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29096 avril 2013 – Le concept d’“infraresponsabilité” a été introduit récemment dans les textes de dedefensa.org, et il n’est utilisé que rarement. L’explication en est qu’il constitue, à partir de ses spécificités psychologiques, une explication théorique globale de l’attitude du sapiens-Système dans l’opérationnalisation de la politique-Système, donc qu’il est de facto inclus comme composant disons “passif” de la manifestation de la politique-Système. En un sens, qui dit politique-Système dit infraresponsabilité de la part de ceux qui l’opérationnalisent ; qui dit l’un dit nécessairement l’autre, mais comme nous nous attachons surtout, au jour le jour, à décrire les événements politiques selon nos conceptions, nous employons beaucoup plus le concept de politique-Système…
Pour autant, on le comprend, le concept d’infraresponsabilité n’est pas moins important. D’un point de vue historique et métahistorique, il est même plus important que le concept de politique-Système, parce que plus universel, plus durable, plus à la source des comportements, plus directement lié au phénomène de “déchaînement de la Matière” qui conditionne dans sa position à la fois de pivot et de catalyseur historiques, disons d’un point de vue opérationnel, toute notre conception métahistorique. Il importe donc de l’expliquer ici d’un point de vue historique et métahistorique, autant que d’un point de vue conceptuel. Pour cette raison, nous allons le situer dans sa perspective historique, avec l’interprétation métahistorique qui convient.
D’abord, en guise d’introduction, nous rappelons la conception, la naissance et l’“intronisation” de l’infraresponsabilité en tant que concept dans notre arsenal dialectique. Nous décrivons ce processus à travers trois textes, très rapprochés dans le temps, liés à des événements spécifiques qu’on retrouvera dans l’aspect détaillé qui nous importe, aussi bien dans les trois textes cités que dans divers autres textes du site auxquels ces trois textes eux-mêmes donnent les références. Les événements spécifiques (politiques) auxquels nous faisons allusion sont principalement ceux de la crise syrienne, à partir de son paroxysme de février 2012, et ceux de ce que nous nommons l’“agression douce” contre la Russie, principalement entre décembre 2011 et août 2012. Bien entendu, ces événements n’ont, dans le cadre de cette analyse, qu’une importance accessoire, une importance utilitaire parce qu’ils sont utilisés pour montrer comment nous en sommes arrivés au concept d’infraresponsabilité.
(Nos lecteurs nous passerons cette longue reprise de textes déjà publiés. Ils la passeront eux-mêmes, s’ils l’estiment inutile pour leur édification. Il n’empêche que leur rappel est essentiel, parce qu’il permet 1) de comprendre l’évolution d’un jugement qui se réfère autant à l’expérience qu’à l’intuition haute ; 2) de vérifier la démarche inductive de notre travail, comme outil de la pensée dont la substance est fondée sur l’expérience employée comme appoint déductif, et l’essence sur l’intuition.)
Le premier texte cité est celui du 11 juin 2012, sous le titre «La raison devenue “idiote utile” de l’affectivité». Ce texte décrit comment l’affectivité a complètement supplanté la raison dans le chef des dirigeants du bloc BAO pour l’application de leur politique dans la crise syrienne. (Évidemment, cette politique du bloc BAO dans la crise syrienne est enfantée par la politique-Système, et le recours à l’affectivité est une façon d’évacuer le problème insoluble que cette politique syrienne absurde du point de vue rationnel et du point de vue “normal” du bloc BAO pose à la raison des dirigeants du bloc.) Nous en donnons ici un extrait, montrant que nous cherchions encore à substantiver ce que nous percevions intuitivement, – en restant, pour ce cas, au constat de l’irruption de l’affectivité comme facteur déterminant de la détermination d’une politique.
»Le constat est effectivement que l’effacement d’une raison efficace, une raison “loyale à la perception de la réalité”, ouvre la porte au déferlement de l’“affect” en termes psychologiques, ou pure affectivité, dans les réactions à la situation de Syrie. Cet affect n’est évidemment pas suscité par un plan de manipulation puisqu’on a vu que la raison, qui seule peut produire humainement de tels plans, est absente dans son rôle habituel de rangement des ambitions et des projets humains. L’affect prépondérant dans ces réactions est donc la cause autant que le produit des manipulations innombrables qui caractérisent le compte-rendu de la [réalité] de la situation syrienne, qui est bien entendu une [réalité] complètement fabriquée, – littéralement, selon notre jargon, une “narrative”. Il s’agit d’une auto-manipulation, ou techniquement d’une auto-mésinformation, suscitées par une affectivité qui a complètement pris le dessus dans l’attitude psychologique, et qui affecte l’observation des faits et le jugement selon des normes idéologiques de type hystérique elles-mêmes véhiculées dans la psychologie avant d’être transcrites en “idées” de type-standard et homogénéisées (droits de l’homme, humanitarisme, etc.).
»(Cette auto-manipulation est facilitée par un aspect technique non négligeable, qui est l’atmosphère créée par le système de la communication, tel qu’il est lui-même intégré dans cette même auto-manipulation et cette auto-mésinformation. L’usage massif d’informations déformées par la presse-Système selon le processus qu’on a vu, de toutes les façons sans le moindre esprit critique qui disparaît avec la raison, la rapidité du processus de la communication qui interdit toute distance vis-à-vis du soi-disant fait exposé et la rapidité de la réaction émotive standard par conséquent, la profusion de l’emploi des mêmes images, la standardisation des réactions d’affectivité devant ce kaléidoscope ultra-rapide des mêmes éléments de communication présentés comme strictement objectifs, etc., tout cela crée cette atmosphère immensément favorable à la réaction affective, et seulement affective. Cette atmosphère agit comme un complément, sinon décisif, dans tous les cas très efficace, pour le phénomène constaté.)»
Dans notre second texte principalement référencé, le 27 août 2012, nous analysions la politique actuelle du bloc BAO (USA) vis-à-vis de la Russie, et faisions une comparaison rétrospective avec le cas de l’URSS. Nous observions combien, du temps de la guerre froide, l’impératif fondamental de la sécurité stratégique nucléaire (la nécessité d’éviter un affrontement stratégiques nucléaire potentiellement capable de conduire à l’extinction par destruction de la civilisation) primait sur tout le reste, notamment et évidemment sur les attaques idéologiques offensives opérationnelles, pouvant miner le régime, en opposant par la subversion les valeurs libérales théoriques (démocratie, droits de l’homme, etc.) au monolithisme bureaucratique et policier du régime soviétique. Aujourd’hui, au contraire, alors qu’il n’est plus question d’URSS et que le régime des libertés est incontestablement plus développé en Russie, l’attaque idéologique visant à déstabiliser le régime russe, au risque maximal sinon exclusif du désordre, est conduite sans aucune retenue par le bloc BAO. C’est soumettre à un risque insupportable d’incontrôlabilité la maîtrise de l’arsenal stratégique nucléaire de la Russie, donc, le même potentiel d’“extinction par destruction de la civilisation” par affrontement de l’URSS avec les USA. C’est cela que nous nommons “infraresponsabilité” de la part de ceux qui élaborent ces tactiques ; la stratégie fondamentale, l’inspiration de cette initiative, étant laissée, selon nous, à une autre force que la composante humaine comme on peut aisément l’interpréter et donc le comprendre à partir de certaines situations et déclarations du côté du bloc BAO.
«Pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut absolument placer cette situation, dans tous les détails évoqués, dans une perspective historique. Les opposants eux-mêmes se réclament, “en toute ingénuité et pourrait-on dire en toute innocence” pourrions-nous répéter, de l’héritage de la “dissidence” soviétique du temps de la Guerre froide. C’est vite dit bien qu'ils le disent en général, – tant est grande la différence de trempe, de circonstances, de courage, d'esprit et de conception du monde, si pas d'intelligence tout court ; bien entendu, leurs interlocuteurs et manipulateurs du bloc BAO ne les démentent pas, bien au contraire. (Nous aurions pourtant tendance à en rajouter là aussi, à la lumière prochaine d’un autre texte, sur un aspect psychologique fondamental, qui doit enchaîner sur la situation décrite dans ce texte pour l’éclairer décisivement : ces “interlocuteurs et manipulateurs du bloc BAO”, les McFaul et Cie, agissant eux aussi, à notre sens et eux à leur façon, “en toute ingénuité et pourrait-on dire en toute innocence”…)
»Nous laissons de côté cette circonstance (ingénuité, innocence, ciel ouvert et démocratie), dont on peut d’ailleurs aisément deviner ce que nous en pensons, – aucune réelle duplicité dans leur chef mais bien une débilité psychologique caractéristique (à nouveau, notre texte à venir). Ce que nous voulons mettre en évidence, – en acceptant pour la démonstration la pertinence et la justesse de l’analogie de type politique entre aujourd’hui et la Guerre froide (mais nullement analogie dans le sens moral, ni psychologique, ni certainement métahistorique, bien au contraire), – c’est l’extraordinaire situation que l’on observe aujourd’hui par rapport à ce que fut la situation durant les années de Guerre froide. Nous voulons parler plus précisément de la situation, de l’action, de l’intervention du bloc BAO vis-à-vis des opposants russes aujourd’hui, par rapport à la situation, l’action et l’intervention de ce que l’on appelait alors “l’Ouest”, ou “le Monde libre”, [vis-à-vis des] dissidents soviétiques durant les années de Guerre froide. Le contraste est absolument extraordinaire et fascinant, et il nous en dit beaucoup, non pas sur les situations respectives, non pas sur les situations intérieures russe et soviétique, mais sur l’évolution du “Monde libre” devenu “bloc BAO” ; sur l’évolution de la psychologie du pouvoir qui dirigea l’un et qui dirige l’autre, du changement de la perception ; sur l’évolution de la responsabilité de ce pouvoir vers ce que nous nommerons sous forme d’un néologisme, dans le texte promis, une “infraresponsabilité” (politique ou autre, et même plutôt “de communication” mais dans conditions très particulières) de ce qui ne peut plus être vraiment désigné comme “un pouvoir”, même si nous usons du concept par facilité de compréhension… C’est-à-dire, tout cela, la prodigieuse et stupéfiante rapidité de l’investissement achevé et totalitaire des psychologies humaines, – celle des élites du bloc BAO dans ce cas, – par le Système agissant en tant qu’entité autonome, proche d’être, sinon étant une égrégore...»
Le troisième texte référencé, du 29 août 2012, d’ailleurs annoncé dans le précédent texte référencé, s’attache à développer et à substantiver, hors de toute situation conjoncturelle, le concept ainsi identifié. Voici l’extrait choisi…
«Nous proposons donc un néologisme pour désigner cette attitude psychologique qui se généralise parmi les dirigeants du bloc BAO et fait désormais partie de l’“arsenal” psychologique auquel les contraignent les pratiques du Système que ces directions sont obligées de gérer, d’expliquer, de justifier et de prendre à leur compte sans se compromettre d’une façon qui les disqualifierait à leurs propres yeux et ferait peser une charge terrible, sinon insupportable, sur leur conscience, et sur leurs capacités par conséquent. (Nous désignons cette situation psychologique en constant changement qui exige de nouveaux concepts du nom d’“arsenal”, en référence à l’introduction de concepts nouveaux que nous développons dans nos analyses, littéralement comme on se constitue un “arsenal” dans cette véritable “guerre” intellectuelle qu’est la recherche d’une explication de la situation du monde, qui soit à la mesure de cette situation, et nous laisse espérer une ouverture vers la vérité du monde. Pour cela, nous devons disposer de concepts, éventuellement sous forme de néologismes, pour substantiver des situations et des attitudes nouvelles.) Bien entendu, le néologisme proposé désigne un processus non-conscient, – littéralement, “Seigneur pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”, – et c’est pourquoi nous disons qu’il affecte la psychologie spécifiquement, sans conscience de la chose de la part de la raison concernée ; par conséquent, suscitant des attitudes intellectuelles et pseudo-rationnelles totalement incompréhensibles pour ceux qui ne sont pas affectées, totalement justifiées sans débat nécessaire pour ceux qui le sont. Il s’agit par conséquent d’une action du Système en tant que tel, en tant qu’entité autonome, cela compris d’une façon impérative, dans la pleine signification du processus avec toutes les hypothèses que cela implique, y compris celle d’une entité qui pourrait être une égrégore…
»Nous tenons le Système pour une entité produisant le Mal, extrêmement sophistiquée, à côté de ses aveuglements tonitruants et de ses stupidités extrêmes. (Un peu à l’image, cela, de ce qu’écrivait René Guénon : “On dit même que le diable, quand il veut, est fort bon théologien ; il est vrai, pourtant, qu’il ne peut s’empêcher de laisser échapper toujours quelque sottise, qui est comme sa signature…”) Le Système charge ses serviteurs d’un nombre imposant de taches herculéennes et absolument épuisantes, par rapport à la vérité du monde qu’elles transgressent et contredisent très grossièrement ; économe et avisé, il entend bien que ces (ses) créatures soient protégées dialectiquement, – c’est-à-dire “moralement” selon la vertu-Système, – parce qu’elles doivent rester utiles, disons “en bon état de marche”, tant qu’elles ne sont pas disqualifiées.
»Le néologisme que nous proposons est le mot “infraresponsabilité”. Par “infraresponsabilité”, nous entendons quelque chose en-dehors de la responsabilité du sujet, et en-dehors du sujet lui-même, mais conservant des liens de communication avec cette responsabilité, dont la presse-Système, les conseillers, les experts, sont les innombrables media ; quelque chose qui annule certains aspects de l’obligation générale, ou ce qu’il en reste, de responsabilité du sujet. Le manifestation “opérationnelle” du caractère psychologique de l’infraresponsabilité implique que le sujet ne se perçoit pas, toujours d’une façon non-consciente et presque réflexe, comme fondamentalement responsable de ce qu’il fait (des évènements qui sont la conséquence de ses décisions et de ses actes), non pas à cause d’une pathologie quelconque, y compris une pathologie de “comploteur” complotant jusqu’à retourner contre lui-même le résultat du complot, mais parce qu’il existerait une responsabilité qui lui est extérieure, qu’on supposerait être parfaitement définie et complètement rationnelle. Puisqu’il s’agit d’une situation d’absence de conscience, ce n’est pas non plus évidemment le cas de l’absence de responsabilité du sujet par choix assumé (et conscient), par respect de l’ordre de la hiérarchie, par croyance ou par foi en quelque chose, quelque entité, quelque puissance mystérieuse que ce soit, etc., mais bien le constat réflexe évident sans nécessité de démonstration ni de preuve de l’existence d’une responsabilité que le sujet exerce mais n’assume pas, qui dépend dans son fondement d’une situation et d’une dynamique, sinon d’une volonté en-dehors de lui, très puissante mais extrêmement basse…»
L’on sait que nous équivalons en intensité et en potentialités rupturielles deux séquences, ou «époques» selon le concept maistrien : celle dite du “déchaînement de la Matière” (période 1776-1825) et celle qu’on pourrait désigner (expression à retenir) comme le “déchaînement du Système” opérationnalisé par des dynamiques liées sous la forme équationnelle de son évolution, surpuissance-autodestruction, – le Système équivalant à la Matière sous une forme très élaborée, structurée selon un mouvement de structuration par inversion, avec son dessein final qui est justement l’équation poursuivie déstructuration-dissolution-entropisation. La seconde séquence reprend la première, après avoir assuré son empire et son influence d’une façon presque universelle, pour lancer l’ultime assaut de cette équation finale représentant le but final du Système, déstructuration-dissolution-entropisation.
Notre appréciation est que ce que nous nommons infraresponsabilité a effectivement “pris forme” durant le XVIIIème siècle, sous l’action émolliente et déstructurante exercée contre la psychologie à partir d’une pratique générale du commerce de l’esprit incluse dans un contexte laxiste caractéristique (le “parti des philosophes” ou “parti des salonards”). (L’on pourrait qualifier cette période et ces pratiques, selon une norme roborativement prémonitoire, de “libre-échange de l’esprit”. Nous impliquons par là, notamment, la faiblesse de la régulation intellectuelle de ces échanges, le mépris des règles, des structures, des références principielles [au Principe], le goût de l'effet, du brio mondain, etc.) Cette situation est caractérisée notamment et essentiellement par le phénomène du “persiflage”, cela perçu comme une sorte d’outil de mécanisation du nihilisme déstructurant. L’infraresponsabilité a pris forme et sa place en se réalisant dans une première phase, dans ces circonstances et sous cette pression. La Révolution Française a brutalement imposé son empire, laissant la direction du monde aux événements du “déchaînement de la Matière”, avec charge laissée aux sapiens de les justifier dialectiquement.
La correspondances entre les deux «époque» nous conduit à considérer qu’il y a un saut “qualitatif”, dans le sens de l’inversion bien entendu, avec notre époque, “à l’avantage” d’elle bien sûr, sa perversion, sa capacité de dissolution distançant sans le moindre doute l’époque précédente. Précisons d’une façon impérative que “notre époque”, comme nous l’avons déjà fixée à plusieurs reprises, se définit ici comme ce laps de temps préparé avec brutalité par la chute du communisme, et opérationnalisé d’une façon concrète à partir de 1999-2001, – la guerre du Kosovo et 9/11. Ce découpage est ici spécifique à la psychologie qui est le facteur fondamentalement affecté par l’infraresponsabilité, ce pourquoi nous accordons une place spéciale à la brutalité de la chute du communisme, déstructurant les psychologies à mesure, – beaucoup plus à l’Ouest, dans le “monde libre”, qu’à l’Est… Selon d’autres points de vue, – par exemple celui de la définition du bloc BAO, – nous choisissons un autre “découpage”, avec des «époque» à l’intérieur de l’“époque” générale considérée, – ces nuances importantes adaptées au concept considéré. Cela confirme la richesse du concept d’infraresponsabilité et la puissance extraordinairement subversive de l’“époque” que nous vivons.
Dans ce cadre, ce que nous nommons infraresponsabilité a effectivement franchi un pas de géant par rapport à ce qui pouvait en apparaître dans la période précédente considérée. L’extension considérable du système de la communication durant la même période tient une place considérable dans cette évolution. C’est lui, ce système, qui ne cesse de renforcer le caractère de l’infraresponsabilité, – en objectivant les narrative qui favorisent l’affect aux dépens de toute raison, en objectivant l’affect en une donnée politique impérative, en objectivant la subjectivité de la donnée politique impérative en une politique perçue comme rationnelle et morale.
Le progrès est donc considérable (bon signe pour un moderne marchant sur la voie de la postmodernité)… L’action du système de la communication sur la psychologie autant que sa capacité de création de narrative permettent de véritables ruptures, selon les circonstances et les événements. Ce qui n’était, pour la période précédente considérée (autour de la Révolution Française), qu’une vague situation de ce point de vue, qui n’aurait certes pas suffi à susciter la création d’un concept tel que l’infraresponsabilité, devient désormais une évidence. (On notera que le système de la communication aide puissamment à mettre à jour les monstruosités du Système, du “déchaînement de la Matière”, – toujours selon son rôle de Janus [voir Glossaire.dde, le 14 décembre 2012] ; les monstruosités mises à jour se présentant comme telles, suscitent librement des réactions antiSystème, dont l’identification de ces processus fait partie. Janus, le système de la communication a travaillé et travaille pour et contre l'infraresponsabilité.)
Ainsi l’infraresponsabilité apparaît comme jouant un rôle majeur dans la situation, non seulement des psychologies, mais dans la situation des événements eux-mêmes. Le concept éclaire l’Histoire d’une lumière nouvelle. Il crée lui-même les circonstances, les causes et les conséquence de l’importance que son identification met à jour. Il organise et institutionnalise littéralement une dimension de notre situation, de notre crise et de notre contre-civilisation, jusqu’alors confié à l’explication de la seule et vague “vertu” du désordre ; nous sommes toujours dans le désordre, certes, mais dans le processus d’identifier quelques facteurs précis et essentiels de ce désordre.
Reprenant le paragraphe d’introduction du passage précédent (“L’on sait que nous équivalons… […] l’équation finale déstructuration-dissolution-entropisation”), nous ne le présentons plus comme cadre métahistorique des racines historiques, mais comme substance même des racines de l’infraresponsabilité. Nous avançons alors dans la définition et dans la compréhension du concept, non seulement dans la perspective historique (et métahistorique), mais dans le développement de sa substance dans ce cadre.
L’infraresponsabilité est encore une situation imprécise de la psychologie, ou rapport avec la psychologie, dans la première séquence (la Révolution Française dans le cadre de la séquence 1776-1825). On comprend que les éléments fondamentaux sont en place : affaiblissement décisif de la psychologie, notamment sous les coups du “persiflage”, essentiellement tout au long du XVIIIème siècle, irresponsabilité totale des dirigeants et des responsables de la Révolution, grossièrement manipulés par des forces supérieures (comme le décrit si bien Joseph de Maistre : «Les scélérats mêmes qui paraissent conduire la révolution, n'y entrent que comme de simples instruments; et dès qu'ils ont la prétention de la dominer, ils tombent ignoblement.»), etc. On peut déjà comprendre que l’infraresponsabilité est un processus psychologique destiné à donner à l’esprit quitus de sa capitulation devant le déchaînement de la Matière (le Système ensuite) grâce à un artifice psychologique actant un transfert de la responsabilité hors de l’intelligence humaine.
Pour autant, ces éléments épars, encore sans liens entre eux, marquaient combien l’infraresponsabilité restait encore à se constituer en tant que telle ; combien elle restait à l’état incertain d’“accident de la psychologie”. Effectivement, de nombreux épisodes, entre cette rupture de 1776-1825 et notre actuelle période, montrent que l’infraresponsabilité n’était nullement, ni omniprésente, ni structurellement installée, que l’état de responsabilité pouvait encore se manifester. Des événements (certains aspects du Congrès de Vienne, certains épisodes de la Grande Guerre, etc.), des hommes (Talleyrand, de Gaulle, Gorbatchev), des occurrences exceptionnelles (la complicité Kennedy-Krouchtchev pour une tentative de liquidation de la Guerre froide, de la crise des fusées de Cuba d’octobre 1962 à l’assassinat de Kennedy en novembre 1963), tout cela en porte témoignage par rapport à la relativité politique de l’époque, en actant des tentatives de remise en ordre principielle des événement (sans jugement de valeur sur ces tentatives, c’est la démarche de la responsabilité qui importe).
Le phénomène (développement de l’infraresponsabilité) s’est brusquement accéléré et même transformé en un sens, par son universalité, par l’imposition d’une conformité extraordinaire dans le chef de l’uniformité des jugements, des opinions, des arguments, etc., y renvoyant. Ce processus est particulièrement impressionnant depuis 2008, où l’infraresponsabilité parvient à l’effet de faire percevoir comme inadéquate, voire vicieuse et perverse, voire quasiment pathologique toute approche critique sérieuse du Système et des jugements et positions qu’il infère. Ce résultat a été notamment obtenu par divers facteurs de pression (dont certains déjà mentionnés) : l’accélération de l’Histoire et la contraction du temps, avec l’accumulation de crises en structures crisiques puis en une infrastructure crisique, qui rendent les événements globalement et absolument incompréhensibles si on ne soumet pas le Système à une critique radicale et si l’on n’emploie pas l’arme de l’inconnaissance. (Il faut noter ici, avant de développer plus loin, que cette évolution a un effet objectif vertueux peut-être décisif, de notre point de vue. Il force à faire passer la résistance antiSystème à la seule critique sérieuse et efficace, qui est le critique globale du Système. Il impose à la résistance antiSystème d’occuper la seule position sérieuse de résistance, discréditant complètement la critique fractionniste et nécessairement réductionniste qui est objectivement complice du Système.)
L’effet de infraresponsabilité se définit alors comme l’abandon de toute appréciation critique du monde au profit du Système, et le refuge de ce qu’il reste d’intelligence chez ceux qui lui sont soumis dans la parcellisation et le réductionnisme qui achèvent d’annihiler cette appréciation critique. La pression des facteurs extérieurs est complètement déterminante dans ce cas de l’achèvement de l’installation de l’infraresponsabilité. L’infraresponsabilité a achevé sa mue et n’est plus un caractère humain (un caractère de la faiblesse humaine) ; elle se constitue en un facteur indépendant des psychologies individuelles, mais bien entendu avec une action déterminante, voire exclusive dans les cas extrêmes, sur elles.
Ainsi constituée en un fait autonome et quasi-exclusif dans l'ensemble (le bloc BAO) qui dirige la civilisation ou contre-civilisation pour le compte du Système, l’infraresponsabilité, tout en restant de substance psychologique dans ses effets, acquiert une essence, ou pseudo-essence métahistorique. Elle devient une “chose en soi”, détachée de l’objet qu’elle alimente (la psychologie humaine, et au-delà la raison et l’intelligence humaines), entièrement dévolue à une tâche de manipulation et d’influence répondant au dessein du Système (facilitant décisivement l’alignement sur la politique-Système). Elle prend sa place dans l’arsenal de la destruction du monde, dans une occurrence et dans une position où ce phénomène est générateur de situations catastrophiques répondant à l’équation déstructuration-dissolution-entropisation.
…Bien entendu et selon la logique de l’inversion vertueuse (signalée plus haut) qui apparaît à une vitesse peu ordinaire en raison de l’accélération de l’équation surpuissance-autodestruction du Système, la circonstance “dans une occurrence et dans une position où ce phénomène est générateur de situations catastrophiques” peut aussi bien, et de plus en plus évidemment, se révéler vertueuse elle-même. Désormais, à cause de la place totalitaire qu’a prise le Système, “participer à la destruction du monde” équivaut presque parfaitement à participer à la destruction du Système. (Cette inversion est explicable, du côté du Système, par son engagement dans sa dynamique d’autodestruction : en détruisant le monde, le Système qui est devenu le monde se détruit lui-même.) De ce point de vue également, par cette introduction active dans un débat qui est évidemment de nature métahistorique et métaphysique, l’infraresponsabilité acquiert encore une autre fonction qui lui est propre en tant qu’entité autonome. A ce niveau également, elle s’affirme dans le champ de la métahistoire, comme participant remarquable de l’affrontement en cours autour, ou plutôt à propos du Système.
Très récemment encore (le 21 mars 2013), au détour d’un texte qui n’avait nullement pris cette question comme sujet, nous écrivions : «Comme vu dans notre texte référencé (démence : “Grave trouble psychologique qui entraîne l’irresponsabilité“), la pensée du dément a transformé sa propre irresponsabilité en infraresponsabilité, c’est-à-dire son irresponsabilité projetée hors de lui en tant qu’infraresponsabilité, et alors consultée et référencée comme une responsabilité objective entraînant nécessairement le bien…» Cette remarque signalait une idée que nous avions déjà pour ce texte du Glossaire.dde et que nous développons. Il s’agit de ce qui fait la séduction de l’infraresponsabilité pour les psychologies épuisées dont nous parlons précisément.
L’infraresponsabilité est une institution pseudo-vertueuse de l’irresponsabilité, un travestissement paré de la vertu qu’on apprécierait comme la transformation de perception de ces psychologies épuisées d’“hystériquement vertueuse” en une institution objective. (L’irresponsabilité a une connotation négative qui serait insupportable pour les susdites psychologies épuisées, il faut fournir un substitut d’apparence qui ne mette pas en cause, en apparence, leur responsabilité.) Il s’agit effectivement d’un appel à la “métaphysique”, c’est-à-dire à cette métaphysique faussaire ou pseudo-métaphysique qui n’a pas pour but de se hausser vers le plus haut mais d’être rassuré dans le plus bas où sont ces psychologies épuisées : plus cela semble haut, plus l’on est bas et plus l’on est mieux d’être bas… L’irresponsabilité est, pour nous, en termes psychologiques élargis à la notion de psychologie comme voie d’accès pour l’esprit des tendances extérieures, la marque de la démence. En ce sens, l’infraresponsabilité est l’institutionnalisation de la démence, ou la démence prise comme état naturel de l’esprit et repeinte en vertu de l’esprit. Ne nous effrayons pas de l’emploi du terme “démence” qui était suggéré dans la référence citée par le sujet traité ; admettons plutôt que, s’il est défini par l’irresponsabilité comme absence ou refus de la responsabilité, il s’applique parfaitement à ces êtres aux psychologies exsangues, ceux qui sont victimes du Mal, du “persiflage” du Système, qui sont le principal sujet de nos observations.
Nous entendons “démence” selon la définition clinique de la psychologie vue plus haut, qui nous intéresse par sa vastitude et l’absence de l’habituelle manœuvre réductionniste propre à la science de la modernité du réductionnisme par le détail, – «Grave trouble psychologique qui entraîne l’irresponsabilité» ; donc, cela, en écartant complètement cet aspect clinique complètement réducteur sinon comme un outil d’explication, temporairement utile. Dans ce cas, effectivement, les êtres frappés d’épuisement psychologique que nous côtoyons et décrivons appartiennent à la catégorie de la démence, non pas à cause d’une accusation nécessairement incompréhensible de “folie”, propice à toutes les réactions réductionnistes par idéologie, – mais à cause de leur comportement objectif par rapport à la responsabilité qu’ils doivent assumer par rapport à eux-mêmes ; parce que et puisqu’ils abandonnent toute responsabilité, non seulement pour le refuge chaotique de l’irresponsabilité, mais pour pire encore, le refuge du déni de la vérité du monde où apparaît leur démence qu’on trouve dans l’irresponsabilité transmutée en infraresponsabilité. Nous n’en faisons pas “des fous”, ce qui n’a guère de sens, mais bien des êtres irresponsables par épuisement de la psychologie, et embrigadés dans le Système, dans l’infraresponsabilité.
De ce point de vue, le concept de l’infraresponsabilité représente la somme de toutes les faiblesses qui affectent, par le biais de sa psychologie épuisée, le sapiens, devenu sapiens-Système. Cette somme de toutes les faiblesses peut être jugée, objectivement là aussi, comme l’archétype de la déroute intellectuelle complète et de la faillite complète de l’intelligence. Elle est aussi la marque institutionnalisée de l’abdication de toute espérances de ces intelligences de se comprendre elles-mêmes vers le haut, donc l’abdication aussi bien de l’éventualité de rencontrer des forces supérieures inspiratrices et de les comprendre, que de susciter en soi l’élan vers la hauteur de soi, et donc l’élévation de soi. En un sens, cette somme de toutes les faiblesses ainsi institutionnalisée résume ce qu’on pourrait observer aujourd’hui, à ce Moment métahistorique, comme la défaite de l’aventure humaine de la modernité, comme la déroute de l’espérance dans des conditions réduites à cette seule aventure, comme nous sommes accoutumés de la considérer depuis deux ou trois siècles. Elle représente, si l’on veut, une pièce à conviction décisive de l’accusation, donc irréversiblement à charge, dans ce qui serait l’équivalent, pour les petites âmes, d’une sorte de Jugement Dernier à propos de la période de la modernité arrivé à son terme et enchaînant sur la peine sans appel de sa chute.
On observera que l’apparition et le développement de l’infraresponsabilité déterminent plusieurs remarques fondamentales pour son opérationnalité. Ses remarques sont directement liées les uns aux autres. Elles s’enchaînent selon la logique de la psychologie soumise à l’infraresponsabilité, mais non sans ménager des possibilités de riposte qui ont un lien avec les événements en cours.
• Il y a d’abord l’ouverture au Mal, le renforcement du Mal, c’est-à-dire le renforcement du Système : voilà la première fonction opérationnelle, – la “mission fondamentale”, si l’on veut, – du concept. L’infraresponsabilité représentant, du point de vue de la psychologie, “la somme de toutes les faiblesses”, implique nécessairement une béance de cette psychologie où s’engouffre l’influence du Mal (du Système). Cela est d’autant plus le cas que nous avons situé l’infraresponsabilité comme un concept en dehors de la psychologie et de l’esprit, dont l’appel nécessite par conséquent une ouverture totale de la psychologie. La posture est toute entière acquise à l’influence du Mal par béance et par proximité, selon le processus que permet la faiblesse humaine.
• Il s’ensuit une détérioration accélérée de l’intelligence à cause de cette ouverture au Mal/Système. Dans les conditions envisagées, l’affaiblissement de l’intelligence est directement alimenté par l’affaiblissement de la psychologie ouvrant la porte à l’infraresponsabilité. L’intelligence n’est même plus confrontée à un choix (responsabilité ou irresponsabilité), elle délègue son fondement même à une entité extérieure. Elle perd tout caractère, toute structure, elle devient, selon le mot fameux (pour nos habitudes), aussi ferme “qu’un éclair au chocolat”. Elle produit encore des idées, des raisonnements, etc., tout ce qui fait l’apparence du brio qui a son succès dans les salons, mais tout cela “s’appuyant” sur une complète instructure, secoué par un désordre qui interdit de plus en plus d’établir un sens général directeur et ordonnateur du tout.
• On réalise alors qu’il se produit un effet intéressant, de pure inversion vertueuse. La détérioration très rapide de l’intelligence, réalisée indirectement par le dispositif mis en place par le Système, se fait finalement de plus en plus au détriment du Système. L’ouverture béante au Mal qu’implique l’infraresponsabilité renforce certes l’asservissement au Système du sapiens (devenant sapiens-Système), mais ce sont des intelligences en pleine dissolution, en plein chaos qui passent au service du Système, poursuivant pour leur compte l’étrange combinaison caractérisant le Système, de la superpuissance-autodestruction. Cet excès même et ses effets contradictoires créent une grande fragilité, voire une réelle vulnérabilité d’un arrangement qu’on aurait pu croire irrémédiable du fait de la surpuissance qui l’a institué. Comme on a tenté de le montrer plus haut, l’infraresponsabilité est détachée décisivement de l’irresponsabilité ou de toute situation de ce genre par sa position extérieure au sujet ; c’est ce qui nous fait passer de la simple psychologie à la dimension métahistorique et métaphysique… C’est ce qui fait que le “prisonnier” peut l’être complètement et parfaitement certes, mais qu’il peut aussi trouver dans ce nouvel environnement la possibilité de ne plus l’être tout à fait, voire de ne plus l’être du tout, – c’est selon.
• Ainsi l’infraresponsabilité n’est-elle pas une prison fermée à double tour, puisqu’extérieure au “prisonnier”… Puisqu’il ne s’agit plus d’une psychologie prisonnière d’elle-même (irresponsabilité), mais d’une psychologie investie de l’extérieur, il en résulte qu’on peut s’en échapper temporairement, ou bien l’on peut s’en échapper définitivement, selon les circonstances et ses propres comportement et consentement, simplement en refusant un instant ou bien plus longuement qu’un instant de n’en plus dépendre. Il ne s’agit pas de propos théoriques ou éventuellement opportunistes. Il existe des exemples, au moins d’échappées temporaires, qui concernent des dirigeants de pays du bloc BAO, comme par exemple, – exemples avancées à partir d’informations concrètes et précises, – concernant notamment les plus hauts dirigeants français dans le cas de la politique syrienne, à qui il arrive désormais d’exprimer en privé et de façon absolument dépourvue de la moindre ambiguïté des doutes fondamentaux sur la politique syrienne en l’occurrence (cela pourrait être telle ou telle autre politique), dans le sens d’un dégagement de leur posture infraresponsables. Pour les cas cités qui correspondent à une situation en pleine évolution, ils reviennent très vite à la ligne de l’infraresponsabilité, par le biais de réaffirmation publique de leur politique ; dans certaines circonstances nouvelles qui pourraient survenir rapidement, ce recul pourrait ne plus avoir lieu, passant de l’évasion temporaire à l’évasion définitive de la “prison extérieure” de l’infraresponsabilité. Ce fait précis, se référant à des cas précis, est nouveau. Il implique que nous approchons d’une époque où certaines contradictions, certaines pressions sur la psychologie et sur l’intelligence, voire l’empire de l’infraresponsabilité lui-même face à des événements d’une violence psychologique extrême dans le sens contraire, atteignent une telle intensité qu'il devient logique de penser qu’elles rendent et rendront cette soumission de plus en plus inacceptable, jusqu’à l’insupportabilité.
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