ces moyens d’être libre. C’est un exercice à la fois difficile et exaltant, avec le plus grand enjeu qu’on puisse imaginer dans de telles conditions, – notre propre responsabilité.)

Cette évolution a aussi une valeur éthique qui nous est propre, qui concerne notre domaine et notre conviction, et qui est suggéré par le passage précédent : entre “notre civilisation” et “cette civilisation” il y a l’acte de désertion de notre temps au sens vertueux, l’acte de rompre. Nous ne faisons plus partie de “notre civilisation”, le “notre” devient “cette”, nous réfutons désormais tout engagement de solidarité et de loyauté vis-à-vis de cette chose. Dont acte. Au-delà, cette décision qui s’est accomplie d’elle-même, qui est de plus en plus perceptible dans nos textes depuis plusieurs années, et que nous signifions ici d’une manière conceptuelle, nous précipite définitivement dans la nécessité d’une critique ontologique, essentiellement métaphysique et historique (métahistorique), de l’époque que nous vivons, du monstre (le Système) qui la possède entièrement, et de la crise cosmique qu’entraîne cette situation.

Voici donc les deux extraits de l’article “10 000”...

dedefensa.org n’est pas un site géopolitique

« Il est évident que “dedefensa.org” a profondément changé dans son orientation, l’ambition de ses réflexions, le domaine de ses spéculations, depuis son origine. La définition qui est souvent donnée de lui (de l’extérieur, et nullement de notre fait, certes) de “site géopolitique” n’a absolument plus aucune raison d’être. S’il fallait le définir aujourd’hui du point de vue de ses appréciations et de ses commentaires concernant ce que nous désignerions comme “les situations terrestres“, ou “les événements courants”, nous parlerions plus justement d’un site d’“analyse crisique”, c’est-à-dire directement lié à l’analyse des “crises”, mais selon la conception implicite, et ici explicitement exprimée, que le phénomène “crise” s’est complètement transformé jusqu’à ne plus être un événement, mais bien une forme essentielle de la situation générale du monde. (D’où la prolifération dans notre “arsenal dialectique” d’expressions employant le qualificatif “crisique”, telles que “structure crisique”, “chaîne crisique”, “infrastructure crisique”. C’est ce que nous nommons “le facteur crisique”. Voir, pour ceux qu’une telle évolution intéresse, le Glossaire.dde du 30 avril 2013 sur “le facteur crisique”.)

« Parallèlement s’est développée une réflexion d’appréciation beaucoup plus haute sur cette évolution des “situations terrestres”, selon des points de vue métahistoriques et métaphysiques. Notre ambition est de tenter d’interpréter les “événements courants” selon cette perspective, ce qui constitue une tâche extrêmement délicate et, parfois, incomprise ou rejetée par certains lecteurs. Elle suppose d’embrasser plusieurs points de vue à la fois, d’établir une hiérarchie des événements, de considérer certains effets et d’en écarter d’autres, de ne pas s’attacher à des engagements et des soutiens systématiques, d’apprécier certains événements sur le terme et non dans leur immédiateté, d’écarter l’émotivité, etc. Nous sommes absolument persuadés que ces divers caractères correspondent à l’évolution du fondement des événements et se justifient par conséquent sans la moindre restriction ; sans ces références diverses, multiples et audacieuses, il nous semble impossible de comprendre précisément le sens le plus fondamental des événements en cours... »

L’effondrement de notre/de cette civilisation

« Cet aspect qui est offert au système de la communication, et par lui bien entendu, et dont nous bénéficions (?) évidemment, revient souvent dans notre esprit et parfois sous notre plume, car ceci est vraiment inédit dans l’Histoire : cette idée que nous sommes spectateurs directs, en direct, presque sans restriction d’aucune sorte, d’événements extraordinaires et dont nous pouvons mesurer directement la puissance et la substance pour pouvoir en déterminer l’essence, – et, éventuellement, saisir parfaitement cette essence ou la rater complètement, selon ce que nous aurons fait, en connaissance de cause, de la connaissance de cette puissance et de cette substance… Tiens, cela était déjà écrit dans les “Chroniques de l’ébranlement” (Philippe Grasset, 2003, éditions Mols), et les choses à cet égard n’ont fait que se renforcer d’une façon exponentielle. (Bien sûr, cette entame concernait le 11 septembre 2001, – “cet événement”, “cette attaque”):

« “D’abord, il y a ceci: en même temps que nous subissions cet événement d’une force et d’une ampleur extrêmes, nous observions cet événement en train de s’accomplir et, plus encore, nous nous observions les uns les autres en train d’observer cet événement. L’histoire se fait, soudain dans un déroulement explosif et brutal, nous la regardons se faire et nous nous regardons en train de la regarder se faire. On sait également que ceux qui ont décidé et réalisé cette attaque l’ont fait parce qu’ils savaient qu’existe cet énorme phénomène d’observation des choses en train de se faire, et de nous-mêmes en train d’observer...” »

dedefensa.org est donc un site d’analyse crisique

Il se déduit de ces deux précédents extraits une définition fondamentale du site dedefensa.org tel qu’il s’est forgé de lui-même, – c’est-à-dire sans que nous l’ayons expressément voulu dans ce sens, un peu comme si le site lui-même, animé d’une psychologie, d’une conscience et d’une volonté propres, en avait décidé ainsi. Aujourd’hui, en rédigeant ce texte, nous menons littéralement une enquête, – comme il est suggéré plus haut, dans un intertitre. Littéralement, nous partons à la recherche du temps écoulé qui n'est pas perdu, qui est retrouvé, jusqu’au temps identifié d’aujourd’hui, pour découvrir ce que dedefensa.org est devenu. Nous procédons en vérité comme s’il s’agissait d’un objet extérieur à nous, avec le respect dû à un phénomène qui s’est fait lui-même et auquel nous accordons une certaine importance.

Le résultat général de notre enquête, à partir de l’exclusion affirmée de la définition de dedefensa.org comme “site géopolitique”, à partir également de l’observation qu’aucune autre catégorie convenue ne lui convient, le résultat est donc que dedefensa.org opère dans une catégorie nouvelle d’analyse crisique. Il s’agit bien d’une analyse des crises qui se développent et, en général, perdurent sans aucune résolution, d’une analyse de tout ce qu’il y a de crisique dans tous les événements, qui renverrait à la référence centrale. Cela signifie également qu’il y a, à la base de cette posture et de cette ambition du site, le constat qu’aujourd’hui, dans cette époque sans précédent que nous vivons, tout ce qui importe est crisique, et tout que ce qui est crisique renvoie à un tronc central, une référence générale. On, comprendra aisément que cette référence générale est la Grande Crise générale, ou bien, comme nous la désignons, la crise d’effondrement du Système (voir le 12 janvier 2015).

dedefensa.org a donc une “ligne” historique

Dans cette vaste ambition caractérisant le site et surtout selon la précision de cette vaste ambition, il n’est pas étonnant que nous ayons établi des références importantes dans notre travail d’analyse. Ces références sont historiques, sinon métahistoriques, et renvoient à la thèse développée dans La Grâce de l’Histoire. Elles sont constantes et impératives dans notre travail, parce que nous ne croyons pas qu’on puisse aujourd’hui réaliser des analyses d’une réelle puissance, c’est-à-dire conformes à l’importance métahistorique de l’époque que nous vivons, sans nous référer explicitement et constamment à l’Histoire qui a enfanté cette époque et que nous interprétons de notre point de vue et selon notre perception faite d’expérience et d’intuition. Puisqu’il s’agit de notre point de vue et de notre perception, cette Histoire, qui est métahistoire, reprend notre thèse qui se démarque complètement, aussi bien chronologiquement que fondamentalement de l’“histoire officielle”, ou disons des “histoires officielles” selon quelques variantes plus ou moins idéologisées. Pour cette raison, il nous paraît bienvenu de rappeler cette thèse (méta)historique qui constitue à la fois le socle et la structure intellectuelles sur lesquels nous nous appuyons constamment pour faire progresser notre travail.

L’on sait suffisamment, si l’on est lecteur régulier de dedefensa.org, que le nœud furieux de notre thèse est le Moment (1776-1825) du “déchaînement de la Matière” (voir le 5 novembre 2012). Il s’agit d’un événement à la fois paroxystique dans l’intensité et qu’on pourrait dire cathartique dans sa représentation (de “catharsis”, ou “transformation de l’émotion en pensée”). Il a une dimension métaphysique évidente qui renvoie à la métahistoire mais aussi une opérationnalisation terrestre extrêmement précise avec les “trois révolutions” (révolution de l’américanisme, Révolution Française, révolution du choix de la thermodynamique pour l’activité industrielle) ; ainsi, par sa composition même, guide-t-il aussi bien le développement intellectuel que la méthodologie de notre travail. Il y a “un après” et une conséquence métahistorique spécifique du “déchaînement de la Matière”, qui est le sujet du tome I de La Grâce de l’Histoire paru en janvier 2014 et qui est présent systématiquement dans nos analyses ; il y a “un avant” et une influence métahistoriques à partir de l’origine métahistorique du “déchaînement de la Matière”, déjà abordés de façon parcellaire dans divers textes du site et qui est le sujet du tome II du La Grâce de l’Histoire à paraître à la fin de l’année 2015. (L’importance des deux “époques” est inverse de la chronologie, puisque plus on va aux origines plus on approche du cœur du Mystère.)

Notre rangement à partir du Moment-déchaînement de la Matière commence par l’affirmation qu’avec ce Moment, nous entrons dans une nouvelle époque, une nouvelle ère, que nous désignons comme la “contre-civilisation” de la “civilisation” qui l’enfante. Selon la classification normale, il s’agit d’une même ère ; pour nous, il y a une fracture qui réalise, qui fusionne métahistoriquement et qui opérationnalise historiquement les divers éléments qu’ont préparé les trois siècles précédents. (Cette observation sous-entend, ce qui apparaît dans nombre de nos analyses, que ce que nous apprécions comme l’“histoire” est une application opérationnelle directe de la métahistoire.) Dès ce Moment-déchaînement de la Matière réalisé, un courant de force, une dynamique de puissance, d’essence extrahumaine, entre en action et conduit les événements dans le sens de la déstructuration et de la dissolution de tout ce qui peut se réclamer de l’origine principielle de notre civilisation, ou plus encore de la chaîne de nos civilisations successives. Deux puissances subsidiaires vont opérationnaliser la puissance principale entrée en action : le technologisme et la communication. Nous donnerons à ces trois éléments les noms de “Système” avec majuscule (voir le 8 juillet 2013), de “système du technologisme” et de “système de la communication” (voir le 14 décembre 2012).

Durant les deux siècles observés depuis le Moment-déchaînement de la Matière, différentes puissances terrestres se sont faites les messagères et les exécutantes de cette dynamique de puissance qui anime cette époque de contre-civilisation. Principalement, ce sont, successivement, la Prusse-devenue-Allemagne avec ses ambitions impériales et expansionnistes, puis les Etats-Unis. Ces deux dynamiques vont permettre d’activer les différents facteurs constitutifs du Système, de les créer, de les opérationnaliser, de les répandre. Depuis la fin de la Guerre froide et le 11 septembre 2001, plus encore depuis novembre 2008 (voir le 10 décembre 2012), le Système agit à visage découvert, en tant que tel, et les diversités terrestres, nationales, régionales, institutionnelles, ont tendance à perdre leurs spécificités historiques pour se regrouper en éléments-Système et éléments-antiSystème, selon une logique métahistorique. Il n’y a pas d’assignation définitive, et les positions de chacun des éléments de la diversité terrestre peuvent varier volontairement ou pas d’une position-Système à une position-antiSystème et vice-versa.

Dans notre rangement historique depuis le Moment-déchaînement de la Matière, il existe un immense événement historique qui constitue la première occurrence où l’Histoire s’est trouvée directement influencée, pratiquement sous nos yeux ou sous les yeux de ceux qui le vécurent : c’est la Première Guerre mondiale, dite plus justement Grande Guerre. La conjonction d’une circonstance de guerre totale et d’un état de Progrès spécifique a fait de cet événement une conflagration unique par son intensité, sa puissance et, surtout, son caractère absolument représentatif de l’enjeu de cette contre-civilisation. Pour la première fois, et sans doute pour une fois unique à cause du rassemblement de l’action sur un territoire extrêmement restreint (les lignes de front très statiques), il est apparu à la fois d’une façon tragique et d’une façon symbolique que la puissance déchaînée de la Matière avait comme effet la capacité d’anéantir aussi bien l’espèce humaine que le monde dans sa totalité. L’action du technologisme, – c’est-à-dire des moyens techniques que la modernité nous donnait à partir de cet évènement, – massacrait et pulvérisait aussi bien les corps et les constructions humaines que la faune, la flore, le monde animal, la terre elle-même, et jusqu’au ciel, jusqu’à la lumière. Il était symboliquement question de l’anéantissement du cosmos. Selon nous, c’est ce constat effrayant de l’effet du Progrès manipulé par cette contre-civilisation, ce massacre à la fois des hommes et du monde, qui constituèrent le choc terrifiant de la Grande Guerre. Les psychologies en furent marquées décisivement, par la réalisation, souterraine et inconsciente pour la plupart d’entre elles, que l’on se trouvait effectivement devant l’enjeu suprême. Cela ne signifie nullement que toutes les réactions furent similaires, bien au contraire ; mais le choc, lui, vaut pour toutes les psychologies, pour tous les esprits...

Depuis la Grande Guerre qui, rétrospectivement, apparaît comme une réplique sismique en amont de l’immense tremblement du monde que nous vivons (notre crise présente), l’évolution a été extrêmement rapide au rythme de la surpuissance du Système conduisant à la situation présente. Dans cette description, nous faisons une place très réduite aux idéologies que nous considérons comme des faux-nez favorisés par le Système pour diviser à son avantage les forces et les puissances en action. Pour nous, la “situation présente”, notre époque ou notre ère, a l’avantage d’être débarrassée de tous ces faux-nez idéologiques, et c’est certainement ce qu’il faudrait vraiment entendre pour l’expression fameuse “fin de l’histoire” : l’“histoire” devenue “Histoire”, c’est-à-dire métahistoire, débarrassée des scories des manœuvres humaines pour faire place au Grand Enjeu “Système versus antiSystème”. Cet “avantage” est évidemment payé par son explication fondamentale, à savoir le paroxysme de surpuissance du Système et ce que nous jugeons être “la crise du Système”, ou “la crise d’effondrement du Système” car nous estimons que sa dynamique de surpuissance exerçant sa volonté de déstructuration et de dissolution en arrive au terme de son cycle à entreprendre, emporté par sa propre surpuissance qui finit par agir contre elle-même, sa propre déstructuration et sa propre dissolution en se transformant en dynamique d’autodestruction. Tout cela est largement exposé dans notre Glossaire.dde sur “la crise d’effondrement du Système” (voir le 12 janvier 2014).

Nous sommes, aujourd’hui, à ce Moment de basculement surpuissance-autodestruction... C’est là le fondement de notre démarche intellectuelle, le centre de réflexion et de spéculation du site.

Méthodologie de travail de dedefensa.org

Nous dirons quelques mots de notre méthodologie, de “notre façon de travailler”, en observant que cette méthodologie s’est, elle aussi, comme l’évolution du site, formée d’elle-même. Il n’y a pas d’approche théorique enfantant cette méthodologie, mais simplement le constat, fait à un certain point, que cette méthodologie-qui-s’est-formée-d’elle-même existe bel et bien.

Le constat est donc que nous avons comme méthodologie de développer nos conceptions, non à partir de points théoriques opérationnels pré-déterminés dans les événements, mais à partir de l’observation de la situation en cours, parce que cette situation présente est extraordinaire dans le sens où elle est immédiatement perceptible et concevable en termes métahistoriques. C’est-à-dire, à notre sens, que les événements sont d’une telle richesse et profondeur de signification, ils échappent tant aux normes de la politique humaine habituelle, qu’ils dégagent directement un sens métahistoriques dans leur opérationnalité même. (Cela se comprend par la remarque complémentaire évidente que les élites politiques, – directions actives et commentateurs, – complètement phagocytées par le Système, ont perdu toute capacité de contrôle des événements et ne parviennent plus à imposer l’interprétation-Système conforme, – paradoxe désormais classique où l’emprise surpuissante du Système détermine des impuissances opérationnelles et conceptuelles qui sont autodestructrices.)

L’observation et la compréhension de cette situation conduisent à la détermination de concepts fondamentaux, eux-mêmes de valeur métahistorique, permettant ainsi le développement d’une métaphysique. Il s’agit d’un cas que nous jugeons extraordinaire, parce que notre époque est de cette sorte, permettant de développer une métaphysique à partir d’événements effectivement extraordinaires parce qu’ils sont en essence une métaphysique appliquée et opérationnelle avant d’être identifiés selon des concepts métaphysiques ou comme concepts métaphysiques, parce qu’ils (ces évènements) sont dotés eux-mêmes d’une essence alors que les actes et les pensées des sapiens à l’intérieur du Système ont perdu leur propre essence.

Notre méthodologie se déduit de ces observations, et nous l’avons développée naturellement, en fonction du constat de cette situation extraordinaire. Par conséquent, nous considérons qu’une part de plus en plus importante de notre travail est d’identifier à mesure les éléments et facteurs métahistoriques que manifestent directement les événements. Ainsi s’explique-t-il que se dégagent dans nos analyses des concepts qui ne sont pas immédiatement et précisément identifiés et explicités, qui s’imposent dans nos analyses sans avoir été précisément identifiés et explicités. A partir d’un certain usage de ces concepts, quand il apparaît que cet usage leur a donné du sens, donc que tout se passe comme s’ils acquéraient une essence, nous nous attelons à la tâche de les approfondir, de découvrir tout ce qu’ils recèlent, – ce qui implique que ces concepts existaient déjà d’eux-mêmes sans que nous y ayons pris garde, et que nous n’avons fait que les découvrir, les identifier, tenter de les comprendre. L’aboutissement du processus de compréhension est une tentative d’explication générale dans le Glossaire.dde.

Recommandation pour une lecture critique de dedefensa

A la lumière de ce qui précède, nous terminerons cette présentation didactique du site par une “recommandation”, une règle méthodologique pour la lecture de dedefensa.org. (Encore une fois, selon le principe déjà plus d’une fois rappelé : c’est votre liberté d’accepter ou non le principe fondateur du travail de ce site. Si vous l’acceptez, alors il est de votre intérêt intellectuel de tenir compte impérativement des principes et règles intellectuelles que nous indiquons et proposons. Si vous passez outre, votre lecture sera largement inféconde et vos critiques sur les points que nous avons abordés n’ont pas lieu d’être.)

Nous aimerions donc que nos lecteurs tiennent compte de cette hypothèse (“la crise d’effondrement du Système”) comme d’un principe, d’un axiome qui dirige nos travaux, et sachant qu’un principe ou un axiome n’est pas soumis à discussion parce qu’il précède l’essence même de la pensée et la domine nécessairement en l’orientant décisivement. Ce site (dedefensa.org), ainsi que nos travaux et nos conceptions, ne font obligation à personne de suivre les références principielles choisies. Par contre, ces références, une fois admises et si elles sont admises, dispensent effectivement, dans le cadre conceptuel qu’elles tracent et qu’on accepte ou pas, de toute discussion de ce qui fait le fondement de ces travaux. Nous jugeons ainsi très limité et très appauvri le raisonnement implicite qu’il nous arrive de rencontrer et qui sous-entend ceci, même par simple suggestion : “Ce que vous écrivez ici ou là à propos de tel événement est parfois très intéressant, parfois très original, et nous l’acceptons avec grand intérêt, mais nous n’acceptons pas vos références, votre hypothèse, que vous devriez réviser”.

Notre affirmation qui repousse cette sorte d’argument est basée sur deux arguments : le premier est l’évidence de la liberté intellectuelle. Le second, plus conjoncturel et original, repose sur le constat révolutionnaire qui prend en compte l’époque exceptionnelle que nous vivons qu’il n’existe plus aucune référence objective fondamentale traçant une ligne méthodologique fondamentale, prétendant à une sorte d’objectivité de la méthode de la pensée. Nous rappelons souvent que cette attitude révolutionnaire a été développée par les autorités légitimes elles-mêmes, qui justement prétendaient à cette sorte d’objectivité ; avec l’attaque 9/11, ces autorités se sont volontairement débarrassées de cette affirmation, au nom du combat “contre la Terreur” (voir le texte “Je doute donc je suis”, du 13 mars 2003) ; en quelque sorte elles ont fait hara-kiri dans ce domaine fondamental de la légitimité de l’information, ou l’objectivation de l’information. Cette révolution de la communication nous a débarrassé du diktat de l’objectivité des autorités légitimes (devenues à cette lumière, et rétroactivement, pseudo-légitimes, c’est-à-dire absolument illégitimes) et l’objectivation est devenue un champ ouvert où chacun peut prétendre proposer sa formule. Cela fait grand désordre, – mais là, certes, qui t’a fait roi ? Ainsi, à cette lumière encore, à propos de ces descriptions “très intéressantes, très originales” citées plus haut (“Ce que vous écrivez ici ou là à propos de tel événement est parfois très intéressant, parfois très original... mais...”), – si c’est le cas et s’il y en a, – nous pouvons et voulons affirmer qu’elles sont nées d’une vision que nous jugeons légitime à nos risques et périls, qui s’appuie absolument et sans aucune restriction sur nos références et sur notre hypothèse. On ne peut détacher le fruit de l’arbre en niant que l’arbre existe et que c’est lui qui a donné le fruit.

 

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dedefensa.org, ou “les antimodernes”

Une constante de notre site est la référence, explicite au début, aujourd’hui devenue implicite, à l’“antimoderne” dans le sens de classification utilisé d’une façon régulière (voir le livre d’André Compagnon, Les antimodernes, Gallimard, 2004). Cette référence était déjà présente dans la première présentation du site, celle de 2005. Nous lui conservons toute notre affection.

Pour mieux expliciter cette notion qui nous est chère, nous présentons un passage du tome II de La Grâce de l’Histoire sur les “antimodernes”. Ce passage vient après la description de la destruction de la psychologie des élites françaises durant le XVIIIème siècle, sous l’empire et sous l’action notamment de cet activisme dialectique du nihilisme, de l’emploi du “persiflage” dans le Temps des Salons, à Paris, dans la littérature, dans le tour des esprits, dans la solidarité des pensées, dans le penchant humaniste et progressiste des Lumières, etc. Après avoir conclu cette analyse par une observation sur le manque de résilience des psychologies face à cette attaque, nous enchaînons à propos des “antimodernes”, – en remarquant qu’ils furent, eux, les seuls à montrer cette résilience dont les autres s’étaient trouvés démunis... On comprend ainsi qu’à notre estime, l’“antimoderne” se distingue ni par son idéologie, ni par le parti qu’il prend, – quand il en prend un, ce qui n’est certainement pas donné, – mais d’abord par une psychologie d’une fermeté extrême, qui ne cède pas aux sirènes diverses, qui tient le persiflage pour ce qu’il est en lui ôtant son masque de pacotille, qui combat une certaine capitulation du caractère. L’antimoderne, qui est absolument lié à une époque qui est celle qu’ouvre le déchaînement de la Matière, c’est d’abord un caractère... Qu’on nous épargne par conséquent, pour notre compte, tous les discours, – extrêmement modernes, eux, – sur les “réacs'” (réactionnaires) et autres vaticinations du genre. La pensée et ses idées viennent ensuite, installées sur le socle puissant du caractère et construites avec l’outil de la psychologie.

En effet, on notera de ce point de vue qu’apparaît implicitement, dans notre démarche de présentation de ce que nous entendons par “les antimodernes”, ce qui fait justement leur vertu principale, qui est la psychologie (d’une fermeté extrêmes chez l’antimoderne). Pour nous, la psychologie est la voie d’accès entre l’esprit et le monde extérieur, et c’est elle qui fournit le matériel pour les idées de l’esprit aussi bien que l’élan pour l’accession de l’esprit à l’intuition haute. Un affaiblissement de la psychologie constitue une catastrophe aux dimensions incalculables, et elle peut affecter les esprits les plus brillants. Pour nous la force de la psychologie fait partie du caractère, qui constitue l’intégration de toutes les capacités et de toutes les vertus qui permettent de former un jugement et de déterminer un comportement. Dans cet ensemble, la psychologie est le grand outil de régulation, c’est elle qui permet la formation du caractère vers telle hauteur et vers telle grandeur qu’exprimeront la pensée et ses idées.

Voici donc l’extrait choisi, – du passage à propos de l’antimoderne

La Grâce de l’Histoire, Tome II, Deuxième Partie : extrait

« Aussitôt et pour illustrer ce phénomène du manque de résilience des psychologies et bien marquer qu’il ne s’agit nullement de l’inexistence de la résilience, de son impossibilité, voici un appendice par rapport à ce qui précède, constituant une relativisation non négligeable du propos. Cette réserve fondamentale entend exposer que, malgré l’apparente puissance du mouvement de destruction de l’équilibre des esprits par l’attaque des psychologies telle que nous l’avons décrite, un contrepoids prend forme et s’anime, qui reste la base à la fois potentielle et inévitable de toute entreprise de résistance. Cet appendice à cette partie du propos que nous développons, il nous paraît nécessaire, à ce point du discours, de le décrire avec une certaine minutie et dans ses dimensions principales, pour tenter de bien décrire la globalité de l’enjeu, sa complexité, et, surtout, qu’il y a, malgré ce qui paraît une marche inexorable, où le destin paraît réglé, où notre sort semble scellé, – qu’il y a malgré tout un enjeu ! Cela signifie que le sort n’en est pas jeté, en rien et d’aucune façon.

« (Le sort, dans notre récit de l’Histoire du monde telle que nous la percevons, n’en est jamais jeté. Ce n’est certes pas qu’il nous importe, je dirais comme un esprit orienté qui répondrait à une consigne du devoir social et conforme au Système de ne pas désespérer, de faire jaillir une étincelle d’espoir et rougeoyer la braise de l’espérance. C’est plutôt la reconnaissance que, dans cette partie gigantesque que nous décrivons, nous ne sommes en aucun cas les forces déterminantes, et notre déchéance, lorsque c’est le cas, n’est signe de rien d’autre que de notre soumission à un courant déstructurant et dissolvant qui nous dépasse et nous entraîne. Au contraire, les choses étant considérées à la lumière des événements actuels et de la crise terrible qui s’opérationnalise par ce grand courant de déstructuration et de dissolution du monde caractérisant la “deuxième civilisation occidentale” se révélant “contre-civilisation”, il nous paraît évident de relever que rien n’est joué ; il nous paraît même essentiel, avec la force d’une conviction qui est presque une foi, de deviner plutôt le contraire, sous la forme d’un renversement qui serait suscité par l’effondrement de ce même grand courant, dont le développement suit la dynamique paradoxale de la surpuissance se transformant bientôt en autodestruction ; sans cela, nous ne serions pas à notre établi, à écrire cette chronique furieuse… Puisque nous en sommes où nous sommes, puisque rien n’est joué, rien ne l’était non plus à ce moment du passé où l’on pourrait croire que tout se joue.)

« A côté de ce sombre tableau de l’épuisement de la psychologie que nous avons tracé, on trouve l’évidence de l’existence d’exceptions comme une lueur d’espérance qui éclaire une échappée hors du paysage dévasté. Il y a de ces psychologies taillées dans l’airain, ou bien conformées pour mépriser et éviter l’attaque, ou bien la repousser, insensibles à ce que le monde extérieur peut présenter de tentations perverses, qui résistent évidemment à la fatigue, qui font des dépressions qui les frappent une occasion de se reconstruire plus fortes que jamais et manifestant ainsi cette vertu fondamentale de résilience ; qui écartent avec l’infaillibilité du regard de l’aigle la tromperie de l’épisode maniaque, qui est la fuite des psychologies faibles devant la dépression et ainsi frappées de maniaco-dépression. Ces psychologies qui s’en tiennent avec humilité à leur seule fonction d’outil, et d’outil qui ne trahit pas son usage, alimentent les pensées dépendant d’elles comme avec une sorte d’instinct par quoi l’on devine le piège où se trouve la pensée commune, où se trouverait sa propre pensée si elle ne choisissait pas en toute véritable liberté cette impitoyable critique prenant la forme dépressive maîtrisée par la résilience qui distingue et redresse les distorsions de la fatigue courante. A quoi sont dues ces exceptions, d’où viennent-elles et qui les guident ? L’homme de science (moderniste) a toujours prête une explication pour cette sorte d’occurrence, qui abaisse et réduit le fondement de la chose aux détails précis et souvent excitants de son fonctionnement, qui nimbe l’ensemble d’une complexité qu’on peut faire prendre pour de la profondeur. Laissons cela, c’est-à-dire l’homme de science moderniste, victime tragique de son emportement pour les lumières artificielles et trompeuses de la modernité, qui joue avec sa poussière pour pouvoir mieux abaisser encore ce par quoi il prétend être haut. Il nous paraît plus opportun, c’est-à-dire mieux approprié à notre propos, de laisser la porte ouverte à toutes les hypothèses ; il nous paraît évident, sinon impératif, de solliciter celle de l’influence sublime de l’intuition haute ; il nous paraît déplacé, et singulièrement trompeur dans tous les cas, d’écarter l’hypothèse d’interventions extérieures ayant la vertu de suggérer des mesures de sauvegarde, et de prendre date, de donner à certains la force et la conviction de redresser la psychologie fatiguée, ou de dresser cette psychologie comme un outil rénové, pour donner à la pensée, lorsque le temps viendra, la sagesse qui importe.

« Ainsi se définit une catégorie nouvelle et dissidente par rapport aux courants “à la mode”, en contrepoint des psychologies harassées des intelligences trop séduites par elles-mêmes et trop promptes à embrasser l’idée d’une évolution si décisive vers la modernité qu’elles en concluent qu’il s’agit d’une révolution générale et sans retour. Il est nécessaire, pour l’édification des esprits et le décompte des belles volontés, de se montrer ici plus concret et précis, pour bien faire sentir la vigueur du propos, à cet instant précisément, en lui donnant la forme d’une réalité actée et définie. Ainsi nous mettons-nous dans ce courant de sauvegarde qui est ménagé à côté du flot terrifiant de la puissance destructrice de la Matière, cette catégorie caractérisée d’un mot déjà cité dans ces pages, qui renvoie à un classement désormais acceptable de l’organisation des pensées et des conceptions depuis les dernières décennies du XVIIIème siècle : les “antimodernes”. (Ce classement, notamment celui d’André Compagnon dans ses Antimodernes, de 2004. Bien entendu, la définition que nous proposons au fil des remarques qui suivent est la nôtre.)

« C’est un fait remarquable et qui s’inscrit totalement dans notre rangement que cette catégorie se développe justement à partir de la fin du Siècle des Lumières et de la Révolution, avec des noms au départ tels que Chateaubriand ou Joseph de Maistre. Ces esprits ont des différences mais ce qui les unit est au-dessus de tout parce que c’est la considération fondamentale du Principe. Cette notion de Principe qui les guide est, dans son opérationnalité, celle de la rupture, et de la rupture documentée, consciente et rationnelle, avec la modernité qui arrive à sa maturité et les slogans aguicheurs développés autour du “Progrès” comme autant de publicités qui l’accompagnent. Elle leur donne la capacité de distinguer dans cela, — dans la modernité, – une construction singulière, formée d’un ensemble de concepts et d’artefacts manufacturés selon les techniques de la communication publicitaire, actifs et proliférant, à finalité politique spécifique, avec le caractère principal de représenter une pression intrusive constante visant à prendre le contrôle de la pensée activiste du temps en cours pour en faire un modèle de conformité et permettre à l’œuvre de déstructuration, de dissolution et d’entropisation du Système de s’accomplir. Ces esprits ont embrassé dans toute sa dimension maléfique cette tactique suprême de l’inversion qui consiste à s’approprier le courant de l’activisme inspirée de l’esprit, qui cherche, crée et saisit le monde parce qu’il est éclairé, pour l’obscurcir au contraire, le conformer en l’enfermant dans la vision conformiste du Progrès, pour en faire un outil au service de la Matière, puis du Système.

« L’esprit de l’“antimoderne” est servi par une psychologie qui a repoussé la fatigue générale en refusant de succomber aux conclusions trop séduisantes, qui ne recule pas devant les perspective d’une logique alimentée d’abord par l’intuition haute et d’une pensée définie par un rangement suprarationnel. Sa caractéristique, c’est ceci, selon le mot déjà repris dans cet ouvrage à propos de Péguy, marquant le parcours de cet esprit avec cette psychologie, – il s’agit de ceux qui ont vu et connu la modernité, et la tiennent pour ce qu’elle est ; il s’agit de celui qui a vu le monstre au fond des yeux et qui a tiré les conséquences de cette rencontre : «Celui qui peut dire “nous modernes” tout en dénonçant le moderne.» De ce point de vue, dans le cadre de cet essai, les antimodernes regroupent les esprits qui, d’une façon ou l’autre, confusément ou plus distinctement, ont distingué la rupture dont nous parlons et qu’ils actent pour eux-mêmes, et en ont mesuré la puissante dimension catastrophique. Ils ont vu ou bien senti, ou bien deviné, ou bien embrassé la modernité, qu’importe ; ils en ont saisi la substance, mesuré la subversion et la perversité, éventuellement la séduction trompeuse ; ils ont ressenti aussitôt, dans leur âme et dans leur chair, qu’ils se trouvaient effectivement devant l’Ennemi fondamental. Ils l’ont touché littéralement, ils l’ont humé, ils l’ont aimé peut-être, – qui sait, jusqu’à ce point où, soudain, la lumière de la vérité emporte tout et balaie les séductions et les envoûtements. Voilà donc les antimodernes, ces intempestifs de la modernité triomphante… Il importait de les reconnaître, de les saluer, pour mieux les mettre dans nos souvenirs, comme l’un des plus beaux d’entre tous, et dans notre arsenal, comme l’une des armes les plus efficaces contre la modernité issue du déchaînement de la Matière ; il importait de faire savoir qu’il existe, à côté et en dépit du monstre, des écoles et des regroupements de l’esprit appuyé sur un caractère de fer qui sont prêts à se manifester, qui se manifestent déjà, qui se sont déjà manifestés, en attendant la Chute et son terme.

« Voilà tracé et rappelé le schéma des affrontements que l’on va retrouver à la faveur du grand bouleversement qui se prépare, en observant qu’il existe toujours une porte de sortie de cet enfer qui est en train d’installer son empire. Il s’agit bien d’un affrontement et nullement du constat d’une défaite, et d’un affrontement plus que jamais en cours... »